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26 mai 2013

La Grande Mosquée de Paris sous l'Occupation : Mohammed Aissaoui sera mon invité le 2 juin



Nous allons à nouveau faire un voyage dans le passé dimanche prochain, et cette fois-ci traiter d'un sujet longtemps négligé par les historiens, puisque nous parlerons du rôle qu'a pu jouer la Grande Mosquée de Paris pour protéger des Juifs sous l'Occupation ; nous le ferons avec un journaliste qui a fait une enquête approfondie sur le sujet, Mohammed Aissaoui. Ce sera un plaisir de le recevoir à Judaïques FM. D'abord, parce que nous allons parler de son livre, "l'Etoile jaune et le croissant", publié aux Editions Gallimard, c'est le premier ouvrage grand public évoquant l'activité de la Grande Mosquée de Paris sous l'Occupation ; il est journaliste au "Figaro Littéraire", et ce livre est le résultat d'un travail d'investigation très difficile, 70 ans après les faits et alors que la plupart des témoins sont décédés ; il a été d'une rigoureuse honnêteté, reconnaissant que les preuves sont rares et alors qu'un film, "Les Hommes libres" d'Ismaël Ferroukhi sorti en 2011 a eu tendance à enjoliver les faits, nous en parlerons ; mais ensuite et surtout, c'est un plaisir de l'interviewer parce que, lui qui est un Musulman français d'origine algérienne, a voulu répondre à tous ceux qui, juifs comme musulmans, ne veulent absolument pas admettre que des Maghrébins aient pu protéger ceux que le nazisme pourchassait. Il a eu le courage d'écrire, en introduction : "Je ne suis pas naïf : l'antisémitisme est la chose la mieux partagée au monde depuis la nuit des temps. Les Arabes et les Musulmans y prennent largement leur part". Et ainsi, alors qu'une histoire parfois censurée, parfois hagiographique, est enseignée de l'autre côté de la Méditerranée, il évoque aussi dans son livre des réalités oubliées, la légion SS musulmane, et la Brigade nord-africaine qui travailla avec la Gestapo : mais des "Justes" musulmans au Maghreb et ailleurs ont existé aussi, et il n'est pas normal que le Yad Vashem ne les ait pas encore reconnus, de cela aussi nous parlerons.

Parmi les questions que je poserai à Mohammed Aissaoui :

-        Tout commence, en fait, par le témoignage d'un certain Docteur Albert Assouline, qui a écrit en 1983 dans "L'Almanach du combattant" que, lui comme 1.732 personnes, évadés, résistants et surtout juifs ont bénéficié d'une cachette à la Mosquée. Et on s'aperçoit que c'est à partir de son témoignage que sera réalisé le premier film, un documentaire fait en 1991 par Derri Berkani, qui est un originaire d'Algérie comme vous. Que penser de la fiabilité du témoignage de Monsieur Assouline ?

-        Dans le film de Derri Berkani intervient aussi un médecin musulman, le Docteur Ahmed Somia. Lui malheureusement est décédé en 1994, la même année qu'Albert Assouline. Il travaillait à l'hôpital franco-musulman de Bobigny. Il a dit que cet hôpital, qui dépendait de l'Institut musulman de la Mosquée de Paris, était un site actif pour la résistance et l'évasion, en particulier de Juifs originaires d'Afrique du Nord qui auraient pu y retourner avec des faux papiers : est-ce qu'on est sûr, au moins, de cela ? Votre livre évoque aussi une infirmière d'origine juive marocaine, et là on est sûr qu'elle a été protégée, pourriez-vous en parler ?

-        Vous avez fait des recherches approfondies pour relater qui fut le Recteur Benghabrit ; documents retrouvés dans les archives, découverte d'une biographie écrite par un Marocain ; vous avez eu aussi conversation avec une de ses filles qu'il a eu sur le tard : de toute votre enquête, j'ai retenu un personnage brillant, mondain, fin manœuvrier, au fond ni résistant ni collaborateur : est-ce qu'on n'est pas très loin, finalement, du rôle excellemment joué par Michaël Londasle dans le film romancé "les Hommes libres" ?

-        Il faut comprendre que c'étaient les Séfarades originaires d'Afrique du Nord et vivant en région parisienne à l'époque qui auraient pu, par leur patronyme, par leur connaissance de l'arabe et par la circoncision partagée en Islam, se faire passer pour des Musulmans grâce à l'appui de la Mosquée Jean Laloum, historien qui a écrit un article critique du film d'Ismaël Ferroukhi dans "La revue des archives juives", relève que tous les dossiers conservés dans les archives du sinistre "Commissariat Général aux Questions Juives", ne parlent que de conversions factices au Christianisme ; pire, vous avez trouvé le cas d'une personne que la Mosquée a refusé de protéger et qui a failli mourir en déportation : qu'en pensez-vous ?

-        Le film "Les Hommes libres" est en fait centré sur le personnage de Salim Hallali - de son vrai prénom Simon - chanteur de musique orientale, qui a effectivement été protégé en étant admis à se produire dans le café attenant à la Mosquée. Vous même comme Jean Laloum avez découvert que sa sœur de 17 ans et son bébé de sept mois, ont été déportés à Auschwitz, en 1943 : comment imaginer une protection oublieuse du reste de sa famille ?

-        Dans un article publié par Ethan Katz au printemps 2012, dans le "Jewish Quaterly Review", l'auteur remarque que l'histoire réelle de la Mosquée de Paris sous l'Occupation est devenue le point de rencontre de débats contemporains : islamophobie, antisémitisme, "mémoire sacrée", "victimisation concurrente" entre Juifs et Musulmans. Arrivera-t-on un jour à dépasser ces anachronismes, à ne dire que la vérité et sans l'enjoliver ou la noircir ?

Beaucoup de questions, pour un livre qui se lit vraiment comme un roman policier ... j'espère donc que vous serez très nombreux à l'écoute !

J.C