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31 août 2014

Gaza : fin de la guerre, trois articles et une prochaine émission

Destructions à Gaza City

Mille merci aux lecteurs fidèles revenus en ce dernier jour du mois d'août.

Un mois marqué, hélas et comme le précédent, par le presque interminable round de violences entre Israël et le Hamas : quasiment 8 semaines, qui ont vu publier sur le blog uniquement des articles liés à cette actualité là, et encore de manière non continue car j'ai été absent de Paris à plusieurs reprises.

Je ne reviendrai pas maintenant sur ce conflit et sur toutes les leçons qu'il faudra en tirer, car ce sera bien sûr le sujet de mon émission de la rentrée dimanche prochain, une mission que je vous présenterai demain.

Mais je profite de cette publication pour vous signaler trois articles sous ma signature, publiés sur l'excellent blog israélien "Temps et Contretemps" - en lien permanent -, et qui ont été un peu mes analyses au fil de l'eau sur cette guerre inattendue :

-   "Un paysage diplomatique rassurant, mais fragile" reprenait en fait un texte déjà publié ici le 20 juillet ; en gros, mon analyse des rapports de forces régionaux a été validée par les 50 jours de conflit, qui ont vu dans le monde musulman l'axe "Egypte-Arabie-Pays du Golfe" l'emporter sur celui associant la Turquie et le Qatar ;

- "Levée du blocus de Gaza : exigence humanitaires et sécuritaires" reprenait un autre texte publié, lui, le 10 août sur le blog ; j'ai essayé de présenter de façon concrète les enjeux sécuritaires du fameux blocus, jamais détaillés dans nos médias nationaux ; l'article publié sur "Temps et Contretemps" est plus complet, car j'ai également évoqué à la fin deux acteurs incontournables, l'Egypte et l'Autorité Palestinienne ;

- Enfin, "Gaza : démilitarisation et force de dissuasion" est un article totalement original, mis en ligne sur ce site ami le 27 août, soit juste avant le cessez-le-feu que l'on espère final. Désarmement du Hamas, présence de forces internationales pour garantir la paix dans le Territoire palestinien et au delà, autant de perspectives sympathiques mais bien théoriques : en tout cas, j'ai essayé de démontrer pourquoi.

Bonnes lectures !
J.C

21 août 2014

Fin de la trêve, et nouvelle pause sur le blog



Décidément, cet été sera pourri jusqu'au bout en Israël et par la faute du Hamas ...
 
Jusqu'à mardi dernier, on avait espéré non pas un accord définitif, mais a minima la décision commune de prolonger les négociations le temps nécessaire pour parvenir à un compromis. Or - et les "maquillages" de certains médias français ou internationaux pour camoufler les faits n'y changeront rien - ce sont bien des tirs de missiles en provenance de la bande de Gaza qui ont brisé la trêve en pleine journée, alors même que les délégations de négociateurs étaient toujours au Caire.

J'ai attendu un peu pour écrire ces quelques lignes, car plusieurs scénarios étaient alors possibles : retour rapide au calme, mais il y a eu ce 19 août un nombre record de roquettes envoyées vers l'état juif ; réaction israélienne fulgurante avec intervention terrestre, mais apparemment rien n'était prêt en ce sens ; même l'assassinat effectif de Muhammad Deif, le "célèbre" chef de la branche armée du Hamas, restait à confirmer au moment où je publie de message, et il n'est pas sûr que cela fasse évoluer le jusqu'auboutisme de l'organisation terroriste.

Comme déjà dit, un blog n'est pas un journal, vous trouverez ailleurs d'innombrables sources d'informations en direct. Je m'accorde donc une pause qui me permettra, dans une dizaine de jours, de vous proposer une nouvelle synthèse sur cette guerre, qui est partie hélas pour durer.
Rendez-vous donc sur le blog le dimanche 31 août. 

Rendez-vous à noter aussi à la radio le 7 septembre, où nous parlerons bien sûr de cette nouvelle guerre entre le Hamas et Israël.

J.C

17 août 2014

Kilim à gogo !



De temps en temps sur ce blog, il me vient l'envie d'oublier vraiment l'actualité brûlante en publiant simplement des jolies images. Monuments, paysages, foules, costumes, gastronomie : le monde musulman nous offre tellement de dépaysements !

Je ne me souviens pas vous avoir souvent parlé de tapis, et le sujet est vaste ... Persans ou de Kairouan, d'Asie centrale mais aussi bien sûr de Turquie, cette industrie existe depuis l'Antiquité, par exemple en Anatolie d'où nous vient  cette photo. C'est vrai que l'actualité est bien désolante là-bas en ce moment - avec l'élection triomphale d'Erdogan à la Présidence de la République, nous y reviendrons sur les ondes ou sur le blog ; mais aujourd'hui je voulais juste partager avec vous les sourires de ces jeunes filles présentant fièrement des tapis "Kilim". 

