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04 avril 2006

Florence, François, Florian et les autres ...

François Hollande

Je vous avais dit (article du 28 mars) que j’évoquerais mon deuxième petit-déjeuner avec « les amis du CRIF », dont l’invité était cette fois François Hollande, Premier Secrétaire du Parti Socialiste. Rappelons que - auditoire oblige - les problèmes de l’antisémitisme et du Proche Orient ont constitué l’essentiel du menu pour les échanges entre le leader de l’opposition et son auditoire. Je ne reviendrai pas sur ces sujets, en vous invitant simplement à aller sur le site du CRIF par le lien déjà donné, ou à lire l’excellent résumé publié sur le site « diaspora blog » (cliquer ici) ; ce dernier article se termine par une conclusion quelque peu désabusée de Bernard Koch, que je reproduis : « En résumé, quelques bonnes intentions, une légère remise en question, mais peu ou pas de propositions concrètes. Une tentative de rassurer la communauté juive de la bonne disposition du PS à son égard à quelques mois de la présidentielle. Bien maigre échange, en somme. »

Mais revenons à la question que j’ai eu la chance de pouvoir lui poser. « Rencontre » a eu des invités prestigieux, mais jamais encore de personnalités politiques de ce niveau, il fallait donc en profiter même si ce n’était pas à la radio ! Il m’a semblé plus intéressant d’évoquer notre pays et l’actualité brûlante - la crise sociale due au projet du CPE et la révolte d’une grande partie de la jeunesse ; mais en lui posant une question qui - langue de bois oblige - est très rarement évoquée dans les innombrables débats à la radio et à la télé. Je ne l’avais pas écrite, en voilà en gros la teneur : « Et si le chômage des jeunes diplômés était d’abord lié au fait que leur formation ne répondait pas aux besoins de la France ? Que pensez-vous quand vous entendez qu’il y a une Université où quinze mille étudiants en lettres et sciences humaines sont en grève, vous croyez vraiment qu’ils vont trouver un travail intéressant, CPE ou pas ? Nous manquons d’infirmières, de médecins, d’informaticiens, on doit en importer de l’étranger. Mais certains professeurs d’université - qui sont le plus souvent des sympathisants de la gauche - continuent de patronner des thèses de doctorat qui ne servent à rien ... ».Et bien, je dois reconnaître que François Hollande m’a étonné par la clarté et l’honnêteté de sa réponse.
« Oui », a-t-il dit en substance, « l’orientation est très mal faite en France. La coordination entre l’Université et les entreprises est tout à fait insuffisante. Les jeunes se détournent des disciplines scientifiques, c’est très mauvais pour l’avenir du pays. Il faut rénover l’éducation nationale, relancer la recherche, accorder plus d’autonomie aux académies en liaison avec les régions».
Comme on aimerait que ce discours soit repris ailleurs, sans crainte du corps enseignant dont les syndicats corporatistes brisent régulièrement tous les ministres de l’éducation essayant de secouer le Mammouth ... comme par exemple Claude Allègre, un socialiste « balancé » par sa base et lâchement abandonné par Jospin, comme Chirac abandonna non moins lâchement le malheureux Alain Devaquet !
Dans la même veine d’une gauche qui peut être lucide une fois débarrassée du « politiquement correct », cet article publié dans « Libération » du 4 avril sous la plume de ... Florence Aubenas (voir article sur le blog) ! Son titre : « Le bac en 1999, quelle vie en 2006 ? ». Elle retrace le parcours d’une dizaine d’ex-bacheliers du lycée Thiers de Marseille, un excellent établissement, fréquenté en majorité par des enfants d’origine non défavorisée ; et raconte comment le paradis de l’enseignement supérieur à la française, celui des études que l’on peut choisir en toute liberté et gratis - tant que les parents peuvent héberger leurs enfants et les impôts peuvent financer le gâchis - comment donc ce paradis de post-soixante-huitards (qui veulent changer le reste de monde mais surtout pas se remettre en question), va aboutir à des galères. Extrait :


« Dans les dernières années scolaires, la classe a défilé dans le bureau de la conseillère d'orientation. A chacun, elle posait une seule question : «Il faut être heureux. Qu'est-ce que tu préfères ?» Suivant la réponse, elle regardait dans un grand classeur quelle formation suivre pour le bonheur (...)
«On nous avait donné à tous le même mode d'emploi : les études comme une évidence et une assurance contre tout.» Après le bac, Florian n'a pas de projet à long terme. Il s'inscrit en Histoire, à Marseille. «Par luxe, et sans me poser la question une seconde.» Les années s'enchaînent. Deug, licence, maîtrise. Florian a l'impression que le passage des examens n'ouvre aucune nouvelle porte. Au contraire, il en ferme. Dans les amphis, les profs répètent à présent : «Histoire, c'est devenu plus difficile que médecine. Vous ne serez pas plus de 10 % à arriver au bout. Et de toute façon, si vous n'êtes pas enseignant, vous ne gagnerez pas votre vie.» Dans la famille de Florian, père médecin, mère orthophoniste, on pratique l'escalade. «Le plus dur a été de m'avouer que je voulais en faire mon travail. J'ai trouvé ça dix fois plus qualifiant que mon diplôme d'Histoire.» Florian se souvient de la réflexion de son père quand il a été reçu à l'examen d'escalade. «De toute manière, tu as fait Histoire. Les clients verront bien que tu n'es pas qu'un simple prof de sport.»

Florence, François, Florian ... et les autres, rassurez-vous, je vais arrêter là ce petit article qui n’a pas beaucoup de rapport avec mon émission. Si, un petit peu, quand je pense à un dernier personnage : « Jean », celui qui va signer. Celui-là était brillant en Français, en Histoire, il aurait aimé, lui aussi, avoir la carrière de certains journalistes ou écrivains interviewés à mon émission. Mais il a choisi, il y a presque quarante ans, des études scientifiques, un diplôme d’ingénieur, et l’assurance d’un travail correctement rémunéré - réservant pour ses « loisirs » ses passions adolescentes. Et c’est pourquoi il achève ce « post » sur son micro, à 23 heures 25 !

Jean Corcos