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30 octobre 2010

Taslima Nasreen, islamophobie ou liberté de pensée ? Caroline Fourest sera mon invitée le 7 novembre


Je serai très heureux de recevoir à nouveau dimanche prochain, dans notre studio de Judaïques FM, la journaliste et essayiste Caroline Fourest. Il y a quasiment deux ans, nous avions eu deux interviews successives portant sur l'islam radical, sujet quelle maîtrise parfaitement et qui lui a valu de nombreuses inimitiés. Rappelons aux rares auditeurs qui ne la connaissent pas encore qu'elle est essayiste, auteur de plusieurs ouvrages, et journaliste - rédactrice en chef de la revue féministe « Prochoix », et surtout chroniqueuse sur « France Culture » et au journal « Le Monde » ; elle est aussi enseignante à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris : cela fait beaucoup pour une brillante intellectuelle de 35 ans, et elle a acquis une notoriété méritée ces dernières années. Son livre "La dernière utopie" (éditions Grasset) vient d'être couronné du prix de l'Académie des Sciences Morales et Politiques. Laïque convaincue et militante, elle représente une sensibilité de gauche, hélas en porte à faux avec une autre partie de la gauche, celle-là prompte à suspecter de racisme toute mise en cause des plus extrémistes des Musulmans. Mais elle n'est pas indulgente, non plus, avec les intégristes juifs et chrétiens, et cela lui a valu, récemment, des critiques d'une partie de l'auditoire de notre station : je suis heureux, donc, que nous ayons l'occasion de nous expliquer franchement là dessus. Nous allons le faire à propos d'un ouvrage qui "met à plat" toute la problématique des relations entre religions et sociétés, ce livre a pour titre "Libres de le dire", (éditions Flammarion). Il s'agit de la retranscription d'entretiens qu'elle a eu avec Taslima Nasreen, écrivain originaire du Bangladesh, exilée de son pays et menacée de mort suite à ses critiques de l'islam. J'ai dévoré ce face à face entre deux amies, féministes toutes les deux, farouchement laïques mais en même temps - et c'est ce qui fait l'intérêt du livre - pas forcément d'accord sur tout. Vu le nombre de sujets abordés au long de ses 300 pages, j'ai pensé préférable de découper cette interview en deux parties : le 7 novembre, nous parlerons de Taslima Nasreen, de sa vision du monde et des religions ; et dans notre deuxième entretien, ce sont ses propres positions sur les mêmes sujets qui donneront lieu à un débat.

Parmi les questions que je poserai à Caroline Fourest :
- Qui est Taslima Nasreen et quel a été son parcours ?
- Le Bangladesh est devenu indépendant en 1971 après la sécession du Pakistan oriental ; cela se fit après une guerre qui fit des millions de morts -une autre guerre oubliée -, mais cela donna aussi au départ un pays doté d'une constitution séculariste, socialiste et démocratique ; et puis très vite arrivent les militaires, et puis rapidement les Intégristes dominent la société. Comment expliquez-vous ce grand basculement entre les années 60 et le milieu des années 70, et comment finalement l'obscurantisme est-il revenu en force dans tous ces pays ?
- Avant de venir à Paris, Taslima Nasreen a vécu, comme réfugiée, à Calcutta pendant une dizaine d'années, mais très vite ses publications et en particulier son livre "Rumeurs de haine" où elle critiquait l'islam et le prophète Mahomet, vont la contraindre à fuir à nouveau : à votre avis, pourquoi le gouvernement local, dirigé par des communistes, l'a-t-elle contraint à partir ? Et est-ce que cette indulgence locale à l'égard des intégristes musulmans ne risque pas de devenir un précédent dans nos démocraties occidentales ?
- Certains propos de Taslima Nasreen sont dignes de populistes anti musulmans purs et durs : page 205, elle dit : "certes il existe des musulmans modérés, mais l'islam lui-même n'est pas modéré. Il n'y a pas de différence entre islam et intégrisme musulman ou au mieux, il existe une différence de degré, pas de nature". Page 214, elle est encore plus féroce : "L'islam ne peut pas être réformé, ou bien il existe avec toute sa barbarie, ou bien il n'existe pas". Qu'en penser ?
- Elle a dit dans un de ses poèmes :"les mosquées, les temples hindous, les temples, les églises devraient être remplacés par des écoles (...)" ; "je rêve d'un merveilleux monde, sans religion" - bref, ce n'est pas seulement de la défense de la laïcité ou de l'athéisme, mais une intolérance contre tous les croyants : pourquoi cette virulence à votre avis ?

Comme on le voit, ce sont des sujets brûlants qui seront abordés dimanche prochain ... et j'espère que vous serez nombreux à l'écoute !

J.C

28 octobre 2010

Le grand Sanhédrin Juif comme un exemple de réforme de l’islam

Le grand Sanhedrin

Au mois d’avril de chaque année, les Juifs français se souviennent du grand Sanhédrin convoqué par Napoléon Bonaparte en 1807 (1). L’empereur avait présenté devant une Assemblée de 72 rabbins et de notables juifs, à la fois « libéraux » et « traditionalistes » (« salafistes », dans le langage moderne), 12 questions dont les réponses positives ont entamé la réforme du Judaïsme dans l’empire Napoléonien et une révolution sociale et culturelle parmi les Juifs de France.
La prise de conscience qu’il existe un problème avec l’islam s’accroît en Europe et ailleurs. Et, non seulement dans l’opinion publique mais aussi parmi les politiciens et les intellectuels. Le monde entier est témoin d’une augmentation du courant traditionaliste en Islam, tant au niveau de la base (dans les séminaires, par exemple) mais aussi au sommet. Ce problème est similaire à de nombreux aspects de celui qu’avait Napoléon avec les Juifs français. Napoléon avait découvert que la libération des Juifs d’Europe de leurs anciens ghettos, en plus de la déclaration d’égalité de tous les citoyens, ne suffisait pas. Le Judaïsme, lui-même, a dû subir la réforme culturelle et religieuse nécessaire pour atteindre la modernité. Notant le nombre extraordinaire de professionnels juifs dans la France moderne, que ce soit en médecine, en droit, en finance, dans les médias, il convient de rappeler que jusqu’en 1807 et quelque temps plus tard : « il reste à convaincre la masse juive analphabète de l’importance des connaissances scientifiques parce que les siècles de marginalisation avait créé en son sein l’idée profondément ancrée que toutes les sciences profanes étaient dangereuses pour leur foi, ou même pour l’intégrité de leur religion. » Toutes sciences qui ne faisaient pas partie de leurs textes religieux étaient considérées comme nuisibles : la grammaire, les mathématiques et l’histoire étaient encore envisagés comme des disciplines « suspectes ». Et « Les écoles, dans lesquelles ils envoyaient leurs enfants avant 1789, étaient sous l’influence de ces préjugés ... Elles ont été organisées en conformité avec l’insouciance d’un autre âge et gérées par des gens ignorants qui apprenaient aux enfants le yiddish, quelques rudiments d’hébreu et le Talmud. » « Un effort de pédagogie réelle et profonde est nécessaire pour convaincre les familles d’envoyer leurs enfants dans des écoles publiques et d’expliquer qu’être profane n’était pas un pêché ... » (2)

