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17 juin 2012

Roger Garaudy, mort d'un négationniste


 Roger Garaudy

La mort à un âge très avancé - presque 100 ans ! - de Roger Garaudy a suscité nombre de réactions sur mon propre réseau FaceBook, beaucoup s'en réjouissant ... Je ne les rejoindrai pas, non pas bien sûr que je regrette ce sinistre personnage, mais parce que je pense que la vie est souvent bien injuste, en faisant partir prématurément des "justes" et en laissant vivre si longuement des "méchants": je ne suis donc pas heureux qu'il ait pu en profiter si longtemps.
Un repère, pour illustrer mon propos : Roger Garaudy est né en 1913, soit la même année qu'Albert Camus. Le second s'est tué dans un accident de voiture en janvier 1960, âgé d'à peine 46 ans, et il aurait pu nous laisser tant d'autres chefs d'œuvre si la vie lui avait accordé quelques décennies de plus. Le premier aura vécu si longtemps pour se renier plusieurs fois, abandonnant sa religion protestante de naissance pour le catholicisme, puis pour l'islam, et passant du communisme aux eaux troubles de la mouvance "rouge-brune", dont l'antisionisme et l'antisémitisme sont la marque de fabrique. Surtout, il était déjà un vieillard (en 1995), lorsqu'il publia son fameux ouvrage "Les mythes fondateurs de la politique israélienne", devenu un classique du négationnisme.

Pour qui voudrait aller un peu plus loin que les annonces, finalement assez brèves, publiées dans la presse, ce bon article publié par Wikipedia, dont je publie l'extrait relatif à sa condamnation par les tribunaux :
"Roger Garaudy a été condamné, le 27 février 1998 pour contestation de crimes contre l’humanité, diffamation raciale. Dans ses attendus, le tribunal souligne que « loin de se borner à une critique du sionisme […] Roger Garaudy s’est livré à une contestation virulente et systématique des crimes contre l’humanité commis contre la communauté juive ». Rejetant l’argument selon lequel son livre serait « antisioniste » et non « antisémite », les magistrats expliquent que l'auteur, « bien qu’il s’en défende, présente sous forme d’une critique politique […] d’Israël ce qui n’est qu’une mise en cause de l’ensemble des Juifs ». Ce jugement a été confirmé en appel le 16 décembre 1998, Garaudy étant en outre condamné pour provocation à la haine raciale. Ses pourvois en cassation ont été rejetés par la chambre criminelle le 12 septembre 2000. Son recours devant la Cour européenne des droits de l'homme, fondé sur la violation de l'article 10 (liberté d'expression) de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 6 (droit à un procès équitable) de la Convention, de l'article 4 du Protocole no 7 (droit de ne pas être jugé ou puni deux fois) et des articles 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion) et 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention, a été déclaré irrecevable par la Cour".

Félicitons-nous, au moins, que la marque infâme du négationnisme ait été la dominante dans les articles de la presse consacrés à cette disparition, à l'image par exemple de ce qu'on a pu lire dans "Libération" : cela fait du bien, en cette période où, hélas, l'antisémitisme redevient presque partout à la mode ! J'ai particulièrement apprécié, par exemple, la manière de tourner en dérision le négationnisme dans ce dessin de presse. Ou, encore mieux, dans ce pastiche des écrits de Robert Faurisson, sinistre compagnon de la dérive intellectuelle de Roger Garaudy : on lira "Non, Roger Garaudy n'est pas mort", qui est un véritable régal en la matière !

Je ne peux terminer cet article, publié sur un blog consacré au monde musulman, par une autocensure : hélas, hélas, dans un monde arabe si viscéralement opposé à l'existence d'Israël, on n'a voulu retenir que le soutien d'un "illustre intellectuel français" ... Converti à l'islam, antisioniste militant, cela a justifié par exemple le grotesque "Prix Kadhafi des droits de l'homme" : quel bonheur de penser que Garaudy aura vécu assez vieux pour voir, au moins, la fin lamentable de ce dictateur ami ! Mais sa réception triomphale au Caire, où il rencontra même le Prix Nobel Naguib Mahfouz, laisse un goût bien amer - pour rappel, c'était avant la seconde Intifada, et dans un pays qui avait tout de même le premier signé le premier la Paix avec Israël. Amertume, aussi, en pensant au soutien qu'il reçut à l'époque de l'Abbé Pierre, personnalité immensément populaire chez les Français. C'est le site musulman si fréquenté "Oumma.com" qui reflète le mieux la gêne éprouvée par certains face à une telle nouvelle : comme on le lira ici, il est bien fait mention de la condamnation pour négationnisme de Roger Garaudy : mais tout à fait à la fin, et surtout pas en titre !

Hélas, cette gêne, d'autres dans le monde arabe ne l'éprouvent même pas ... ainsi, le parti islamiste Ennahda, au pouvoir en Tunisie, a tenu à saluer la mémoire du célèbre négationniste. Une souillure de plus, pour mon pauvre pays natal qui n'en avait vraiment pas besoin !

Jean Corcos