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26 mars 2012

Une attaque sur l'Iran est la question la plus difficile à laquelle Israël fait face depuis 1948


La traduction originale 

- mars 2012

Nous sommes au dernier carrefour, et le débat avec nous-mêmes doit être conduit de façon approfondie, sage, responsable, claire et intelligente.

Ceux qui soutiennent une attaque sur l'Iran doivent répondre honnêtement  à 10 questions décisives.

A-t-on essayé tous les chemins, au point qu'il n'y ait aucune chance que la communauté internationale puisse encore stopper le programme nucléaire de l'Iran par le biais d'un siège diplomatico-économique? Est-il absolument clair que les Américains n'arrêteront pas la bombe iranienne par un bombardement aérien en 2013 ? Est-ce que une attaque israélienne aura vraiment pour effet de retarder les armes nucléaires iraniennes d'au moins cinq ans? Est-ce qu' une attaque militaire ne risque pas de déclencher un sanglant conflit régional et une interminable guerre de religions?

Une contre-attaque par l'Iran et le Hezbollah ne peut-elle pas provoquer des massacres terribles, que le front intérieur israélien ne sera pas capables de tolérer? Est-ce qu'une attaque qui n'a pas le soutien des États-Unis ne va pas briser notre alliance stratégique avec eux ? Est-ce que la crise économique mondiale que cela entraînera ne risque pas de conduire à une onde de choc de l'antisionisme et l'antisémitisme, qui pourrait menacer l’État juif? Est-qu'une attaque sur Natanz n'aboutira pas à causer des dommages à Dimona? Est-ce qu'une une attaque ne va pas  démanteler le régime de sanctions, et donner ainsi à la fois aux Iraniens la justification et la capacité de passer au nucléaire encore plus vite? Est-ce qu'une attaque sur l'Iran ne va pas laisser Israël totalement isolé?

Ceux qui s'opposent à une attaque sur l'Iran doivent répondre honnêtement à 10 questions essentielles.

Est-ce que les Israéliens au 21e siècle peuvent continuer à vivre avec l'ombre du champignon nucléaire chiite planant au-dessus de leurs têtes? Est-ce qu'Israël sera capable de résister aux guerres conventionnelles sans fin, qui éclateront à ses frontières une fois que l'Iran sera une puissance nucléaire ? Est-ce qu'Israël sera capable de gérer un Moyen-nucléaire, sauvage et radical  au Moyen-Orient? Est-ce qu' Israël pourra survivre quand les États-Unis commenceront à l'ignorer,  contraints à apaiser l'Iran, puissance montante nucléaire? Est-ce qu' Israël serait capable de survivre à l'isolement diplomatique qui sera son lot, quand un Iran nucléaire prendra le contrôle du Golfe Persique et dictera le prix du pétrole dans le monde? Est-ce que Dimona sera suffisante pour résister à la nucléarisation qui suivra de l'Arabie saoudite, de la Turquie et de l’Égypte? Est-ce que Dimona sera suffisant pour résister au risque de terrorisme nucléaire? Est-ce qu'Israël sera capable de résister à une situation dans laquelle les armes nucléaires iraniennes pourront mettre fin à la paix ou à l'espoir de la paix? Est-ce qu'Israël sera capable de résister à une situation dans laquelle un Iran nucléaire l'oblige à vivre sous la menace de son sabre, jour après jour, avec une cruauté qu'il n'a jamais connu auparavant? Sommes-nous prêts à prendre le risque, même de 1%,  qu'une bombe nucléaire explose au dessus de Tel-Aviv?

L'image est sombre, bien sûr. La politique israélienne de prévention a permis de gagner un peu de temps,  mais a échoué. La politique internationale de l'apaisement a créé une illusion et s'est effondrée. Les sanctions imposées étaient trop faibles, trop tardives, et n'arrêteront probablement pas l'Iran à temps.

Également, les récentes réunions à Washington ne se sont pas bien passées. Il n'y a pas de coopération stratégique entre Israël et les États-Unis. Il n'y a pas de confiance entre le président américain Barack Obama et le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Le président américain n'a pas donné au premier ministre israélien les garanties que, immédiatement après les élections de novembre, il stoppera l'Iran à n'importe quel prix.

En bref, le monde qui était censé sauver l’État juif du terrible dilemme auquel il est confronté, a échoué à le faire. C'est vrai, il pourrait encore y avoir un miracle. Peut-être que l'Iran se mettra à flancher à la dernière minute. Peut-être que les États-Unis se dégriseront au bord de l'abîme. Mais en mars 2012, le sentiment à Jérusalem c'est qu'Israël est tout à fait seul. Et nous nous rapprochons de l'heure de vérité.

Nous ne pouvons pas commettre d'erreur. Nous avons absolument, positivement, aucune possibilité de faire une erreur. Il ya 10 questions sur un côté, et 10 questions sur l'autre. La vingt et unième question est : attaquer ou ne pas attaquer?

Lorsque l'on s'attaque à cette question existentielle, il n'y a pas de droite ou de gauche, pas de méchants ou gentils, et pas de fauteurs de guerre ou de  pacifistes. Face à cette question existentielle, nous ne pouvons pas être critique ou brouillon, et nous ne pouvons penser dogmatique.
Nous sommes au dernier carrefour, et le débat avec nous-mêmes doit être conduit de façon approfondie, sage, responsable, claire et intelligente.

Parce que la vingt et unième question est la plus dure à laquelle que nous avons dû faire face depuis mai 1948. Et c'est une question de vie ou de mort.

Avi Shavit
Haaretz, 15 mars 2012

Traduction de Jean Corcos