L’islam a sans doute un besoin urgent de subir une réforme similaire à celles votée par le Grand Sanhédrin en 1807, bien que certaines différences soient importantes. Alors que certains oulémas saoudiens considèrent les « profanes » comme un « pêché », les immigrants musulmans d’Europe envoient leurs enfants dans des écoles publiques et sont immergés dans la modernité de l’Europe. Par ailleurs, et paradoxalement, la plupart des immigrants viennent de pays où ont la prééminence des ordres soufis (donc, plus tolérants), notamment dans les pays nord-africains. Le fait que la plupart des immigrants ne viennent pas de pays connus pour leur rigueur islamique apporte un éclairage sur un aspect particulier du « problème avec l’islam » en Europe. Car, on pourrait faire valoir que nous assistons à une « transformation » de l’islam traditionnel reporté par des générations d’immigrants musulmans en un islam mixte « Frères Musulmans - Salafis », qui est un « nouveau » type d’islam, sous l’assaut des prédicateurs organisés (appartenant surtout au mouvement des Frères Musulmans) et de la télévision par satellite.

« La révolution de la parabole » a atteint à la fois, les pays d’Afrique du Nord où les ordres soufis traditionnels sont prépondérants, et les immigrants d’Europe qui viennent des mêmes pays, ainsi que la Turquie et quelques autres pays. L’islam véhiculé par les télévisions arabes par satellite est à la fois un islam « des frères musulmans » (chaîne Al-Jazeera) et un islam wahhabite (chaîne « Iqra », parmi d’autres canaux). Son impact est dévastateur sur les populations dont la connaissance de l’islam a été superficielle pour la plupart. Aujourd’hui, même dans les pays européens, la jeunesse musulmane s'enferme de plus en plus et s'enflamme par moments montrant des signes d'intolérance et de mépris face à l'autre.

L’Europe moderne ne pourrait probablement pas faire quelque chose de similaire au Grand Sanhédrin, que le génie de Napoléon avait ranimé, 2000 ans après. D’autres moyens devraient être recherchés et inventés. L’effet des médias devrait être utilisé pour aider l’islam à aller dans le sens d’une profonde « réconciliation » avec la modernité. Une telle tâche ne serait pas un stratagème « impérialiste » pour subvertir l’islam. La tâche ardue de réformer l’islam a commencé au XIXe siècle par des imams comme le Mufti d’Égypte, le célèbre Mohamed Abdo. Elle est aujourd’hui poursuivie par de nombreux réformateurs musulmans y compris Jamal Banna, le juge Saïd El Ashmawy et beaucoup d’autres en Égypte et ailleurs.

La presse et l’opinion publique, en Europe sont peu mobilisées sur cette question. Pourtant, le génie de Napoléon peut encore être valable dans l’Europe d’aujourd’hui. L’islam moderne devrait lui aussi, répondre à la plupart des 12 questions posées par l’Empereur aux Juifs de l’Empire : « Est-il permis aux juifs d’avoir plus d’une épouse ? Est ce qu’une Juive peut épouser un Chrétien, ou est ce qu’un Juif peut épouser une femme chrétienne ? Aux yeux des Juifs, les Français qui ne sont pas de confession juive sont considérés comme des frères ou des étrangers ? Quel comportement la loi juive prescrit envers les Français qui ne sont pas de religion juive ? Est ce que les Juifs nés en France et traités par la loi comme des citoyens français, reconnaissent la France comme leur pays ? Sont-ils tenus de le défendre ? Sont-ils tenus d’obéir aux lois et de suivre les directives du Code civil ? »

Les décisions du grand Sanhédrin, formulées dans neuf articles et rédigée en français et en hébreu étaient : "la polygamie a été autorisée mais (...) doit cesser d’être (...) en Occident ; les Juifs, en vertu de la loi de Moïse, ont estimé que seulement les Juifs étaient leurs frères ; le Sanhédrin a décidé que tous les hommes sont des frères, indépendamment de leur religion, tant qu’ils n’idolâtrent pas et que les Israélites, ont l’obligation de défendre la Terre dans laquelle ils vivent (même si la loi de Moïse avait seulement mentionné le devoir de défendre le Temple de Jérusalem) ; les mariages entre Juifs et Chrétiens ne sont pas un anathème mais représentent une nécessité et doivent être encouragés ; et le judaïsme n’interdit aucun type d’artisanat ou de profession."

Plus tard, les décrets de l’État français exigeaient que les Juifs aient des noms propres - au lieu d’un nom biblique suivi de « Bar ou Ben » et du nom du père - et de donner des noms propres aux femmes qui, jusqu’alors, n’avaient que des prénoms. Mais il convient de souligner que les réponses des « Israélites » n’ont pas été provoquées par la contrainte. Le pouvoir impérial a été accueilli à mi-chemin par des réformateurs juifs « libéraux » qui, parfois, ont été traités des « non juifs » par certains juifs orthodoxes.

Si les décisions du Grand Sanhédrin sont adoptées par les instances musulmanes d’aujourd’hui en remplaçant « israélites » par « musulmans », ce serait la fin de l’intégrisme islamique. La tâche semble ardue dans l’Europe d’aujourd’hui. L’Europe (et les USA) n’osent pas évoquer une réforme islamique, ils sont habitués à parler aux représentants officiels de l’islam ou aux pouvoirs en place. Pourtant, la solution de Napoléon semble inévitable si l’Europe et les États-Unis veulent éviter une « guerre froide de religion » avec ses explosions sporadiques de terroristes ou encore l’afflux d’opérations suicides, un phénomène qui se développe. Les réformateurs musulmans sont là. L’Occident devrait entendre leurs cris et leur donner un coup de main.


Ftouh Souhail,
Tunis
(1) Le Sanhédrin est l'assemblée législative traditionnelle du peuple juif ainsi que son tribunal suprême qui siège normalement à Jérusalem. Son nom n'est pas d'origine hébraïque mais dérive du grec « sunedrion » qui signifie assemblée siégeante. Composé de soixante et onze sages experts en Loi Juive, il interprétait et tranchait la Loi juive à partir de ses sources écrites et orales. Son travail de codification a abouti à la rédaction de la Mishna. Le Sanhédrin est doté d'un grand pouvoir politique puisqu'il exerce un contrôle légal sur le Roi ainsi que sur le Grand Prêtre en charge des activités du Temple. Le Sanhédrin doit comporter vingt-trois membres pour décider en matière judiciaire: il est alors nommé petit Sanhédrin et siège dans les principales villes. Ce terme a été repris par Napoléon Ier qui a convoqué un Grand Sanhédrin en 1807 avant de créer le Consistoire israélite de France.

