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26 avril 2010

Voyage, voyage ...


Ouf ! Cette fois ça y est ! Quelques jours de VRAIES vacances ... loin de Paris.
Moyen de locomotion ? Le train, ce qui en ce moment semble plus sûr que l’avion, quoique ... La destination ? J’espère vous la raconter avec quelques jolies photos à mon retour, mais ce ne sera pas dans un des pays traités dans ce blog ou à mon émission : une manière, vraiment, de se changer les idées !

Merci aux lecteurs fidèles pour leur fidélité, et rendez-vous mardi 4 mai.

25 avril 2010

Emission : « Des racines et des Ailes », numéro spécial Tunisie, mercredi 28 avril

Sidi Bou Saïd, le panorama

Pour son 265e numéro, le magazine « Des racines et des Ailes » installe son plateau en Tunisie. Cette émission réalisée depuis le musée du Bardo à Tunis et le palais du baron d'Erlanger à Sidi Bou Saïd, proposera quatre reportages : L'héritage de Carthage - Au coeur de la médina - Tunis, Art nouveau - Entre oasis et désert.

Le Mercredi 28 avril 2010 à 20h30 (heure de Paris) on parlera de Carthage. Cette ville est réputée pour son palais archéologique qui demeure intact jusqu'à aujourd'hui, en dépit d'une extension urbaine importante depuis le siècle passé. L'ancienne cité punique, détruite puis reconstruite par les Romains qui en font la capitale de la province d'Afrique proconsulaire, est aujourd'hui une banlieue huppée de Tunis regroupant de nombreuses résidences d'ambassadeurs. Le site archéologique de Carthage, dispersé dans la ville moderne, est classé au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1979. Dominé par la colline de Byrsa qui était le centre de la cité punique, il se distingue par la silhouette massive de la cathédrale Saint-Louis édifiée à l'emplacement présumé de la sépulture du roi Louis IX de France qui y mourut au cours de la huitième croisade. Forte de son héritage historique, Carthage se développe et devient une vaste banlieue résidentielle de Tunis autour du palais présidentiel. Toutefois, le développement rapide de la ville moderne risquant de détruire à jamais les vestiges, de grands archéologues tunisiens ont alerté l'opinion et l'Unesco a lancé une vaste campagne internationale. La difficulté pour le visiteur réside aujourd'hui dans l'extrême dispersion des vestiges, même si certains pôles peuvent être distingués. Jusqu'à la redécouverte de Carthage au XIXème siècle, les ruines sont pillées pour ses marbres afin de construire, en Afrique comme en Europe, des édifices publics ou religieux. À l'époque des conquêtes arabes, Carthage est en proie aux épidémies. Les Arabes prennent la ville en 698 mais lui préfèrent Tunis, la cité voisine, qui donne son nom au pays, celui d'Afrique désignant désormais le continent entier. Carthage ne connaît plus jamais sa gloire d'autrefois.

L’émission « Des racines et des Ailes » passera ensuite à la médina de Tunis .Ce quartier est aussi inscrit depuis 1979 au patrimoine mondial de l'Unesco. Fondée en 698 autour du noyau initial de la mosquée Zitouna, elle développe son tissu urbain tout au long du Moyen Âge. Devenue capitale d'un puissant royaume à l'époque hafside, foyer religieux et intellectuel et grand centre économique ouvert sur le Proche-Orient, le Maghreb, l'Afrique et l'Europe, elle se dote de nombreux monuments où se mêlent les styles de l'Ifriqiya aux influences andalouses et orientales, mais qui empruntent également certaines de leurs colonnes ou leurs chapiteaux aux monuments romains ou byzantins. Ce patrimoine architectural est également omniprésent dans les maisons de particuliers et les petits palais des personnalités officielles, aussi bien que dans le palais du souverain à la kasbah. Avec une superficie de 270 hectares (plus 29 hectares pour le quartier de la kasbah) et plus de 100 000 habitants, la médina représente le dixième de la population tunisoise et le sixième de la surface urbanisée de l'agglomération.

