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21 avril 2017

Mélenchon, les Juifs et le « peuple supérieur »



On a beaucoup parlé des complaisances de Jean-Luc Mélenchon pour la politique criminelle de Bachar al-Assad en Syrie, mais aussi pour l’Iran et pour Poutine.
On a beaucoup évoqué – et on a eu bien raison – cette « alliance bolivarienne » où entrerait la France une fois qu’elle aurait quitté la trop « américaine » OTAN et qui ferait de nous les alliés de dictatures sud-américaines.
Mais il y a une dernière chose que je ne veux pas oublier, en cette veille d’élection : c’est les complaisances de Jean-Luc Mélenchon pour les manifestations antisémites de l’été 2014 ; ce sont ses propos caricaturaux, à l’époque, contre certains juifs ; et c’est sa volonté de stigmatiser la solidarité des Français juifs avec Israël.
Rappel, donc. En réaction aux manifestations pro-Gaza de juillet 2014 où plusieurs incidents violents ont eu lieu dans Paris et à Sarcelles aux cris de « Mort aux Juifs», voici les réactions de Mélenchon. Lisez tout.
Nous sommes le 24 août 2014 à Grenoble, à l’université d’été du Parti de Gauche. Le futur candidat de La France Insoumise commence par relativiser les attaques contre les lieux de culte et les commerces juifs. Il note que c’est le fait de « quelques énergumènes ». Et il affirme que les manifestants anti-israéliens ont su « se tenir digne et incarner mieux que personne les valeurs fondatrices de la République française ».
« Dignes » et incarnant « mieux que personne » les « valeurs de la République française », vraiment ? « Dignes », les attaques contre les synagogues des Tournelles, de la Roquette et de Sarcelles ? Incarnant « mieux que personne les valeurs de la République », à ces centaines de gens, armés de bâtons et de parpaings aux cris de « A mort les Juifs » ? Belle dignité qui nous promet des jours heureux sous son éventuelle Présidence… Et pour les valeurs de la République, heureusement, ce ne sont pas encore celles des pogroms…
Mais Monsieur Mélenchon, ce jour-là, poursuit : « Ces valeurs sont que nous sommes toujours du côté du faible et de l’humilié parce que nos valeurs, c’est liberté, égalité et fraternité. Pas la paix aux uns, la guerre aux autres. Nous ne croyons pas à un peuple supérieur aux autres. ».
Vous avez bien lu : « un peuple supérieur aux autres ».
Là, il veut parler du peuple d’Israël. Israël = Peuple supérieur, cela ne vous rappelle-t-il rien? Moi si. Et ces mots glacent le sang.
Mais ce n’est pas fini, il continue ce 24 août 2014 (l’anniversaire ce jour-là des massacres de la Saint-Barthélémy l’inspirant peut-être ?) en déclarant : « Si nous avons quelque chose à dénoncer c’est ceux de nos compatriotes [juifs] qui ont cru bien inspiré d’aller manifester devant l’ambassade d’un pays étranger ou d’aller servir sous ses couleurs les armes à la main. »
Mélenchon, là, parle d’une manifestation de solidarité organisée par le CRIF, pour soutenir Israël qui, depuis 7 ans, était bombardé presque quotidiennement par les missiles du Hamas. Manifestation où, soit dit en passant,, une minute de silence pour les victimes palestiniennes et israéliennes avait été observée.
Et comme l’a précisé Frédéric Haziza dans une très belle tribune dénonçant les propos de Mélenchon dans l’Obs, le 26 août 2014 : « Une précision quant aux soldats franco-israéliens : ils ne s’enrôlent au sein de Tsahal qu’après avoir acquis la nationalité israélienne et non pas, comme d’autres, avec l’objectif d’aller combattre au nom du jihad dans un pays étranger, éventuellement contre l’armée française, pour revenir ensuite en France commettre d’autres crimes. ».
Pour M. Mélenchon, donc, le partage est clair. Les casseurs qui font l’apologie de l’islam radical et descendent dans la rue pour casser du juif, sont des vrais républicains. Et s’il y a des citoyens à dénoncer, ce sont les manifestants pacifiques qui viennent, dans le respect de la loi, se rassembler devant une ambassade à Paris.
Puis Mélenchon s’attaque aux représentants de la Communauté juive :
« Nous n’avons peur de personne. N’essayez pas de nous faire baisser les yeux. Peine perdue. Je voudrais dire au CRIF que cela commence à bien faire. Les balayages avec le rayon paralysant qui consiste à traiter tout le monde d’antisémite dès qu’on a l’audace de critiquer l’action d’un gouvernement, c’est insupportable, nous en avons assez. La République, c’est le contraire des communautés agressives qui font la leçon au reste du pays. », a-t-il conclu.