(2) Lily Marcou : Napoléon face aux Juifs, Pygmalion (2006)



Nota de Jean Corcos :
Mon ami Souhail a tenté un rapprochement hardi entre la situation des Juifs sous Napoléon 1er et celle des Musulmans en Europe aujourd’hui ... Beaucoup de mes lecteurs s’indigneront, par exemple, du rapprochement entre Judaïsme orthodoxe et Salafisme ; ou remarqueront que les mariages mixtes restent condamnés par le Rabbinat, en tant que cause de déperdition de l’identité juive et quelle que soit, par ailleurs, la nécessaire ouverture vers la Cité. Ceci étant, son constat d’un islam européen pris en otage par les Salafistes financés depuis le Golfe, d’une part, et d’une Europe aveugle face à la menace, d’autre part, est tout à fait exact !

25 octobre 2010

300.000 pages ... et quelques chiffres !


Cela fait un moment que je ne vous ai pas ennuyés, amis lecteurs, par des informations sur l'audimat, les statistiques de visites et autres informations égoïstement consacrés à ce blog et à l'émission associée.

Petit retour, à nouveau aujourd'hui, sur quelques chiffres, les derniers enregistrés et qui permettent de mesurer - avec plaisir - le chemin parcouru.
1. 300.000 : c'est le nombre de "pages" ouvertes, chiffre qui a été franchi et dépassé le dimanche 24 octobre.
2. 203.853 : c'est le nombre de "hits" au moment où je publie cet article, et enregistrés depuis mai 2005 par mon logiciel "sitemeter", le même qui me permet de compter le nombre de pages associées.
3. 1,5 : c'est environ le ratio entre les visites et le nombre de pages ouvertes, ratio qui reste désespérément constant  ; rappelons que ce chiffre est bien sûr une moyenne, qui comme toute moyenne traduit une réalité complexe ; pour parler plus rapidement, 1,5 ce n'est pas la moyenne régulière de visites sur une page et sur deux pages, mais beaucoup de visites limitées à un simple article - trouvé par un moteur de recherche - et quelques visites de curieux "ouvrant" plusieurs pages !
4. 217.244 : c'est le nombre de hits ouverts en parallèle par l'autre compteur, "neocounter" (les petits drapeaux qui s'alignent en bas de page), et cela depuis le 6 mars 2006. Mystère des compteurs, cela fait presque 14.000 de plus pour dix mois de moins au compteur, et cela signifie, certainement, que "sitemeter" n'enregistre les visites qu'à partir d'une durée minimale contrairement à l'autre.
5. 1242 : c'est le nombre d'articles publiés depuis février 2005, mois de lancement du blog.
6. 277 : c'est le nombre d'émissions de ma série, "Rencontre", depuis son lancement sur Judaïques FM, en mai 1997.
7. 13 ans et demi ... c'est donc l'âge de ma série, devenue un "classique" du 94.8 FM !
Merci donc à ces centaines de milliers de visiteurs. Et merci pour votre fidélité - qui m'aura donné du courage pour "durer" si longtemps, sur les ondes et sur le Web !

J.C

23 octobre 2010

Quand l'Iran met son nez dans la formation du gouvernement irakien ...


 Caricature saoudienne parue dans le journal "Al Watan" du 22 juillet 2010

Le sourire du mois
-->- octobre 2010


Sans commentaires. Source : "the memri blog".

J.C

21 octobre 2010

Hommages aux médecins juifs de Tunisie ... et à mon père !

J'ai évoqué dans plusieurs articles de ce blog la mémoire de mon père, le Docteur Salomon André Corcos (1909 - 2007), qui fut un médecin très réputé en Tunisie, notre terre natale ... Pour en savoir plus, cliquer sur son nom en libellé.

De lui, et plus généralement des grands médecins juifs de ce pays il fut question, lors de la soirée de clôture de la "Semaine des Arts et Traditions Populaires des Juifs de Tunisie", qui s'est tenue à l'espace Rachi du 10 au 17 octobre : une semaine riche par ses expositions, conférences, projection de film ... et qui a hélas pâti des grandes grèves dans les transports, et d'un temps précocement hivernal. Cela fut en particulier pour moi l'occasion, bien émouvante, d'évoquer en public mon père, son œuvre et les valeurs qu'il m'a léguées.

Mais cette soirée fut aussi l'occasion de faire la connaissance du Professeur Jean Bellaisch, autre médecin renommé d'origine "tune" et qui a bien connu mon père. Jean Bellaisch partage avec moi, à la fois la nostalgie de notre terre natale et la passion du "blogging" ... et il édite un blog d'une grande qualité, intitulé "nostalgies ensoleillées" (hébergé également chez blogger), où de bonnes plumes ont déjà évoqué notre passé commun.

Parmi ces publications, une toute récente consacrée à mon père, sous la plume du Docteur Gilbert Nahum Moatty : vous pourrez lire en lien cette évocation extraordinaire, où est  rappelée l'atmosphère de Tunis, en arrière plan de la description médicale et pittoresque de ses rencontres avec mon père, de mémoire bénie ... 

J.C

19 octobre 2010

Marguerite Tedeschi, ombres et lumières sur l'Algérie

Joueurs de dames à Ghardaia
toile de Marguerite Tedeschi

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Une toile sur la Toile
- octobre 2010

Marguerite Tedeschi - lire sur Wikipedia le court article qui lui est consacré - était une peintre orientaliste française du siècle dernier. Elle parcourut le Sud de l'Algérie, qui lui inspira des toiles lumineuses, dont celle-ci.

Elle représente des hommes, accroupis, jouant aux dames dans la localité de Ghardaia. Après les lumières de Tanger le mois dernier, c'est un peu de soleil algérien qui vient égayer la grisaille parisienne ...

J.C

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16 octobre 2010

Les frontières du Jihad et la France : Jean-Pierre Filiu sera mon invité le 24 octobre