Le domaine bâti est caractérisé en général par l'accolement de grandes parcelles (600 m2 environ) avec des maisons prestigieuses telles que le Dar Othman (début du XVIIe siècle), le Dar Ben Abdallah (XVIIIe siècle), le Dar Hussein, le Dar Chérif ainsi que d'autres maisons plus ou moins vastes et richement décorées (2).Au début du XXIème siècle, la médina est ainsi l'un des ensembles urbains traditionnels les mieux préservés du monde arabe. Les principaux outrages qu'a subi la médina remontent à l'époque suivant l'indépendance du pays avec la destruction de l'enceinte et la précarisation de l'habitat (mais aussi le manque de propreté). La médina regroupe la plupart des grandes mosquées de la capitale. La principale d'entre elles, la mosquée Zitouna, bâtie en 732 au coeur de la médina puis entièrement rebâtie en 864, a aussi été pendant longtemps un important lieu de culture et de savoir en abritant les locaux de l'Université Zitouna jusqu'à l'indépendance de la Tunisie. Il accueille encore les cérémonies marquant les principales dates du calendrier musulman. On y trouve aussi la mosquée de la Kasbah, fondée en 1230 et pratiquant le rite hanéfite depuis 1584, se distingue surtout par la coupole en stalactites précédant le mihrab, ainsi que par son minaret qui rappelle celui de la Koutoubia de Marrakech et qui est le plus haut de la ville. On tombe ici sur la mosquée Youssef Dey qui fonctionne d'abord comme oratoire avant de devenir une véritable mosquée en 1631.Un décret beylical de 1926 fait de cette mosquée une annexe de l'Université Zitouna où l'enseignement est dispensé jusqu'à son transfert dans de nouveaux locaux à l'aube de l'indépendance. En plus de la mosquée Hammouda-Pacha, construite en 1655, qui est la deuxième mosquée de rite hanéfite construite à Tunis, on trouve la mosquée Sidi Mahrez qui est la plus grande mosquée de ce type dans le pays. Construite en 1692, elle est d'inspiration ottomane et rappelle la mosquée Süleymaniye. Enfin la mosquée Saheb Ettabaâ, bâtie entre 1808 et 1814, est la dernière mosquée construite à Tunis par les Husseinites avant le protectorat français.

L’émission « Des racines et des Ailes » comportera un troisième reportage sur l’Art Nouveau en Tunsie. En cette fin du XIXe siècle, Tunis possède la vivacité spontanée d’un creuset d’ethnies et de traditions qui anime la vie sociale tunisienne, et qui lui vaut le qualificatif de « tour de Babel » ; c’est dans cette babélique atmosphère que l’Art Nouveau fait son apparition à Tunis, signe précurseur et authentique de modernité dans le domaine artistique. L’architecte français Jean Resplendy, né en 1866 à Perpignan et formé à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, a été le premier initiateur de ce style avec la réalisation de l’Hôtel de France, rue Léon Roches, l’actuelle rue Mustapha-M’Barek. A cet heureux début de l’Art Nouveau, s’ajoute un exploit encore plus important pour le profil dimensionnel de Tunis. Il s’agit du grand îlot au croisement des deux principaux axes de la ville nouvelle, destiné à accueillir un compact mais articulé complexe : le Théâtre municipal, le casino d’hiver "Le Palmarium" et l’hôtel Tunisia Palace. La réalisation de tout le complexe est confiée à Resplendy. De l’ensemble municipal, prévu et défini dans ses différentes parties depuis 1899, entamé en 1901 et terminé en 1904, il ne reste aujourd’hui que le théâtre. Le Théâtre municipal est certainement l’édifice le plus remarquable du complexe. Les divers espaces internes du théâtre, du vestibule au foyer, reflètent le langage Art Nouveau d’inspiration baroque. La salle de spectacle, les baignoires et le reste ont été confiés à l’architecte Lucien Voog , spécialiste des espaces théâtraux, ayant déjà travaillé à d’analogues typologies, successivement à Paris et à Vichy.

