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01 novembre 2011

Ennahda au pouvoir : les propos rassurants d'Hamadi Jebali

Hamadi Jebali

Introduction :
Hamadi Jebali, un des leader du parti islamiste tunisien Ennahda, sera probablement le futur Premier Ministre. Propos sincères ? Manipulation ? Dans ce "chat" avec des lecteurs, publié par le journal "Le Monde", il se montre très rassurant pour le maintien des acquis laïcs du pays. Plus étonnant encore : il dit accepter l'existence de l'état d'Israël dans le cas d'un accord de Paix, une position qui n'est pas, loin sans faut, celle des Frères Musulmans qui ont inspiré - beaucoup disent inspirent encore - ce parti !
J.C

Si votre parti remporte les élections, la Tunisie va-t-elle devenir un pays islamique ?
Si on remporte les élections, la Tunisie ne sera pas un pays islamique, elle sera un pays démocratique…
Quel est selon vous le rapport entre politique et religion ?
Pour nous, il y a respect de la vie politique, comme je l'ai dit. Il n'y a aucune ingérence du religieux dans la vie politique. Le religieux, c'est-à-dire les croyances, les libertés, le culte, est l'affaire de la société tout entière. Notre principe : nulle contrainte dans la religion.
Pensez-vous que l'adultère doit être sanctionné ? Si oui, comment ? L'adultère féminin est-il, selon vous, plus grave que l'adultère masculin ?
Nous n'allons pas changer les lois actuelles, au moins pour Ennahda. Nous pensons que ce n'est pas une question de sanction, mais une question tout d'abord d'éducation et de civisme.
Les citoyens tunisiens non musulmans ne sont-ils pas de seconde zone selon vous ?
Pas du tout. Notre conception de l'Etat est tout d'abord un Etat de citoyenneté, c'est-à-dire qu'elle considère que tous les citoyens tunisiens, musulmans, juifs ou chrétiens, sont des citoyens égaux en droits et en devoirs.
Etes-vous pour une loi contre le blasphème ?
Pas du tout. Nous n'allons pas changer les lois sur cette question. Je répète qu'il n'est pas question de traiter les phénomènes sociaux par des sanctions uniquement.
Quel regard portez-vous sur les grandes théocraties islamiques ?
Je n'ai pas de regard sur ces Etats
Toujours à propos de Persepolis, votre parti a déclaré que la décision de la TV Nessma de projeter le film était une provocation. Vous ne pensez pas que, au nom de la liberté d'expression, fondamentale à toute démocratie moderne, c'est le choix de chaque citoyen d'avoir accès et de regarder ce qu'il veut, ceux qui se sentent offensés par un film étant libres de ne pas le regarder ?
Nous sommes pour cette liberté de choix, d'expression, et nous sommes aussi pour cette même liberté de manifester dans le cadre de la loi. Quant à cette projection, l'essentiel est que toutes les libertés soient respectées : liberté d'accepter, et liberté de refuser ce genre de films ou tout autre.
Comment vous positionnez-vous par rapport au salafisme ?
On respecte toutes les idées à condition qu'elles soient dans le cadre des libertés et dans le cadre aussi de la démocratie, c'est-à-dire en dehors de toute action brutale ou armée. Si ces conditions sont réunies, les salafistes, comme tous les autres courants, doivent trouver leur place dans notre société. Et c'est au peuple de se prononcer librement sur tous ces partis ou ces mouvements.
Pour Ennahda, l'islam implique-t-il plutôt une économie socialiste ou libérale ?
Je crois que c'est un modèle d'économie intermédiaire, c'est-à-dire respecter le libre choix et la liberté du marché, de la propriété individuelle, l'Etat conservant son rôle de modérateur, surtout dans les secteurs stratégiques.
La loi, et notamment la loi pénale, restera-t-elle laïque et ne connaîtra-t-elle aucun changement ?
Je ne sais pas ce que veut dire "laïque", mais elle restera en vigueur, telle qu'elle est. Pour nous, il n'y aura pas de changement.
A quel degré et de quelle manière la religion influe-t-elle sur votre programme politique ?
La religion n'a pas d'influence directe sur notre programme politique, sauf dans la référence aux valeurs que je considère comme universelles, c'est-à-dire les valeurs de liberté, des droits de l'homme et de démocratie qu'Ennahda considère comme principes, et même comme l'essence de l'islam.
Qu'est ce qu'un "parti islamiste" selon vous ?
Ennahda, à mon avis, n'est pas un parti islamiste. D'ailleurs cette appellation ne me dit rien du tout. Nous sommes un parti politique et civil, c'est-à-dire qu'il n'est pas théocratique, dans le sens que notre devoir est de proposer à notre peuple notre programme dans tous les domaines, et que nous voulons que les gens nous choisissent ou nous rejettent en fonction de ce programme. Pas comme étant religieux ou pas religieux.
Etes-vous (Ennahda) pour la reconnaissance et la normalisation des relations diplomatiques entre la Tunisie et Israël ?
Sur cette question, nous sommes très clairs : si Israël accepte le droit des Palestiniens à la création d'un Etat démocratique sur les territoires reconnus par les accords internationaux, y compris une partie de Jérusalem comme capitale, et si les Palestiniens et les Israéliens tombent d'accord, nous sommes, à Ennahda et en Tunisie, pour appuyer, et même garantir, cet accord.
Quelles sont les sources de financements externes du parti Ennahda ?
Nous n'avons pas et n'avons pas besoin de source extérieure de financement. Je rappelle que le parti Ennahda est un parti populaire, donc les cotisations de nos adhérents, qui sont d'ailleurs en Tunisie et à l'étranger, nous suffisent largement. Nous n'avons donc pas besoin de financement extérieur, et n'en avons pas le droit.
Il est souvent dit que l'AKP vous aidait ?
Personne ne nous aide financièrement. C'est vrai que nous avons des relations avec la Turquie, et avec beaucoup d'autres, mais cela reste sur les plans politique, culturel et autres, et n'a rien à voir avec le plan financier.

Article publié dans le Monde du 27 octobre 2011 
(chat modéré par Domitille Hazard et Isabelle Mandraud)