Nous allons revenir avec cette émission à une actualité brûlante, puisque nous allons parler d'Al-Qaïda et du terrorisme. En fait et depuis les attentats du 11 septembre, nous sommes entrés dans une nouvelle ère avec le spectre de cette nébuleuse terroriste, qui revient au premier plan des informations ou s'éclipse, au gré des méga-attentats réussis ou ratés. L'enlèvement dans la nuit du 15 au 16 septembre de 7 otages au Niger, dont cinq Français, par l'organisation AQMI ("Al-Qaïda au Maghreb islamique") a rappelé au grand public que l'Afrique est devenue, depuis plusieurs années, un des champs de bataille du Jihad international - un grand public, remarquons le au passage, assez peu remué par l'assassinat quelques semaines plus tôt et par la même AQMI, de l'otage Michel Germaneau. Mais peu de temps après, ce sont des écoutes de Jihadistes se cachant au Waziristân, à la frontière de l'Afghanistan, qui ont fait craindre une série de méga-attentats sur notre sol et dans d'autres pays européens : on se souvient que les Etats-Unis, puis d'autres pays ont mis en garde leurs ressortissants contre des risques terroristes en Europe, risques auxquels à nouveau la majorité de nos compatriotes ne croient toujours pas. Alors que faut-il penser ? La France est-elle en première ligne d'une offensive nouvelle d'Al-Qaïda et des organisations affiliées, et pourquoi ? Pour en parler, j'ai invité dans mon émission un des meilleurs experts de la question, Jean-Pierre Filiu. Jean-Pierre Filiu est historien et arabisant. C'est à la fois un théoricien et un homme de terrain, puisqu'il a accompli des missions humanitaires au Liban et en Afghanistan. Professeur associé à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, il a étudié en profondeur à la fois les différents mouvements jihadistes dans l'histoire et dans le monde entier, mais aussi le phénomène Al-Qaïda et ceci a été synthétisé dans deux ouvrages, "Les frontières du Jihad", publié aux éditions Fayard, et "Les neuf vies d'Al-Qaïda", chez le même éditeur. Je n'ai eu le temps de lire que le premier livre, nous n'aurons pas le temps d'en parler en profondeur, mais je me réfèrerai à certains passages qui apportent vraiment des éclairages intéressants.
Parmi les questions que je poserai à Jean-Pierre Filiu :
- avez-vous été surpris par la prise d'otages d'Arlit, au Niger ? Comment l'interprétez-vous ? Quels en sont les mobiles ?
- à propos de l'AQMI : c'est une organisation qui a fait allégeance à Al-Qaïda en 2007, on sait, en gros, qu'elle est née à partir des résidus du GSPC algérien - "groupe salafiste pour la prédication et le combat". Combien sont-ils ? S'agit-il maintenant d'un groupe transnational ? Qui les a rejoint, et pourquoi ? Comment sont-ils financés ? Et surtout, obéissent-ils à des ordres précis venant de l'état-major d'Al-Qaïda - on se souvient que Ayman Al Zawahiri, le bras droit de Ben Laden, a diffusé de nombreux messages menaçant la France, à cause de la prohibition du foulard islamique à l'école, puis de la Burqa, et à cause aussi de son passé colonial ?
- Pour les risques terroristes en Europe et en France en particulier, on a beaucoup parlé des alertes reçues par les services de renseignement occidentaux concernant des Européens musulmans, qui reviendraient ici, sauraient se fondre dans la population, puis réaliser des méga-attentats.  Mais il y aussi les convertis, et votre livre évoque des figures ayant basculé dans le terrorisme : est-ce qu'un jeune Occidental devient jihadiste en raison d'une destinée personnelle, ou suite à un lavage de cerveau habilement mené ? Et dans ce cas, ne faut-il pas s'inquiéter en raison de l'expansion de l'islam salafiste dans les Cités de banlieue, voire même dans les grandes métropoles ?
- vous rappelez que Zawahiri a affirmé : "plus de la moitié de la bataille se déroule sur la scène médiatique". J'aimerais que vous nous donniez votre avis sur le rôle de propagandiste "passif" des chaines satellitaires arabes, surtout Al-Jazeera, qui  retransmettent systématiquement les enregistrements vidéos des responsables d'Al-Qaïda : où en est-on ? Cette chaîne n'est-elle pas interdite par certains gouvernements arabes qui redoutent les Jihadistes ? Et ce rôle de diffuseur, est-il assumé pour des raisons idéologiques ou pour faire de l'audimat ?

Une émission passionnante ... j'espère que vous serez nombreux à l'écoute dimanche prochain !