Enfin « Des racines et des Ailes » s’envolera pour le sud pour faire connaissance des oasis et du désert tunisien. Ici on découvrira le sable des grandes dunes, le plaisir de se ressourcer dans une oasis, la visite de villages du désert, la beauté d'un lac en plein désert. Une immersion complète dans la plénitude du désert. L ‘équipe de France ira à la rencontre des Ksars, les villages troglodites, et le désert tout d'abord en 4x4 puis en dromadaire à la manière bédouine. La traversée du Sud-Ouest du Grand Erg Oriental et des grandes dunes de sable sera une occasion pour découvrir l’oasis (zone de végétation isolée dans un désert) qui ont toujours joué un rôle important dans l'établissement des routes commerciales empruntées par les caravanes. Ce ne furent donc pas des points isolés et perdus dans les déserts, mais toujours de véritables carrefours et plaques tournantes. Leur contrôle politique ou militaire était donc d'une grande importance stratégique. C'est ici que les Romains avaient construit des avant-postes pour défendre le limes saharien. C'est ici, également, que le général Rommel, le renard du désert, avait dû faire marche arrière, encerclé par les Alliés.

Alors soyez au rendez-vous avec l’émission : Des racines & des Ailes - Numéro spécial Tunisie, le mercredi 28 avril, 20h30 !

Ftouh Souhail,
Tunis


(1) En même temps L'exposition tunisienne itinérante ''l'héritage de Carthage'' poursuit sa tournée dans les villes japonaises permettant à des publics curieux et ouverts de découvrir l'histoire de la Tunisie et son riche patrimoine. Dans le cadre de sa septième étape, cette exposition se tient du 17 avril jusqu'à fin mai 2010, au musée de Hamamastu (connue comme étant la ville de la musique). Cette ville se situe au sud de la capitale Tokyo. A l'instar des étapes précédentes, l'exposition a été largement médiatisée par la presse nippone qui a mis en exergue l'histoire et les spécificités touristiques de la Tunisie. Il est à rappeler que cette exposition a depuis sa première tournée, accueilli plus de 150 mille visiteurs.
(2) Dar Al Jaziri (rue du Tribunal), abrite la Maison de la poésie ;
Dar Bach Hamba ;
Dar Ben Abdallah (impasse Ben Abdallah) ;
Dar Ben Achour (rue du Pacha), abrite la bibliothèque de la ville de Tunis ;
Dar Chahed, devenu le restaurant Dar Hammouda Pacha ;
Dar Hussein (place du Château) ;
Dar El Bey (place du Gouvernement), abrite le siège du Premier Ministre

22 avril 2010

Pour en finir avec quelques fantasmes sur les musulmans ... par Marc Knobel

Ces réflexions ne veulent provoquer personne et ne visent personne, en particulier. Mais à un moment ou à un autre, nous pensons qu’il faut veiller à ce que les trop nombreuses incompréhensions et/ou poncifs maladroits qui circulent sur les musulmans cessent. Que disons-nous ? Que proposons-nous ? Nous privilégions le dialogue parce qu’il est une obligation (morale), il est éthiquement important. Nous privilégions la connaissance qui nous permettrait de ne plus considérer l’autre avec la seule défiance et la crainte. Nous privilégions le respect de l’autre. Nous privilégions tout ce qui peut permettre de témoigner de la richesse et de la diversité humaine. Nous refusons aussi de catégoriser et de diaboliser une population entière (l’islam modéré n’est pas l’islamisme). Nous dénonçons enfin le racisme, tous les racismes. Aussi, dans ce texte (qui va sûrement nous exposer à des critiques), nous reproduisons quelques propos entendus ici ou là (on parle en ce cas de café du commerce). Ces remarques témoignent des incompréhensions et des peurs qui balayent notre quotidien. Nous pensons que la peur est mauvaise conseillère, elle gagne du terrain. Nous répondons donc.

« Pourquoi voulez-vous que je parle des musulmans ? », dit-on ici ou là ...Nous répondons qu’une rencontre avec l’autre -musulman ou non- peut déstabiliser, au sens où l’Homme comprend qu’il n’est plus le seul dépositaire de l’unique vérité, mais porte en lui une vérité (la sienne). Etre un autre pour les autres, étudier et mesurer ce qu’ils ont à dire et sont, est une obligation morale, intellectuelle, si ce n’est même, religieuse. Posons-nous la question de savoir pourquoi nous aurions peur de rencontrer des musulmans ? Posons-nous la question de savoir si cette peur - totalement irrationnelle - ne déshumanise pas l’autre ? Posons-nous la question de savoir s’il faut une once de courage pour accepter l’autre et lui parler ? Posons-nous la question de savoir ce que l’on apprendrait à expliquer à un musulman ce qu’est le judaïsme ou le christianisme, ce que nous entrevoyons du monde et du devenir de l’humanité ? Bref, dialoguons !

