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14 janvier 2013

Et si l'Iran attaquait au Printemps ...



Plusieurs conclusions découlent de l’opération «Pilier de défense». Mais une, en particulier, a de quoi inquiéter : Israël ne possède qu’une défense partielle contre les missiles.

Le récent conflit entre Israël et le Hamas offre un aperçu sur la stratégie de défense régionale d’Israël.

Pendant de nombreuses années, l’Iran et ses alliés, installés aux frontières de l’Etat hébreu, ont oeuvré pour créer des bases de lancement de missiles et de roquettes, destinées à attaquer le point sensible du pays : sa population civile.

Et ce projet iranien, qui a déjà pris corps à Gaza et au sud du Liban, constitue, jusqu’à maintenant, une sérieuse menace à laquelle Israël doit faire face. Car depuis plusieurs années, la République des Mollahs s’emploie à offrir au Hezbollah, au Hamas et au djihad islamique, les moyens d’attaquer Israël sur son front arrière, de causer des dommages importants, et de paralyser la vie quotidienne.

Cette stratégie a plusieurs buts : tout d’abord, permettre aux factions terroristes de Gaza de concrétiser leur idéal de guerre éternelle, où les cessez-le-feu ne sont que des répits avant le prochain round. Mais aussi, décourager Israël de se battre. Quand les Gardiens de la révolution islamique ont supervisé les bases de roquettes, ils espéraient que d’une part, sur le front local, Israël cesserait de pratiquer des éliminations ciblées sur les terroristes de Gaza. Et d’autre part, sur un plan plus régional, ils pensaient dissuader Israël d’attaquer les sites nucléaires iraniens.

De même, le Hamas a cru, à tort, qu’avec des hommes de sa mouvance au pouvoir en Egypte, Israël n’agirait pas.

Mais comme l’a prouvé l’opération «Pilier de défense» en novembre dernier, la tentative de dissuader Israël de se défendre a échoué. L’armée de l’air israélienne a pris l’initiative d’éliminer le chef militaire Ahmed Jaabari lors d’une opération ciblée, prenant tout le monde de court : le Hamas, qui s’en est trouvé très choqué ; et l’Iran, en dépit de ses continuelles crises avec le mouvement gazaouï (les relations entre les deux se sont refroidies depuis que le Hamas soutient les rebelles syriens).

Jusqu’à Beyrouth ? 

L’un des principaux facteurs qui a permis à Israël d’agir librement, malgré la menace des roquettes : son système de défense, le Dôme de fer. Les cinq batteries déployées dans le sud et le centre d’Israël ont intercepté 87 % des projectiles lancés vers les régions habitées. Tsahal a pu rester fidèle à son plan : une attaque uniquement aérienne et limitée à une semaine.

Le but était de restaurer le pouvoir de dissuasion d’Israël, condition nécessaire pour stopper la menace quotidienne des roquettes sur le sud du pays.

Seul problème, cette active défense au service d’une offensive israélienne ne fonctionne que vis-à-vis de Gaza.

Face à la principale base de roquettes iranienne de la région, celle du Hezbollah au Liban, Israël n’est pas prêt. Or, l’organisation terroriste chiite a déjà amassé plus de 50 000 missiles qui constituent tous un danger pour Israël.

Ainsi, ce n’est sans doute pas par hasard si peu avant l’arrêt des tirs de roquettes en provenance de Gaza, lors de l’opération «Pilier de défense», le ministre de la Défense a testé avec succès le «Kela David», littéralement la «Fronde de David» ou la «Baguette magique». Un système conçu pour intercepter des roquettes de courte à longue portée, ainsi que des missiles de croisière. Défense parfaite contre la menace du Hezbollah, il n’a qu’un seul défaut, celui de ne pas être opérationnel avant 2014.

Or, si l’Iran poursuit son programme d’enrichissement d’uranium, c’est au printemps 2013 qu’Israël devra prendre une décision quant à la menace nucléaire des Mollahs.

Le Dr Ely Karmon, chercheur en problématique stratégique et en contre-terrorisme au Centre interdisciplinaire d’Herzliya, renchérit : «Le vrai problème est l’arsenal de roquettes du Hezbollah. Ils sont dotés de Katiouchas, de missile longue portée M600, de Scuds et de Fajr 3 et 5. C’est une menace directe qui pourrait très bien se concrétiser au printemps, quand il faudra trancher sur le problème de l’Iran. Si les Iraniens ont armé le Hezbollah de 50 000 roquettes, ce n’est pas pour rien. Ce front que représente le Hezbollah constitue une menace très sérieuse. Peut-être Tsahal devra-t-elle même aller jusqu’à Beyrouth».

Les armes de l’Iran

Pour le moment, on ne sait si l’armée israélienne prévoit de s’aventurer de nouveau jusqu’à la capitale libanaise. Une chose est sûre : les systèmes de défense aérienne n’ont jamais été considérés comme la riposte parfaite aux tirs de roquettes.

Certes, leur grande efficacité permet toutefois à Tsahal de planifier ses attaques aériennes et terrestres. Pour l’heure, la parade parfaite n’existe pas. Mais une offensive terrestre qui mobiliserait une grande partie de l’infanterie et des corps de blindés, secondée par une agressive campagne aérienne, pourrait bien sûr assurer une défense efficace. Plus vite les forces armées terrestres parviendraient aux positions du Hezbollah, plus vite les tirs de roquettes cesseraient.

