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26 juin 2012

Le camouflet de l’Iran à la Russie, par Gérard Akoun


Une fois de plus, le 18 juin à Moscou, le mois dernier à Bagdad, les négociations entre les  « 5 + 1 » (Etats Unis, France, Royaume Uni, Chine, Russie, Allemagne) et l’Iran à propos de son programme  nucléaire n’ont pas abouti. Les négociateurs se sont séparés sur un constat d’échec. L’Iran sait, que parmi ces grandes puissances mandatées par l’ONU, elle bénéficie du  soutien jusqu’à présent indéfectible de la Russie et de celui de la Chine. Les Iraniens considèrent qu’ils sont en position de force pour rejeter les exigences occidentales, ou du moins faire trainer les négociations, tout en continuant à développer leur programme nucléaire. Ils posent en préalable à toute négociation que soit reconnu leur droit inaliénable à enrichir l’uranium, y compris au taux de 20% qui les mettrait à même de fabriquer une bombe,  et que soient allégées ou même annulées,  des sanctions internationales dont certaines seront applicables par les Occidentaux dès la fin du mois.

Les Russes soutiennent le développement du nucléaire iranien, jusqu’à un certain niveau, mais ils ne semblent pas souhaiter avoir à leur frontière un nouvel état qui disposerait de l’arme nucléaire. Ils ont donc intérêt à ce que soit trouvé un compromis acceptable pour toutes les parties. Ils pouvaient croire, jusqu'à l’échec des pourparlers, à Moscou, qu’ils prenaient la main sur les Américains, qu’ils maitrisaient la conduite des négociations, qu’ils pouvaient les faire progresser pas à pas, pour désamorcer les risques d’emballement, en particulier celui d’une intervention israélienne contre les sites nucléaires iraniens. Comme, du côté américain, il n’est pas question de se lancer dans une quelconque aventure avant les élections de novembre, un geste d’ouverture  des Iraniens, compensé par un affaiblissement des sanctions,  aurait constitué un succès diplomatique  pour les Russes. Ils  auraient pu s’en prévaloir pour proposer une sortie de la crise syrienne, qui ménagerait les  avantages dont ils disposent dans ce pays. Mais la transition à la yéménite,  souhaitée par la Russie, qui consiste à écarter Bachar El Assad sans modifier la structure du pouvoir,  n’a pas l’heur de plaire  aux Iraniens.

Ils n’ont donc pas joué le jeu ; ce camouflet  pour les Russes, administré sur leur propre territoire, est directement lié à l’évolution de la situation en Syrie. La rébellion, pacifique à ses débuts, se transforme en  guerre civile et pire encore en  guerre de religion entre les chiites - les alaouites sont une branche du chiisme -, et les sunnites qui sont majoritaires  en Syrie. La chute de Bachar El Assad, obtenue plus ou moins pacifiquement, ou à l’issue d’une guerre civile gagnée avec le soutien de l’Arabie Saoudite, sonnerait le glas de l’influence iranienne dans la région. L’Iran n’hésitera  pas, pour soutenir cette pièce maitresse de son  dispositif politico militaire, à  provoquer des attentats en Israël, par Hamas ou Djihad islamique interposé, à mettre à feu et à sang le Liban, en y relançant la guerre civile et en poussant le  Hezbollah  à attaquer Israël.

La répression en Syrie a déjà fait plus de treize mille morts, des dizaines de milliers de blessés et de disparus, mais l’incendie  risque de s’étendre et d’embraser toute la région  si les Russes  n’obtiennent pas  des Américains la garantie, autant que cela se peut, de la pérennité de leurs intérêts en Syrie et dans la région.

Gérard Akoun   
Judaïques FM le 21 juin 2012