« Le dialogue ne sert à rien, encore moins avec les musulmans », disent certains ...Nous répondons que tout homme de bonne volonté doit apprendre à aborder l’autre, sans le heurter. Le fait de considérer l’autre, de mesurer son infinie richesse cultuelle et culturelle, est importante. Le fait d’entretenir un dialogue apaisé, serein, normalisé est une évidence. Ce dialogue (quelquefois difficile) a pour objet de respecter l’autre et d’éviter un choc civilisationnel et/ou religieux. Il ne peut être dit ou écrit que les religions et les cultures sont faites pour se combattre et s’affronter ou se détruire (éternellement). Elles se juxtaposent pourtant et participent de la diversité humaine et de l’infinie richesse culturelle de l’humanité. A cet égard, il faudrait peut-être que le dialogue judéo-chrétien (si essentiel à nos yeux) n’ignore pas cette troisième branche monothéiste, qu’est la branche musulmane. Le dialogue doit être interreligieux, interculturel et permanent. Nous gagnerons à chercher les voies du dialogue et à rencontrer des interlocuteurs musulmans.

« Le dialogue est dangereux parce que les musulmans veulent nous convertir », disent certains ...
Chacun a un rôle à jouer, chacun participe et contribue de cette incroyable diversité humaine. Mais, nul ne peut prétendre instaurer un dialogue en imposant sa foi et en s’érigeant en juge et arbitre. Le dialogue suppose ultimement de respecter la foi de l’autre et de ne pas considérer d’emblée que l’on peut se perdre parce que l’on dialoguerait avec l’autre. Le dialogue n’est pas prosélyte en ce sens où il ne vise pas à convertir l’autre et annihiler ses propres racines. Un juif, un chrétien pas plus qu’un musulman ne peut forcer l’autre et le déshumaniser. Il n’y a rien à craindre d’un dialogue qui respecte les formes, les usages et les figures de l’altérité.

« Les musulmans sont trop nombreux, La France est foutue ! », disent certains ...Nous répondons que cette affirmation est tout bonnement incroyable ! Il fut un temps pas si lointain ou les antisémites et les militants d’extrême droite considéraient que la France était aux mains des juifs (Edouard Drumont, Maurras, Doriot ...) et que 70.000 juifs deviendraient un jour, 7 ou 17 millions (sic). Ils interdirent alors aux juifs d’exercer certaines professions, et ils les marginalisèrent. Il y a, en France, avant toute chose des citoyens Français. Il faut alors rappeler et marteler cette évidence : la France ne peut faire de différence entre SES enfants et, en République, les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Nul ne peut être discriminé, rejeté ou banni.

« Il y a dix musulmans pour un non-musulman, nous sommes perdus », disent certains ...Voici encore - et c’est un euphémisme - un calcul bien étrange. Certains nous opposent aux musulmans et pèsent dans une balance le poids des uns et des autres. Comme si d’évidence, il fallait forcément compter, peser et sous-peser. Est-il interdit d’être juif, chrétien ou musulman en France ? Est-il normal d’opposer forcément les uns aux autres ? Faut-il forcément pointer du doigt les minorités ?

« L’Islam est une religion rétrograde », disent certains ...
Dalil Boubaker rappelle que l’Islam est « une religion, et je dirais même une spiritualité universelle. Son message prophétique est avant tout d’essence religieuse, tournée vers la promesse de la vie future, vers le rappel que Dieu est vivant et éternel. L’Islam en est de A à Z une louange permanente. Le musulman baigne dans cette présence divine de tous les instants de la vie quotidienne : le contenu sémantique des mots arabes assalam, Al-Ham dulillah, « bonjour, merci, au revoir », l’atteste. La communication est donc très enrichie de termes divins. La vie du musulman s’oriente vers un chemin qui mène à Dieu ! » (Dalil Boubaker, Non ! l’Islam n’est pas une politique ». Ed. Desclée de Brouwer, 2003, 214 pages.
Nous pensons sincèrement qu’il faut se garder d’amalgames douteux (islam = islamistes = Ben Laden !). Il faut aussi apprendre à respecter la foi de son prochain.