«Pour en revenir au dernier conflit à Gaza, la stratégie iranienne a perdu de son prestige», ajoute Karmon. «Mais pour autant, Téhéran a quand même marqué des points dans cette confrontation. Les chefs du Djihad islamique et celui du Hamas, Ismail Haniyeh, ont tenu à faire clairement savoir que ce sont des armes iraniennes qui leur ont permis d’attaquer Israël. Et le Djihad islamique est le premier à avoir tiré sur Tel-Aviv, là encore, grâce à l’armement des Mollahs.

Il faut se rappeler qu’il s’agit d’une organisation terroriste, alliée de l’Iran.» Karmon poursuit son analyse sur l’alliance entre le Hamas et l’Iran. Il revient sur la déclaration de Moussa Abou Marzouk, du bureau politique du Hamas, ces dernières semaines : le Hamas continuerait à recevoir des cargaisons d’armes iraniennes pour remplir ses stocks de roquettes de longue portée Fajr et de moyenne portée Grad. « J’y vois un message du Hamas à l’Egypte, où ils leur demandent la liberté d’importer des armes à Gaza», analyse le spécialiste.

Le Hamas, quant à lui, joue sur les deux tableaux : il a rejoint avec l’Egypte le nouvel axe sunnite, mais a maintenu son accès à l’armement iranien. D’ailleurs, l’Iran, selon diverses publications, aurait déjà envoyé un chargement et serait bien déterminée à faire parvenir d’autres cargaisons.

L’ennemi s’améliore

Outre ses bases au Liban et à Gaza, l’Iran possède des centaines de missiles balistiques comme le Shihab 3 (basé sur un missile nord-coréen) et le BM25 (acheté à la Corée du Nord en 2008), tous pointés vers le territoire israélien.

Israël a déjà développé un système de défense, le missile Arrow, pour les missiles balistiques, et le système Arrow 3, pour les missiles après leur mise en opération. «La question est de savoir quel est l’état des radars du système Arrow», note le général de réserve Giora Eiland, ancien chef du Conseil de Sécurité nationale. «Est-ce que ces systèmes peuvent devancer les missiles iraniens ?» Eiland ne voit pas en quoi la performance du Dôme de fer pourrait être efficace face à l’Iran. Il émet aussi des doutes sur le terme «protection multicouches», employé par le ministre de la Défense Ehoud Barak. «Croire que les systèmes de défense Arrow 2 et 3, la ‘Baguette magique’ et Dôme de fer sont tous efficaces contre un même missile est faux», affirme Eiland «Même s’il y a un peu de chevauchement entre eux, chaque système se défend contre une arme différente. Le Dôme de fer peut fournir une défense contre les roquettes du Hezbollah, mais, pour le moment, Israël n’a pas de réponse défensive contre les projectiles d’une portée de 200 kilomètres. Il faut savoir que l’ennemi s’améliore : il détient plus de roquettes, de portée plus longue, et des ogives plus lourdes. Il faut se rappeler que même si Dôme de fer a fourni une bonne défense, elle n’était pas parfaite.»

Chiites vs. Sunnites

 Shlomo Brom, général de brigade réserviste, et chercheur à l’Institut pour les études de sécurité nationale (INSS) de l’université de Tel-Aviv, est d’accord. Bien qu’Israël ait pu défier le programme de roquettes iranien, on est loin, selon lui, de pouvoir neutraliser la menace. Après tout, lors du conflit de novembre, les roquettes sont parvenues au coeur même du pays. «Aux derniers instants du conflit, les organisations terroristes n’ont cessé de lancer des roquettes et je parie que c’est ce qui va se passer dans le futur : il y aura un nombre incalculable de missiles, du jamais-vu.» Michael Segall, expert des problèmes stratégiques au Centre des Affaires publiques de Jérusalem, a une vue plus optimiste. Dans une analyse récemment publiée, il présente le conflit dans un contexte plus large, celui de la rivalité entre les camps chiite et sunnite. Le camp chiite, composé de l’Iran, du régime du président Bashar Assad et du Hezbollah, s’oppose au nouveau camp sunnite, fait de l’Egypte, de l’Arabie Saoudite, du Qatar et de la Turquie. Des tensions qui jouent un rôle déterminant dans les conflits du Moyen- Orient : en Syrie, dans la région palestinienne, à Bahreïn et en Jordanie.

Selon Segall, le paysage politique de la région en sera très modifié : l’Egypte va jouer un rôle déterminant dans le nouvel ordre régional et se confrontera donc à l’Iran. La Turquie, avec le problème de la Syrie, est déjà en opposition avec Téhéran quant à son hégémonie et son influence régionales. « Dans ce contexte, le Dôme de fer est un succès. L’habileté d’Israël à vaincre les roquettes iraniennes contribue à affaiblir le rôle de l’Iran dans la région et à l’isoler», estime l’expert.

Toutefois, que la guerre de Gaza ait desservi ou servi l’Iran, le compte à rebours continue bel et bien.

Yaacov Lappin

Edition française du Jerusalem Post, 18 décembre 2012

Nota de Jean Corcos :

Il y a des fois où on ne réjouit pas d'avoir raison : peut-être que certains de mes lecteurs / auditeurs se souviennent de mon émission du 4 novembre dernier, lorsque j'interrogeais le journaliste israélien Stéphane Juffa à propos de la menaces des dizaines de milliers de missiles du Hezbollah, qui risqueraient de "saturer" les batteries de défense du pays, en nombre notoirement insuffisant. Hélas, la majorité des articles publiés après le dernier "round" contre le Hamas à Gaza reviennent sur ce constat !