J.C

13 octobre 2010

"Parler contre Israël", par Pilar Rohala

Pilar Rahola, journaliste et femme politique catalane

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Texte présenté lors de la conférence qui eut lieu dans le Global Forum for Combating Antisemitism, qui se déroula il y a quelques jours à Jérusalem.
Lundi soir, à Barcelone. Au restaurant, une centaine d’avocats et de juges. Ils se sont réunis pour écouter mes opinions sur le conflit au Moyen Orient.
Ils savent que je suis un bateau hétérodoxe, dans le naufrage de la pensée unique qui règne sur mon pays, sur Israël.
Ils veulent m’entendre. Quelqu’un de raisonnable comme moi, disent-ils, pourquoi risque t-elle de perdre sa crédibilité, en défendant les méchants, les coupables ? Je leur dit que la vérité est un miroir cassé et que chacun d’entre nous en a un fragment. Et je provoque leur réaction : « Vous, vous vous croyez tous des experts en politique internationale quand vous parlez d’Israël, mais en réalité vous n’en savez rien. »
« Oserez-vous parler du conflit au Rwanda, au Cachemire ou en Tchétchénie ? Non. Ils sont juristes ; leur terrain n’est pas la géopolitique. Mais avec Israël ils osent. Tout le monde ose. Pourquoi ? Parce qu’Israël est  sous le feu médiatique de façon permanente et son image déformée contamine les cerveaux du monde. Et parce que cela fait partie du politiquement correct, parce que cela a l’air solidaire, parce que parler contre Israël ne coute rien.
Et ainsi, des personnes cultivées lisant des articles sur Israël sont prêtes à croire que les juifs ont six bras, tout comme au Moyen Age ils croyaient à toute sorte d’atrocités. Sur les Juifs d’antant et les Israéliens d’aujourd’hui, tout se vaut. La première question est alors de savoir pourquoi tant de gens intelligents, à l’heure de parler d’Israël deviennent des idiots…
Le problème que nous rencontrons – nous, qui ne démonisons pas Israël - est l’inexistence de débat à propos du conflit, ce qui existe bel et bien c’est la pancarte; nous n’échangeons pas des idées, nous nous tapons dessus avec des consignes ; nous ne disposons pas d’information sérieuse, nous souffrons d’un journalisme d’hamburger, fast food, plein de préjugés, de propagande et de simplisme.
La pensée intellectuelle et le journalisme ont démissionnés d’Israël. Ça n’existe pas. C’est pour cette raison que lorsqu’on essaye d’aller au-delà de la pensée unique, on devient suspect et réactionnaire, et on se retrouve immédiatement ségrégué. Pourquoi ? ça fait des années que j’essaye de répondre à cette question. Pourquoi ? Pourquoi de tous les conflits que connaît le monde le seul qui intéresse l’opinion est celui-ci ? Pourquoi on criminalise un petit pays qui lutte pour sa survie ? Pourquoi le mensonge et la manipulation informative triomphent avec une telle facilité ? Pourquoi tout est réduit à une simple masse d’assassins impérialistes ? Pourquoi les raisons d’Israël ne sont jamais évoquées ? Pourquoi il n’y a jamais de fautes palestiniennes ? Pourquoi Arafat est un héros et Sharon un monstre ? Bref, pourquoi étant le seul pays au monde sous la menace de destruction/anéantissement, c’est le seul que personne ne reconnait comme victime ?
Je ne pense pas qu’il y ait une unique réponse à ces questions ? De même qu’il est impossible d’expliquer complètement la méchanceté historique de l’antisémitisme, il n’est pas non plus possible d’expliquer l’imbécilité actuelle de l’anti israélisme. Elles boivent toutes deux des fontaines de l’intolérance, le mensonge et le préjugé. Si, en plus, nous acceptons que l’anti israélisme est la nouvelle forme d’antisémitisme, nous devons conclure que les contingences ont changé, cependant  se maintiennent intacts les mythes les plus profonds, tant celui de l’antisémitisme chrétien médiéval, que celui de l’antisémitisme politique moderne. Et ces mythes ont débouché sur le récit d’Israël. Par exemple, le juif moyenâgeux qui tuait des enfants chrétiens pour boire leur sang, se connecte directement avec le juif israélien qui tue des enfants palestiniens pour s’approprier de leurs terres. C’est toujours des enfants innocents et des juifs obscurs. Par exemple les banquiers juifs qui voulaient dominer le monde à travers de la banque européenne, selon le mythe de Protoclos, connecte directement avec l’idée de que les juifs de Wall Street dominent le monde à travers la Maison Blanche.
La domination de la presse, la domination des finances, la conspiration universelle, tout cela qui configura la haine historique contre les juifs, débouche aujourd’hui dans la haine envers les israéliens. Dans le subconscient, donc, bât l’ADN antisémite occidental, qui crée un efficace terreau. Mais que bât-il dans le conscient ? Pourquoi  surgit aujourd’hui avec une telle virulence une intolérance renouvelée, cette fois centrée, non sur le peuple juif, sinon sur l’Etat juif ?
D’après mon point de vue, cela a des motifs historiques et géopolitiques, entre autres le cruel rôle soviétique pendant des décennies, les intérêts arabes, l’antiaméricanisme européen, la dépendance énergétique d’Occident et le croissant phénomène islamique. Mais il surgit aussi d’un ensemble de défaites que nous souffrons en tant que sociétés libres et qui débouche sur un fort relativisme éthique. Défaite morale de la gauche. Des décennies durant, la gauche hissa le drapeau de la liberté, là où il y avait de l’injustice et elle a été la dépositaire des espoirs utopiques de la société. Elle a été la grande constructrice de l’avenir.
Même si la méchanceté assassine du stalinisme enterra les utopies et laissa la gauche comme un roi nu, sans habits aucun, elle a conservé intacte son aura de lutte et marque encore la limite entre les bons et mauvais dans le monde. Même ceux qui ne voteraient jamais des valeurs de gauche confèrent un grand prestige aux intellectuels de gauche et leur permettent de monopoliser le concept de solidarité.
Cette trahison historique de la liberté se reproduit, actuellement, avec une précision mathématique. Aujourd’hui autant qu’hier, cette gauche pardonne des idéologies totalitaires, tombe amoureuse de dictateurs, et, dans son offensive contre Israël, ignore la destruction de droits fondamentaux. Elle déteste les rabbins mais adore les imams ; crie comme Tsahal, mais applaudit les terroristes du Hamas ; pleure pour les victimes palestiniennes, mais méprise les victimes juives; et quand elle s’émeut pour les enfants palestiniens, elle le fait seulement si elle peut incriminer les israéliens. Elle ne dénoncera jamais la culture de la haine ou sa préparation pour la mort, ou la servitude que souffrent les mères.
Et pendant qu’elle hisse le drapeau de la Palestine, elle brûle le drapeau d’Israël. Il y a un an, dans le Congrès d’AIPAC à Washington, j’ai posé les questions suivantes : « Quelles pathologies profondes éloignent la gauche de son compromis moral ? Pourquoi ne voyons-nous pas des manifestations à Paris, ou à Barcelone contre les dictatures islamiques ? Pourquoi, n’y a t-il pas de manifestations contre l’esclavage de millions de femmes musulmanes ? Pourquoi ne manifestent-ils pas contre l’emploi d’enfants bombes dans les conflits où l’Islam est impliqué ? Pourquoi la gauche est obsédée par la lutte contre deux des démocraties les plus solides de la planète, et celles qui ont souffert des attentats les plus sanglants : Etats Unis et Israël ? »...
Pourquoi la gauche qui a rêvé d’utopies s’est arrêtée de rêver, fissurée dans le Mur de Berlin de son propre échec. Elle n’a plus d’idées mais des consignes. Elle ne défend plus des droits mais des préjugés. Et le plus grand préjugé d’entre tous c’est celui qu’elle a contre Israël. J’accuse donc de façon claire : la principale responsabilité de la nouvelle haine antisémite, déguisée d’anti israélisme, provient de ceux qui devraient défendre la liberté, la solidarité et le progrès. Loin de là, ils défendent des despotes, ils oublient leurs victimes et se taisent devant des idéologies moyenâgeuses qui veulent détruire la civilisation.
La trahison de la gauche est une authentique trahison à la modernité. Défaite du journalisme. Nous avons un monde plus informé que jamais, mais nous n’avons pas un monde mieux informé. Au contraire les autoroutes de l’information nous connectent avec n’importe quel point de la planète, mais nous ne connectent ni avec la vérité, ni avec les faits.
Les journalistes actuels n’ont pas cartes puisqu’ils ont Google Earth, ils n’ont pas besoin d’histoire puisqu’ils ont Wikipedia. Les journaux historiques qui connaissent les racines d’un conflit existent, mais ils sont une espère en voie d’extinction, dévoré par ce journalisme d’hamburger qui offre de nouvelles fast-food, à des lecteurs qui ont besoin d’information fast-food.
Israël est l’endroit du monde le mieux surveillé et néanmoins l’endroit du monde le moins compris. Bien sûr, il faut aussi compter avec l’influence de la pression des grands lobbys du pétrodollar dont l’influence sur le journalisme est subtil mais profonde.
N’importe quel mass media sait que s’il parle contre Israël, il n’aura pas de problèmes. Mais qu’arrivera t-il s’il critique un pays islamique ? Sans doute, alors, il va se compliquer la vie. Ne nous trompons pas ? Une partie de la presse qui écrit contre Israël, se verrait reflétée dans une aigue phrase de Goethe : « Personne n’est plus esclave que celui qui l’est en l’ignorant. » Ou sinon dans une autre, plus cynique : de Mark Twain : « Connaît d’abord les faits et puis torde-les autant que tu veux ». Le Code Pénal Romain. Et la Chartre des Droits de l’Homme…Et avec ces trois textes, on commencerait à nouveau. Et avec ces trois textes on commencerai à nouveau. Ces principes qui nous légitiment en tant que société, sont relativisés, même par ceux qui disent les défendre. « Tu ne tueras point »…, dépend de qui est la cible, pensent ceux qui, par exemple à Barcelone, ont manifesté avec des cris en faveur du Hamas. « Vivent les Droits de l’Homme »…, ça dépend à qui ils s’appliquent, et c’est pour cela qu’on ne se préoccupe de millions de femmes esclaves. « Tu ne mentiras point »…, dépend si l’information est une arme de guerre en faveur d’une cause. La masse sociale critique a réduit et, au même temps, a grossi le dogmatisme idéologique. Dans ce double virage, les valeurs fortes de la modernité ont été substituées par une pensée faible, vulnérable à la manipulation et au manichéisme.
L’ONU sert uniquement pour que des islamofascistes comme Ahmadinedjad, ou des démagogues dangereux comme Hugo Chavez, aient un haut parleur planétaire depuis lequel cracher leur haine. Et, bien sûr, pour attaquer systématiquement Israël. Aussi contre Israël, l’ONU vit mieux.
Finalement, défaite de l’Islam. L’Islam des lumières souffre aujourd’hui l’attaque violente d’un virus totalitaire qui essaye de freiner son développement éthique. Ce virus utilise le nom de Dieu pour perpétrer des horreurs inimaginables : lapider des femmes, les asservir, utiliser des femmes enceinte ou retardées mentales comme des femmes bombes, dresser dans la haine, déclarer la guerre la liberté. N’oublions pas, par exemple, qu’on nous tue au moyen de mobiles par voie sattellitale connectés avec les Moyen Age.
Si le stalinisme à détruit la gauche, et le nazisme a détruit l’Europe, le fondamentalisme islamique détruit actuellement l’Islam. Et elle a aussi, comme les autres idéologies totalitaires, un ADN antisémite.
Antisémitisme islamique est le phénomène d’intolérance le plus sérieux de l’actualité, il n’est pas vain de constater qu’il touche 1.300 millions de personnes éduquées, massivement, dans la haine au juif.
Dans l’impasse de ces défaites, se trouve Israël. Orphelin d’un journalisme sérieux et d’une ONU digne, et orphelin d’un islam tolérant, Israël souffre d’un violent paradigme du XXIème siècle : le manque de compromis solide avec les valeurs de la liberté. Rien ne paraît alors aussi bizarre. La culture juive incarne, comme aucune autre, la métaphore d’un concept de civilisation qui aujourd’hui reçoit des attaques de tout bord (de tous les côtés). Vous êtes les thermomètres de la santé du monde. Chaque fois que le monde a eu la fièvre totalitaire, vous avez souffert. Au Moyen Age Espagnol, pendant les persécutions chrétiennes, lors des pogroms russes, pendant le fascisme européen, pendant le fondamentalisme islamique…Toujours, le premier ennemi du totalitarisme a été le juif. Et dans ces temps de dépendance énergétique et discorde sociale, Israël incarne, dans sa chaire propre, le juif de toujours. Une nation paria parmi les nations. C’est pour cela que l’antisémitisme du XXIème siècle s’est vêtu avec le déguisement efficace de l’anti-israélisme.
Toute la critique contre Israël est-elle antisémite ? Non. Mais tout l’antisémitisme actuel s’est déversé sur le préjugé et la démonisation de l’Etat juif. Un nouvel habit pour une vieille haine.
Benjamin Franklin a dit : « Où vit la liberté, là est ma patrie. » Et Albert Einstein ajouta : « La vie est très dangereuse. Non à cause des personnes qui font du mal, mais à cause de celles qui s’asseyent pour regarder ce qui se passe. »
Celui-ci est le double compromis ici et maintenant : ne jamais s’asseoir pour voir passer le mal et défendre toujours les patries de la liberté.
 Pilar Rahola
Traduction de l’espagnol : Florencia Rodriguez