Conclusion provisoire :Apprenons toujours et en tout temps à respecter l’autre dans son infinie richesse, respecter sa foi, sa prégnance et le message qui est le sien. Est-ce trop demander que de vouloir être un homme de bonne volonté ?
Marc Knobel
site du CRIF, 25 mars 2010

Nota de Jean Corcos :
Un grand merci à mon ami Marc pour avoir ainsi "mouché" les "grandes gueules" de nos "cafés du commerce" communautaires !
Militant infatigable, consacrant une énergie incroyable aussi bien dans la "veille" des sites antisémites et antisionistes radicaux, que dans la communication du CRIF - on retrouve souvent sa signature dans des articles du site -, on ne peut vraiment l'accuser ni de complaisance vis à vis de l'islamisme, ni d'ignorance des dangers qui menacent les Juifs dans notre pays. Cela donne d'autant plus de poids à son article, qui dénonce une "libération de la parole" à la limite du racisme dans notre propre communauté ... un sujet douloureux, et sur lequel je reviendrai régulièrement.

21 avril 2010

Dans les jardins du Bey ...

"Dans les jardins du Bey"
toile de John Frederick Lewis

Une toile sur la Toile
- avril 2010

John Frederick Lewis (1805-1875) est un peintre orientaliste anglais, qui séjourna notamment au Maroc, mais surtout en Égypte, où il vécu dix ans ! Il en ramena des toiles lumineuses, et parmi ses œuvres les plus célèbres, le fameux « Dans les jardins du Bey » (nom du souverain du pays au dix-neuvième siècle).

Je vous invite à visiter la page qui lui est consacrée sur Wikipedia. Et à rêver quelques instants à un grand jardin parfumé, où se promenaient jadis des jeunes beautés aux tenues chamarrées ... 


J.C

19 avril 2010

L’Iran et la course à la bombe, 6/6 : « Un Moyen-Orient westphalien », par Sadri Mokni

La carte d'Europe après le traité de Westphalie, 1648
(source : site http://www.memo.fr/)

Introduction :
J’avais déjà publié, à la fin 2008, un long article de mon ami Sadri Mokni. Franco-tunisien, présentement au Canada où il achève ses études, Sadri est passionné de Géopolitique et d’Histoire, un peu à la façon d’Alexandre Adler : cela lui permet de prendre de la hauteur sur l’actualité, et d’envisager des scénarios originaux ... On peut ne pas être d’accord avec l’hypothèse optimiste qu’il développe ici, en la trouvant trop souriante ; lui-même d’ailleurs, évoque à la fin ce qui peut la faire dérailler - on peut aussi lui objecter d’autres éléments non mentionnés, comme l’irrationalité des dirigeants iraniens actuels, ou le détournement de leur « feu nucléaire » par des terroristes. Ceci étant, il m’a semblé intéressant de terminer ce dossier par cet article singulier !
J.C