Je vous invite à consulter cet article de l'excellent site "Zaman France"( voir sur ce lien) : il vous dira tout sur les Kilim, qui sont parait-il ... les plus anciens tapis de l'Humanité !

J.C

14 août 2014

Imaginez: l'"équilibre" actuel des médias durant la Seconde Guerre mondiale

Dresde après le bombardement du 13 février 1945

Si les mesures militaires prises par Israël sont considérées comme des « crimes de guerre » tels que définis par la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'Homme, Navi Pillay, alors cela signifie que les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l'Union soviétique ont commis des crimes de guerre à une bien plus grande échelle, afin de vaincre l'Allemagne nazie.


Plusieurs facteurs ont sauvé les Alliés de l'accusation de « crimes de guerre » et empêché leur poursuite en justice, ou tout au moins la création de commissions d'enquête, après la mort de centaines de milliers de civils, dont des femmes et des enfants, lors du bombardement de cibles militaires et de villes d'Allemagne. Basés sur les estimations des historiens spécialistes de la Seconde Guerre mondiale, les bombardements sur les villes allemandes menés par les forces aériennes américaines et britanniques ont tué deux millions de civils, y compris, bien sûr, des femmes et des enfants.


Un de ces facteurs importants est que la Seconde Guerre mondiale ait été racontée par la presse écrite qui a vérifié les faits grâce à des rapports et des descriptions. Il n'y a pas eu de chaînes de télévision ou de journaux aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni qui ont publié des informations détaillées au cours des combats. Les photographies qui accompagnaient les informations montraient la destruction totale des villes et des villages causée par l'avancée des forces alliées de libération de l'Europe. Les blogs, Facebook et les réseaux sociaux auraient été à l'époque aussi délirants que les vaisseaux spatiaux ou les transplantations cardiaques. Les informations en direct des zones de combats ne pouvaient être vues que lors de journaux audiovisuels diffusés dans les salles de cinéma avant le début des films.


Les stations de radio, les médias écrits et audiovisuels aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne qui étaient actifs pendant la Seconde Guerre mondiale ne bénéficiaient pas de la puissance et de l'influence qu'ils ont aujourd'hui. Mais un facteur important qui, de nos jours, détermine et dicte les informations depuis les zones de tension et de conflit armé, et qui n'existaient pas dans la presse écrite pendant la Seconde Guerre mondiale est le principe d'équilibre, qui, ces dernières années, est devenu le droit sacré et inattaquable des médias aux États-Unis et en Europe occidentale.


Dans n'importe quel rapport, important ou marginal, sur les scandales politiques, les campagnes électorales, les manifestations ou les procès d'intérêt public, les points de vue et les explications de toutes les parties concernées sont diffusées. La préservation attentive et extrémiste du principe d'équilibre qui caractérise les médias américains se moque souvent de l'information et porte atteinte à la signification des événements en dépeignant les parties d'une manière totalement biaisée.


Quelle chance, quel miracle que la loi sacrée de l'équilibre n'existait pas lors de la Seconde Guerre mondiale. Imaginons qu'en 1943 une organisation juive en Amérique ait reçu un rapport qui affirme que les nazis dirigeaient un camp de concentration à un endroit appelé Oswiecim en Pologne pour y assassiner des milliers de Juifs. Car en réponse aux allégations de l'organisation juive et au nom de l'équilibre, à une réunion du New York Times ou pendant la conférence du matin pour les infos du soir de CBS, on aurait décidé d'envoyer un journaliste à Berlin pour vérifier la véracité de cette affirmation grave.

Dan Rader serait allé à Berlin interviewer Heinrich Himmler ou Goering et les aurait entendus nier vigoureusement que des Juifs étaient assassinés à Auschwitz. Les nazis auraient même organisé pour Dan Rader la visite d'un camp de concentration pour lui montrer le baraquement qu'ils avaient préparé avec des Juifs âgés assis en train de manger un copieux dîner. Bien sûr, l'entrevue avec Goering ou Himmler aurait été publiée avec une photo du baraquement pour équilibrer l'accusation de l'organisation juive sur l'extermination des Juifs. Selon les réponses actuellement acceptées, on peut supposer que la version Nazi aurait même été plus agréable à digérer.


Le très respecté journaliste retraité Charlie Rose se vantait de son scoop avec son interview exclusive de Khaled Mechaal qu'il avait obtenu la semaine dernière. Lorsque les soldats alliés ont combattu contre les nazis, il était inconcevable pour un journaliste occidental d’interviewer l'ennemi et de donner une tribune dans un journal américain ou britannique à un général nazi. C’est l'absence de cette loi sacrée de l'équilibre qui a permis la victoire sur les nazis. Harold Macmillan, qui a servi comme Premier ministre du Royaume-Uni de 1957 à 1963 a dit que si dans les années 1940, la BBC avait le pouvoir qu'elle a aujourd’hui, le monde parlerait allemand.