11 octobre 2010

Connaissez-vous ce charmant pays (suite) ?



Azərbaycan Respublikası
La devinette du mois

- octobre 2010
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Suite de la rubrique inaugurée le mois dernier ... cette fois-ci, devinette un peu plus difficile : l'alphabet n'est pas tout à fait latin, et ce n'est pas un pays arabe ... allez, un petit effort !
Comme d'habitude, mails bienvenus à l'adresse du blog : rencontre@noos.fr
Et le résultat sera donné avec la prochaine devinette, le mois prochain.
Quand au premier pays à deviner dans ce petit jeu, il s'agissait ... de la République Arabe Syrienne !

10 octobre 2010

Einat et Hakim, la musique en partage !

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On apprend toujours quelque chose en restant à l'écoute du 94.8 FM : en l'occurrence, ce n'était pas ma radio que je suivais, mais nos confrères de RCJ dans leur tranche horaire de midi.
J'ai découvert récemment et grâce à eux un "couple" de chanteurs insolite : elle est juive et israélienne ; il est musulman et il vit en Suisse ; et depuis plus d'un an ils font ensemble des récitals ... le second étant venu souvent en Israël faire avec elle des tournées !
Une information rafraichissante, et malheureusement que les auditeurs des "grandes radios" ne connaîtront jamais, le négatif alimentant - selon leurs directions - beaucoup plus l'audimat que l'inverse !
Afin de découvrir Einat et Hakim, je vous invite à consulter leur page commune myspace, où vous pourrez voir une vidéo et être informés de leur prochaine tournée. Et puis aussi, en consultant le libellé ci-dessous, à découvrir ou redécouvrir le petit dossier publié l'an passé sur ce genre de coopération musicale, et que j'avais intitulé "la musique adoucit les mœurs" ...

06 octobre 2010

Une drôle de carte ...



Sans doutes beaucoup d'entre vous, amis lecteurs des blogs juifs francophones, avez déjà remarqué cette carte. A priori, un message simple et auquel on ne peut que souscrire : l''état juif est minuscule, entouré de pays hostiles qui sont infiniment plus étendus que lui. On pourrait ajouter : plus peuplés aussi, les ratios (en termes de superficie comme de population) étant de l'ordre de centaines.
Pourquoi donc, alors qu'il s'agit d'énoncer une vérité, commencer par présenter une carte ... fausse ? En fait, elle est tirée d'un diaporama en langue anglaise qui circule depuis longtemps sur le Web, mais qui contenait déjà les mêmes erreurs, non corrigés par des traducteurs aussi zélés que dépourvus de rigueur.
Première erreur grossière, s'il s'agissait de reproduire le "monde arabe", pourquoi avoir oublié les pays du Maghreb (Mauritanie, Maroc, Algérie et Tunisie), voire même si on était puriste les autres pays africains membres de la Ligue Arabe (Djibouti, Somalie, Comores) ?
Mais surtout : pourquoi présenter comme arabes des pays qui ne le sont pas, comme les Républiques musulmanes de l'ex-URSS, mais surtout l'Iran, la Turquie, l'Afghanistan et le Pakistan ? On nous rétorquera que ces pays sont hostiles depuis longtemps, voire depuis peu (la Turquie) ... A cela, on peut objecter deux réponses :
1) Il n'est pas interdit d'être précis : si on veut démontrer que le petit Israël est entouré de pays MUSULMANS hostiles, il ne faut pas écrire "Monde arabe" ; d'autant plus que l'état qui menace maintenant le plus directement son existence - la République Islamique d'Iran - ne l'est pas.
2) Il n'est pas interdit non plus de ne pas écrire de bêtises : I'Etat juif a noué des relations étroites avec plusieurs républiques musulmanes d'Asie Centrale ... et en particulier l'Azerbaïdjan, un de ses principaux fournisseurs de pétrole, avec d'ailleurs aussi l'Egypte, pays en paix avec Israël depuis plus de trente ans, et représenté - comme la Jordanie - comme faisant déjà partie du front ennemi : un rêve d'Al-Qaïda, non encore réalisé, heureusement !
Si je me suis donc un peu attardé à démolir ce "hoax", c'est à la fois  : pour démontrer que l'on trouve tout et n'importe quoi sur le Web ; pour essayer de faire sur ce blog le même effort de rigueur que je m'impose pour mes émissions ; et pour illustrer, une fois de plus,  le fait que la rancœur anti-arabe et anti-musulmane est devenue telle que l'on est prêt à diffuser du (presque) n'importe quoi !