« Une communauté agressive » ? Nous qui pleurons ces dernières années, neuf Juifs assassinés en France, car Juifs… Nous qui sommes la cible d’attaques antisémites violentes, représentant depuis 17 ans plus de 50% de toutes les attaques racistes en France… Nous dont les amis de Mélenchon, ou du moins ses compagnons de manifestation, attaquent les synagogues, armés de bâtons aux cris de « A Mort les Juifs »… Ce qui est « insupportable » c’est ce « nous en avons assez » ! Ce qui ne « sent pas bon », comme vient de l’écrire le dessinateur Joann Sfar, c’est cette façon de faire des Français juifs une « communauté agressive » qui devrait, elle, du coup, « baisser les yeux » ! Pour certains, de tout temps, les Juifs sont toujours responsables des attaques dont ils sont victimes. Mélenchon utilise la même rhétorique pour attaquer nos institutions représentatives.
De quoi devons nous donc qualifier cet homme politique qui insulte les Français Juifs solidaires d’Israël ? Lui qui ne trouve rien à redire contre les bouchers Assad et Poutine et à leurs centaines de milliers de victimes civiles en Syrie et en Tchétchénie ? Lui qui ne critique pas le gazage d’enfants syriens par Assad mais critique Trump qui sanctionne ce régime criminel ?
Je n’oublie pas non plus qu’en mai 2013, pour Jean-Luc Mélenchon, Pierre Moscovici « ne pense plus en français » et « pense dans la langue de la finance internationale » et plus récemment, qu’il a fait huer le nom de Bernard-Henri Lévy lors d’un meeting.
Bref, c’est un bien étrange moment où toute une partie de la gauche s’enamoure de ce tribun formidable, qui parle si bien, qui soulève les foules, qui fait rêver le peuple et qui serait censé redonner ses lettres de noblesse à la parole politique !
Et on sourirait presque, si la situation n’était si grave, de voir ce « merveilleux tribun » trouver tout naturellement les faveurs de Jean-Marie Le Pen et de la Une de Minute titrant : « Le tribun Le Pen a trouvé son héritier, il s’appelle Mélenchon ». Le Pen et Minute sont pourtant cohérents. Car Mélenchon incarne la même radicalité anti-démocratique, anti immigrés, anti capitaliste, anti-libérale, antisioniste, pro Assad et pro Poutine. Et Mélenchon est aussi le meilleur adversaire du clan Le Pen au second tour pour assurer la victoire de la fille préférée de Jean-Marie.
N’oublions donc pas que ce tribun a soulevé les foules en parlant de « peuple supérieur » pour qualifier Israël.
N’oublions pas qu’il a parlé de « communauté agressive » pour évoquer ses compatriotes juifs.
Et n’oublions pas davantage ses attaques contre tel ministre socialiste français supposé représenter les intérêts de « la finance internationale ».
Le 23 avril, je ne veux ni de l’héritière de Vichy ni de celui qui soutenait les manifestations pogromistes et antisémites de l’été 2014.
Votez pour faire barrage à ces deux candidats de la haine : dans les deux cas, la haine des démocrates, de la modernité et de la liberté.

François Heilbronn,
"La Règle du Jeu", 16 avril 2017

Nota de Jean Corcos :

Impossible de ne pas évoquer le premier tour de l'élection présidentielle, dans deux jours ; et cela dans un article daté du 21 avril, date restée funeste depuis que le père de Marine Le Pen et fondateur du Front National fut qualifié pour le second tour, à la surprise générale. Mais pourquoi en parlant plutôt du symétrique populiste de Gauche, Jean-Luc Mélenchon ? Parce que, contrairement à la candidate de l'extrême-droite - présentée comme battue au second tour par tous les sondages -, lui a de sérieuses chances d'être élu s'il était qualifié ; il semble en effet que seul Emmanuel Macron serait capable de gagner contre lui. Or ce leader politique qui a fait une percée remarquée en fin de campagne, a toujours manifesté une haine tenace, non pas à un gouvernement particulier mais carrément au peuple israélien, qu'il n'a jamais rencontré ni voulu connaitre ; et cette haine l'a conduit à insulter la communauté juive de notre pays, comme le rappelle de façon très précise François Heilbronn, vice-président du Mémorial de la Shoah et professeur associé à Sciences Po.

Bon vote dimanche, et qu'il nous évite un ou, pire encore, deux extrémistes pour le second tour !