Shlomo Shamir,

I-24 news, le 7 août 2014
Shlomo Shamir fut pendant 40 ans correspondant de Haaretz à New York. Il est un expert de la communauté et des organisations juives américaines.

12 août 2014

Soutenons les yézidis d'Irak, il y a un risque de génocide



A l'heure où fuient en masse les chrétiens d'Irak, dont certains ont pu gagner les refuges du Kurdistan, un autre carnage se perpétue. Quarante mille personnes, dont des familles entières, des vieillards et des enfants meurent les uns après les autres de soif et d'épuisement, encerclés sur les hauteurs désolées du mont Sinjar, au Kurdistan irakien. Cette petite chaîne de montagne perdue à la frontière irako-syrienne est leur dérisoire refuge face à la furie meurtrière de l'Etat islamique (EI), dont les tueurs enthousiastes font profession de les massacrer.

D'après les témoignages les plus récents, des dizaines d'enfants en bas âge ont déjà été enterrés par leurs parents mourants, dans des tombes de fortune creusées à mains nues dans la rocaille. Ni musulmans, ni chrétiens, ils sont yézidis. Leur foi est unique, issue d'un syncrétisme religieux nourri des multiples voies spirituelles qui ont coexisté à travers l'histoire dans toute la région du Croissant fertile. La région de Sinjar est l'un de leurs foyers de population principaux.
Malgré la résistance des combattants kurdes qui, dépourvus d'armes et lourdes et à court de munitions, le protégeaient depuis l'effondrement de l'armée irakienne, le Sinjar est tombé, lundi 4 août, aux mains des djihadistes. Dès leur entrée dans la région, ces tueurs se sont livrés aux pires atrocités, exécutant cet ordre simple : massacrer les yézidis, car étant considérés comme polythéistes, ils doivent, selon eux, être abattus comme du bétail. Des témoins qui ont fui Sinjar à temps racontent des piles de cadavres dans les rues, des enlèvements de masse, des viols systématiques. D'après l'Unicef, une quarantaine ont été massacrés au cours des deux premiers jours de l'occupation.

NI AIDE HUMANITAIRE NI SOUTIEN

Deux cent mille personnes ont été jetées sur les routes, rejoignant des refuges surpeuplés où tout manque. Pour ceux qui n'ont pas eu la chance de rejoindre à temps les zones kurdes, il ne restait, comme alternative à un massacre annoncé, qu'une ascension désespérée du mont Sinjar.
Ce refuge aride est en passe de devenir leur tombeau. Encerclés par les positions djihadistes, ils ne peuvent recevoir ni aide humanitaire ni soutien d'aucune sorte. Descendre dans la plaine reviendrait à signer leur arrêt de mort. Sans eau ni nourriture depuis trois jours, sans toit et bientôt coupés du reste du monde par l'extinction de leurs batteries de téléphone portables, ils meurent dans l'indifférence. La chaleur y est caniculaire et les plus faibles partent les premiers. C'est aussi le silence qui les tue. Dépourvus de relais organisés à l'étranger, leur voix n'est pas entendue. Leur cri silencieux venu du fond du berceau ravagé de la civilisation se perd. Ils n'auront bientôt plus la force de les pousser.
Seules les forces militaires kurdes appuyées par l'aviation irakienne peuvent briser le siège. Les combats se poursuivent, mais le Kurdistan irakien n'a, pour l'instant, ni les équipements nécessaires ni le soutien international qui pourraient leur permettre d'accomplir cette mission. Ce qui est aujourd'hui une grave crise humanitaire pourrait tourner demain au génocide si rien n'est fait tout de suite !
La communauté internationale, la France, l'Europe, les Etats-Unis, doivent réagir immédiatement, en donnant à tous ceux qui s'opposent à la barbarie de l'EI les moyens de combattre , mais également en coordonnant une aide humanitaire destinée aux centaines de milliers de personnes qui fuient son avancée.
Alors que le monde s'apprête à commémorer le centenaire du génocide des Arméniens, perpétré sur les terres voisines de l'Anatolie ottomane, alors que les chrétiens d'Orient sont partout menacés, nous ne pouvons laisser advenir une nouvelle fois l'irréparable, nous ne pouvons fermer les yeux sur le massacre des yézidis d'Irak !

  • Gérard Chaliand (Géopoliticien)
  • Bernard Kouchner (ancien ministre des affaires étrangères)
  • Frédéric Tissot (médecin)
Tribune publié dans "Le Monde", le 8 août 2014