04 octobre 2010

Arméniens ... et alliés au Hezbollah !

Drapeau arménien

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Introduction :
La place et le rôle des Arméniens au Moyen-Orient n'a pas encore donné lieu à une émission de ma série, et c'est dommage. Non pas qu'ils soient impliqués directement dans le conflit israélo-arabe, ou qu'ils puissent avoir une influence considérable - la majorité de la Diaspora arménienne vit en fait en dehors de la région, en Europe et aux États-Unis, et les communautés en terre d'islam subissent une lente érosion démographique, comme l'ensemble des Chrétiens d'Orient.
Mais les points communs - deux petits peuples millénaires à la religion spécifique -, les destinées tragiques - le génocide arménien de 1915 a en quelque sorte préfiguré la Shoah trente ans plus tard - invitent, a minima, à s'intéresser au sujet. Disons-le tout de suite, en attendant d'en débattre avec un invité je l'espère intéressant : autant les communautés juives et arméniennes ont des relations harmonieuses en Diaspora, et parfois chaleureuses - je me souviens de la banderole des "Arméniens pour Israël", présents à chaque manifestation de soutien -, autant l'attitude des communautés d'Orient, voire de la République d'Arménie - petit état enclavé dans le Caucase et proche diplomatiquement de l'Iran - est beaucoup moins sympathique. Cela se comprend, en partie par la nécessité de maintenir la sécurité de ces minorités, y compris justement en Iran où ils sont les Chrétiens les plus nombreux (environ 400.000), en partie aussi par le fait qu'ils se sont tellement bien intégrés dans certains pays arabes qu'ils en partagent la sensibilité, et parfois l'hostilité par rapport aux "camp occidental" : ceci a été le cas en Syrie, mais aussi et surtout au Liban, où ils ont refusé de participer à la guerre civile des années 1975-1990.
Je vous invite, pour "planter le décor", à consulter l'article de Wikipedia en lien consacré à la Diaspora arménienne, et celui-ci consacré au parti révolutionnaire arménien "Dashnak", dont une fraction connut une dérive terroriste anti turque dans les années 70 et 80 : à cette époque, les militants arméniens avaient souvent leurs bases au Liban, "plate-forme du terrorisme international" jusqu'à l'invasion israélienne de 1982 ... Mais le Dashnak local (orthographié aussi "Tachnag") est aussi un parti politique libanais, qui a fait alliance avec "le camp du 8 mars" (soit le Hezbollah et le "Courant Patriotique Libre" de Michel Aoun) . Pourquoi une telle alliance qui peut sembler contre nature pour des Chrétiens ? J'ai découvert récemment un article très intéressant publié sur un site libanais, celui de "L'Hebdo Magazine" qui est un journal local. On trouvera  sur ce lien l'article complet ... et ci-dessous un large extrait pour comprendre pourquoi un tel alignement arménien sur les pires ennemis de l'état juif !
J.C 
"Depuis des lustres, le Tachnag fait la pluie et le beau temps dans son fief de Bourj Hammoud ainsi que dans la localité de Anjar, dans la Békaa. Soupçonné par ses adversaires de demeurer dans l’opacité, il n’en reste pas moins un parti incontournable au sein de l’arène politique libanaise et il en est bien conscient. Après avoir encaissé une lourde défaite aux législatives de 2009, il réapparaît en forme aux municipales de 2010. La FRA, qui fit ses premières armes contre les Ottomans et les Tsaristes, n’en demeure pas moins un acteur engagé dans le combat pour la défense de la cause arménienne. De nos jours, elle encadre un pan entier de la communauté arménienne du Liban à la manière d’un parti tribunitien, comme ce fut le cas du Parti communiste français des années 1950. Comme le souligne le chercheur et journaliste français Gaïdz Minassian, auteur d’une thèse controversée sur ce parti, «nombreuses sont les familles arméniennes de Bourj Hammoud et ailleurs où l’on naît Tachnag, on se marie Tachnag… et l’on meurt Tachnag». Opérant depuis l’Arménie, le Tachnag est un parti international, politiquement orienté et impliqué dans les pays où la diaspora arménienne est présente depuis le génocide de 1915. Isolé des autres partis arméniens, le Tachnag fait cavalier seul dans son combat contre le régime soviétique qui gouvernait l’Arménie. Les communistes arméniens et les militants du parti concurrent Hentchak, à l’époque influents, le taxaient volontiers de parti chauvin et «nationaliste petit bourgeois». Le duel Tachnag/Hentchak connut son paroxysme en 1958, lorsque le Liban s’entredéchirait dans un arrièrefond de guerre froide. Dans ce contexte, c’est tout naturellement qu’une alliance se forgea entre le Tachnag et les Kataëb de Pierre Gemayel dans les années 1960. Mais lorsque la poudrière libanaise s’enflamma, en 1975, le Tachnag s’engagea dans la neutralité dite «positive», refusant de se battre aux côtés des Forces libanaises. Les militants Tachnag voyaient d’un mauvais œil le projet d’unification des rangs chrétiens sous le drapeau maronite. En 1978, des heurts violents eurent lieu à plusieurs reprises entre les Kataëb et les Tachnag à Nabaa. L’année sui vante, le mémorial des martyrs arméniens à Bickfaya fut dynamité. A la fin de la guerre, les dirigeants Tachnag ne souhaitèrent pas entretenir les griefs du passé. Mais un sentiment indélébile de rancœur persiste, il peut être ranimé à n’importe quel moment, comme ce fut le cas lors de la partielle du Metn, en 2007. Cette année-là, une organisation – sans idéologie particulière, si ce n’est son adhésion au 14 mars – fait son apparition dans la sphère politique locale: le mouvement des Arméno-Libanais libres. A l’origine, une poignée d’anciens Tachnag formèrent un courant politique dans la perspective de réunir le plus grand nombre de déçus du Tachnag ... en vain. Malgré un soutien de l’entourage de la famille Hariri, ce mouvement groupusculaire ne put jamais se doter d’une ossature crédible. En février 2009, dans le courant des législatives, un des cadres du mouvement est grièvement blessé au volant de sa voiture à Bourj Hammoud dans une mitraillade. La nouvelle fait le tour de la presse proche du 14 mars, elle suscite l’indignation dans les rangs des partis arméniens liés au Courant du futur, tandis que le QG Tachnag gardait le silence radio. Depuis lors, on n’entendit plus parler des Arméno-Libanais libres, dont le poids politique insignifiant les empêcha de participer aux scrutins électoraux ultérieurs.
La violence révolutionnaire

