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16 janvier 2014

Hommage à Ariel Sharon, par André Nahum



Il est habituel qu’une personne décédée soit couverte de louanges quoi qu’elle ait fait de son vivant. « Le mort, ses jambes s’allongent » disait-on chez moi. « Il est plus grand mort que vivant » s’est écrié un roi de France devant le cadavre du duc de Guise.

Le décès d’Ariel  Sharon après ses huit années de coma n’a pas suscité partout les mêmes réactions.
Si tout le monde s’accorde pour reconnaitre qu’il fut un génie militaire, il est par contre blâmé un peu partout pour les massacres en 1982 des camps palestiniens de Chabra et Chatilla, dont on lui fait porter à tort la responsabilité alors qu’il est le fait des « Forces libanaises »  sous l’autorité de Elie Hobeika ; et par ailleurs, une frange de la population israélienne ne peut lui pardonner l’évacuation  en 2005  de la bande de Gaza alors qu’il était Premier Ministre.
Les réactions du monde arabe allant quant à elles de l’indifférence aux explosions de joie comme à Gaza où des bonbons ont été distribués dans les rues. 

Voyons cela de près :

Durant la guerre de Kippour en 1973, les Egyptiens avaient forcé les lignes israéliennes et menaçaient le cœur vital du pays tandis que les Syriens attaquaient sur le Golan. Israël  se trouvait dans une situation extrêmement difficile et sa survie était en jeu. C’est alors que le général Sharon qui s’était déjà distingué dans toutes les guerres que son pays  eut à mener depuis sa déclaration d’indépendance, passant outre les ordres de ses supérieurs civils et militaires entreprit une manœuvre d’une audace folle  que l’on étudiera longtemps dans les écoles militaires. Avec les quelques tanks dont il disposait, il traversa le canal de Suez, contourna les Egyptiens par le sud, les encercla, coupant  leurs lignes de ravitaillement et  arriva à cent kilomètres du Caire . Un exploit surprenant, impensable,  qui donna la victoire à Israël ! Sous la pression des Américains il dut stopper sa progression , se vit obligé de ravitailler lui-même l’armée ennemie prise au piège et d’éviter ainsi sa reddition. L’Etat juif était sauvé et Ariel Sharon inscrivait son nom auprès des plus grands stratèges militaires de l’Histoire. 

Mais il y eut aussi  des zones d’ombre :

1) Sabra et Chatila.
1982 : Les Israéliens campaient dans la banlieue de Beyrouth. Béchir Gemayel, leur allié, élu Président  de la République libanaise venait d’être assassiné ainsi que ses compagnons dans un  terrible attentat dont les auteurs étaient faciles à identifier : Les Palestiniens et les Syriens. Ce drame ne pouvait laisser indifférentes les milices chrétiennes qui   voyaient s’effondrer les plans qu’elles  avaient édifiés avec leurs alliés israéliens pour redessiner un Moyen-Orient nouveau. Elles voulurent se venger.
Sharon eut la faiblesse d’accepter qu’elles pénètrent dans les camps palestiniens  à la recherche de 200 combattants qui s’y étaient réfugiés. Il ne pouvait pas imaginer que ses alliés chrétiens se livreraient à un tel massacre n’épargnant ni les femmes, ni les enfants, ni les vieillards. Il ne s’était pas méfié et c’est bien là sa faute.Désigné comme indirectement responsable par une commission israélienne, il fut obligé d’abandonner son poste de ministre de la défense. Ni les Palestiniens, ni les Arabes en général ni l’opinion mondiale ne le lui ont  jamais pardonné ce drame ..

2)  L’évacuation des habitants juifs du Goush Katif à Gaza en 2005 lui valut l’inimitié et même la haine d’une partie de la population.
Ses opposants ne pouvaient pas comprendre ni admettre que l’homme qui avait le plus milité pour la création. d’implantations juives dans les territoires occupés arrache brutalement à leurs foyers, à leurs champs, à leurs écoles, à leurs synagogues, à leurs cimetières,  7.000 personnes qui  s’y étaient installées depuis une quarantaine d’années. En fait,  Ariel Sharon  avait compris  que le rêve du grand Israël devait être abandonné car il était irréalisable et il recherchait un accord avec les Palestiniens. Comme il avait pris brusquement 32 ans auparavant la décision de franchir le canal de Suez, il décida  aussi avec la même impétuosité que la présence de quelques milliers de juifs à Gaza au milieu d’un million d’Arabes hostiles ne justifiait pas tant de dépenses et la présence de tant de soldats pour les protéger.
Il n’est pas dit non plus qu’il ne voulait pas par ce cadeau inattendu fait aux Palestiniens, tester leur fiabilité et leur volonté de vivre en paix aux côtés d’Israël. Les faits ont hélas démontré que loin de faire de ce bout de terre un nouveau Singapour, au lieu de profiter des installations laissées par les Israéliens pour les développer et en créer des nouvelles, de développer le tourisme, d’améliorer les conditions de vie de la population, le Hamas qui y prit le pouvoir en fit un camp retranché braqué sur Israël, dépensant en création de tunnels et en achat de missiles, l’argent, de l’aide internationale.
On comprend que cette expérience désastreuse, mais probablement nécessaire puisse rendre encore plus méfiants les Israéliens qui négocient actuellement avec l’Autorité Palestinienne.

L’Histoire retiendra certainement  d’Ariel Sharon qu’il fut un très grand soldat, qu’il a sauvé Israël du désastre en 1973 , qu’il a consacré sa vie à sa terre et à son peuple qu’il a aimés passionnément et que comme Its’haq Rabin, il a réalisé après ses brillants exploits militaires que les guerres, même victorieuses, n’arriveraient pas à elles seules à régler le conflit avec les Palestiniens.

Un grand homme, un grand juif nous a quitté .
Que son souvenir soit béni !

André Nahum
Judaïques FM le 15 janvier 2014

Nota de Jean Corcos :


En complément de ce bel hommage de mon ami André Nahum, je vous invite à lire (ou à relire pour certains), le témoignage personnel de ma rencontre avec Ariel Sharon, que j'avais publié sur mon blog il y a huit ans, juste après l'attaque cérébrale qui le plongea dans un long coma.