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02 juin 2014

Un dialogue spirituel avec Etty Hillesum, par delà la Shoah : Karima Berger sera mon invitée le 15 juin




Notre émission du dimanche 15 juin sera bien singulière, car nous allons laisser de côté l'actualité pour évoquer à nouveau la terrible mémoire de la Shoah. Nous ne le ferons pas avec un historien mais avec un écrivain d'une grande sensibilité et qui est à la fois une femme et une musulmane, Karima Berger. Nous parlerons de son dernier livre, "Les attentives", sous-titré "Un dialogue avec Etty Hillesum", c'est publié aux Editions Albin Michel. Elle est née en 1952 à Ténes, en Algérie, et elle est venue vivre très jeune en France, en 1975, où elle a soutenu un doctorat en sciences politiques. Elle a eu une vie très riche puisqu'elle a été à la fois cadre supérieur dans de grandes entreprises, mais également et depuis une dizaine d'années, écrivain, auteur notamment de "L'enfant des deux mondes", en 2002 et de "Eclats d'islam". Ces précisions sur sa biographie éclairent déjà sa propre personnalité, à la fois très attachée à ses origines, à l'éducation qu'elle a reçue, et en même temps et elle le souligne souvent, en rupture avec cela puisque sa vie d'adulte s'est construite ailleurs. Et là, je dirais qu'elle a trouvé une sorte de miroir dans la personnalité d'Etty Hillesum, cette jeune juive hollandaise déportée à Auschwitz et morte à 29 ans, à l'automne 1943, elle qui a eu une vie spirituelle si intense pendant cette période si noire, mais en restant en même temps éloignée de sa religion. Je dois avouer aussi, avec un peu de honte, que tout ayant tant appris sur la Shoah, je n'ai encore lu  ni son journal intime écrit avant son arrestation, ni les "Lettres de Westerbork", écrites dans ce sinistre camp de transit d'où sont partis vers la mort plus de 100.000 hommes, femmes et enfants, soit 70 % de la communauté juive des Pays Bas. Et c'est grâce à Karima Berger, grâce à ce "dialogue spirituel au féminin" comme elle a joliment dédicacé le livre que j'ai reçu, que je l'ai découverte et que nous allons en parler sur Judaïques FM.

 Etty Hillesum

Parmi les questions que je poserai à Karima Berger :

-        Pour planter le décor et le décor au sens propre du terme, puisque nous entrons au premier chapitre de votre livre réellement dans ce que fut l'appartement d'Etty Hillesum à Amsterdam : qui était cette mystérieuse petite marocaine au visage "animal et serein à la fois" dans laquelle vous vous êtes quasiment réincarnée, pour accompagner celle qui y a écrit son journal, il y a 70 ans ?
-        Vous évoquez Shéhérazade, l'héroïne des "Mille et Une Nuits", et vous dites : "Comme cette femme d'Orient qui en proie à un despote a parlé des nuits entières pour sauver ses sœurs, Etty tu as écrit aussi pour sauver tes sœurs et le monde".  Pourriez-vous nous expliquer ce rapprochement, entre cette juive morte en déportation et Shéhérazade ?
-        Quand Etty Hillesum écrit : "je ne veux pas être contaminée par cette haine farouche des Allemands qui verse un poison dans nos cœurs", quand elle dit "on souffre des deux côté de toutes les frontières, il faut prier pour tous", est-ce que ce n'est pas une attitude chrétienne ?
-        Dans plusieurs parties de votre livre vous évoquez  ce que vous appelez "la part orientale" de sa personnalité. Vous faites des rapprochements entre ses paroles et ses gestes et la religion musulmane : ce sont des croisements entre son journal et des versets du Coran, c'est le fait qu'un jour elle se prosterne sur un tapis. Et puis il y a aussi chez elle cette forme d'abandon à Dieu, de soumission qui est considérée comme la marque de l'islam. Que comprendre, dans le fond, par cette notion de soumission ?
-        Etty Hillesum écrit en juillet 1942 "Ce qui est en jeu, c'est notre extermination". Or elle a accepté de travailler pour le "Judenrat", l'organisation de la communauté imposée par les nazis qui, contrairement à la France, était chargé en partie de l'administration du camp de transit de Westerbork, et de la définition des convois qui partaient chaque mardi. Bien sûr qu'au final elle-même et sa famille ont été déportés, comme tous ceux qui servaient de rouage à cette machine infernale, mais enfin ce n'était pas une attitude courageuse : qu'en pensez-vous ?
-        Pourquoi ce parallèle que vous faites entre ce que vous appelez le "blanc arabe" sur la Shoah et le "blanc israélien" sur la Nakba de 1948 ? Pourquoi n'avoir pas laissé la Shoah de côté, en mettant plutôt en parallèle la souffrance des deux exodes, parce qu'il y a eu aussi un million de juifs déracinés des pays musulmans ?

L'émission est déjà enregistrée, et cela a été un grand bonheur d'avoir pour invitée une intellectuelle de si grande qualité : soyez nombreux au rendez-vous !

J.C