La FRA, qui franchit la décennie des années 1970, apparaît comme une institution alourdie par le poids de ses structures vieillissantes. Son idéologie – jadis révolutionnaire – se retrouve ébranlée lorsqu’en 1975, émerge l’Asala (Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie), une organisation clandesti ne basée à BeyrouthOuest, parrainée par le FPLP de Georges Habach et de Wadih Haddad. Pour la première fois dans son histoire, la légitimité de la FRA est remise en question à un moment où les actions violentes de groupuscules révolutionnaires font la Une des journaux. Empêtré dans ses difficultés internes, le Tachnag se ressaisit pourtant. Entre 1976 et 1986, des mouvements armés, se revendiquant d’une sensibilité proche de la FRA, émergent: ce sont les Commandos des justiciers du génocide arménien (CJGA), rebaptisés, au début des années 80, Armée révolutionnaire arménienne. Basés au Liban, la plupart des commandos perpètrent des attentats suicide et des assassinats contre des diplomates turcs. Le plus célèbre fut celui du 27 juillet 1983 lors de la prise d’as saut de l’ambassade turque à Lisbonne. Cette action provoqua une vague d’émoi sans précédent au sein de la diaspora arménienne. Originaires de Beyrouth, les corps des membres du commando furent rapatriés en grande pompe au Liban. Aujourd’hui encore, leur sacrifice est commémoré chaque année. (...)
Acteur des relations internationales? «Il faut comprendre que si nous entretenons de bonnes relations avec l’Iran, c’est en raison des liens historiques qui nous lient à ce pays. La présence arménienne y remonte au Moyen Age, et l’Iran est le seul voisin avec qui l’Arménie entretient des relations économiques étroites», martèle Shahan Kahandarian, ancien membre du comité central du Tachnag libanais et rédacteur en chef du quotidien du Tachnag d’expression arménienne, Aztag. Si on prétend que le Tachnag est un indéfectible soutien de l’Iran, c’est qu’il s’inscrit dans un contexte régional particulier. Respectée, la communauté arménienne en Iran y est implantée depuis le XVIe siècle, elle compte aujourd’hui deux représentants Tachnag siégeant au Conseil consultatif (Parlement). Comme son prédécesseur, Hrant Markarian, l’actuel secrétaire général du parti, est un Arménien originaire d’Iran. D’autre part, les relations qui unis sent Erevan et Téhéran sont d’un intérêt stratégique vital pour l’Arménie, car l’Iran (unique allié de l’Arménie dans son voisinage direct) lui livre du gaz et partage une neutralité bienveillante vis à vis du conflit du Haut Karabagh, qui oppose Arméniens et Azéris. Proche de l’Iran, il n’empêche que la FRA est tolérée aux EtatsUnis. Le Tachnag a tissé des liens très étroits avec les responsables américains, notamment à travers le travail opéré en sous-main par son puissant lobby présent aux États-Unis (l’Anca Armenian National Commitee of America, qui occupe la troisième place au top ten des lobbys américains).(...).

Tachnag- Hezbollah: alliés communs

A l’aune du solide partenariat commercial et stratégique scellé entre l’Arménie et son voisin iranien, on peut comprendre l’alliance qui lie le Tachnag libanais et la coalition du 8 mars. Scénario imaginable mais peu probable, il se pourrait que les Iraniens et les Syriens, qui disposent chacun d’une communauté arménienne significative, puissent avoir recours aux Arméno-Libanais pour préserver leurs acquis dans le pays du Cèdre. Il n’en demeure pas moins que la branche libanaise du Tachnag agit de façon autonome par rapport à la base arménienne. En avril 2009, lors de la campagne pour les législatives, le candidat Hagop Pakradounian affirmait au micro de la BBC: «Nous, Arméniens, sommes opposés à l’oppression et à l’occupation israélienne au Sud. (…) Le Hezbollah combat une occupation, nous sommes bien placés pour savoir ce que signifie voir ses terres sous occupation». Serait-ce un calcul politique calqué sur les positions du général Aoun qui motive les orientations du Tachnag? Les Arméniens font-ils preuve de réalisme en se rangeant sous l’aile protectrice de la première force politique et militaire du pays du Cèdre? Autant de questions qui demeurent en suspens. Incontournable au Liban, la présence Tachnag sur le sol turc demeure interdite, du moins tant que la propagande étatique continuera à le diaboliser. De l’autre côté de la frontière (fermée), le Tachnag d’Arménie constitue une force d’opposition non négligeable qui s’est retirée de la coalition gouvernementale en signe de protestation contre le processus de rapprochement arméno-turc récemment gelé. La diaspora poursuit tant bien que mal sa fonction fédératrice, s’inscrivant dans une dynamique transnationale dont les buts affichés sont la reconnaissance internationale du génocide arménien, la défense des droits de la minorité arménienne de Géorgie ainsi que la sécurité de l’Arménie et du Haut Karabagh. Autre volet, le maintien de l’identité arménienne de la diaspora qui demeure une question lancinante. A cet effet, les structures actuelles de la FRA (écoles, journaux, associations culturelles, sportives, etc.) devraient faire l’objet d’une nécessaire cure de rajeunissement, si elles ne sou haitent pas suivre le destin malheureux des autres partis politiques arméniens de la diaspora. C’est dans un contexte politique mouvant que navigue le vieux paquebot Tachnag: tantôt dans les eaux troubles libanaises, dans les montagnes du Karabagh ou encore dans les salons feutrés du Congrès américain. Pour sa part, le Tachnag libanais a su s’adapter à son temps et à son environnement. A l’heure de la mondialisation, le parti se cherche une identité à travers ces femmes et ces hommes intégrés dans les structures de leurs pays respectifs. Sans tomber dans le dilemme d’une allégeance multiple, ils œuvrent à construire des ponts entre le monde complexe arménien et leurs patries d’accueil. Le Tachnag libanais n’échappe pas à la règle, partisan de l’unité et de la consolidation de l’État. Ancré dans le pays du Cèdre depuis l’époque du mandat français, le drapeau de ce parti centenaire, à la couleur rouge écarlate des révolutionnaires d’antan, ne s’est pas décidé à battre en retraite."

Tigrane Yégavian 
l'Hebdo Magazine, Beyrouth