La peur d’un Iran nucléarisé alimente fantasmes et rumeurs. Une rumeur récurrente, celle de frappes israéliennes décidées en dernière extrémité pour prévenir l’accession des mollahs à l’atome militaire, à la vie dure. Pour tout un ensemble de raisons, de telles frappes sont peu probables car leur efficacité serait des plus réduites. Les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN, seuls sont capables de mettre fin au programme nucléaire iranien par la force. Or, semble-t-il, ils n’en prennent pas la direction, en dépit des rebuffades systématiques qu’oppose le régime des mollahs aux avances du président Obama.
D’aucuns estiment que rien ne pourrait être fait pour empêcher l’Iran de devenir une puissance nucléaire militaire. Notre propos est différent, il consiste à explorer une autre voie, celle dans laquelle une communauté internationale hésitante ou pusillanime, divisée ou rendue impuissante par les rivalités entre grandes puissances, laisserait, à dessein ou par inadvertance, à l’Iran l’opportunité de s’affirmer un jour comme un État nucléaire.
En d’autres termes, quel serait l’effet d’un Iran, qui se déclarerait un matin, puissance nucléaire, sur la composition géopolitique du Moyen-Orient? L’argument que nous mettrons en avant, ici, est que l'accession de l'Iran au rang de puissance nucléaire rendrait les grandes puissances, au premier rang desquelles les États-Unis, durablement indispensables à la sécurité de la région. Et Israël, dans tout cela, n’est que quantité négligeable au regard des intérêts de puissants acteurs extra régionaux.
En effet, un Iran nucléaire serait perçu comme une menace pour les pays de la région et surtout les pays arabes, dépourvus de capacités de rétorsion. Certains pourraient vouloir développer leur propre bombe mais cela prendrait du temps et coûterait cher en termes politiques. Le risque qu’une course aux armements arabo-iranienne dégénère en une course aux armements fratricide entre Arabes n’est pas négligeable et ferait le jeu de Téhéran. Le dilemme de sécurité des petits Émirats pétroliers et des États en lisière de l’Arabie-Saoudite n’est pas unidirectionnel, c’est-à-dire qu’il ne s’exprime pas seulement à l’encontre de l’Iran. La Syrie n’acceptera pas davantage de devoir composer avec des intérêts arabes revigorés au Liban et l’Égypte de perdre sa place de première puissance arabe, au cas où la puissance financière de l’Arabie la ferait dépasser. L’attitude de l’Irak, arabe mais chiite, demeure une inconnue, principalement du fait de la frilosité des autres arabes à son égard, tandis qu’un Iran sanctuarisé pourrait faire monter de plusieurs crans le chantage terroriste qu’elle exerce aux lisères de la région et sur ses lignes de fracture, cherchant à faire tâche d’huile pour menacer les régions centrales et troubler les opinions publiques.
D’autre part, une dissuasion commune à la Ligue arabe est encore plus impensable qu'une dissuasion européenne. Il est plus probable que la majorité des États arabes demeurent prudents et s’accordent quant au maintien des équilibres régionaux. Eu égard aux risques énumérés plus haut, la politique conservatrice poursuivie par les Saoudiens et les Égyptiens depuis plusieurs décennies retrouverait du lustre. La garantie de sécurité de puissances extra régionales, appartenant à une même alliance militaire, se présenterait comme la solution la moins incertaine. Elle n’exigerait qu’un engagement clair des États-Unis et de leurs alliés européens d’inclure leurs autres alliés arabes dans leur aire de dissuasion nucléaire. Au plus, elle demanderait que les protecteurs Américains et Français stockent quelques armes nucléaires dans leurs bases militaires de la région. Cette solution aurait l’avantage de n’accroître décisivement la puissance militaire d’aucun État arabe par rapport à un autre.

Il y a quelques années, les Américains avaient du quitter l'Arabie Saoudite sur la demande pressante d’une famille royale sous la pression de son opinion publique. Puis, la menace irakienne éliminée, la nécessité de la présence des forces américaines ne se faisait plus ressentir. Américains et alliés trouveraient assurément quelque avantage à une situation qui pérennise leur influence dans la région. Car demain, les flux énergétiques se dirigeront principalement vers l’Asie et, surtout, vers la Chine. Le premier client des pétromonarchies cessera, pour la première fois, d’être américain. Et tout client important a le pouvoir d’influencer ses fournisseurs. La préséance des Occidentaux s’en trouverait irrémédiablement menacée si la stabilité de la région était à ce point assurée que les préoccupations économiques prennent le dessus sur celles d’ordre sécuritaire. Or, il est une chose qui reste encore acquise pour plusieurs décennies, c’est l’avance technologique et militaire des Occidentaux. Quelques dimensions que prennent les forces chinoises, les forces occidentales resteront les seules à disposer de la maîtrise des mers et de capacités de projection inégalables.
La situation n’est pas sans rappeler celle d’Asie de l’Est. Sud-Coréens et Japonais ne distendent pas davantage leurs liens avec Washington depuis que la Corée du Nord les menace en poursuivant imperturbablement son programme nucléaire. Les alliés asiatiques craignent de perdre l’intérêt de Washington et lui réclament l’intégration plus poussée de leurs appareils de défense avec les siens. C’est une dynamique des plus intéressantes pour le Pentagone, pour qui l’intégration des systèmes de défense de ses alliés est une des modalités de son hégémonie dans ses alliances militaires, car celle-ci crée une dépendance technologique et capacitaire. Militairement, les Américains continuent de fixer les standards à atteindre et les procédures à adopter, alors que dans tous les autres domaines, ils sont soumis à un rude régime de concurrence. Le Moyen-Orient, dont Israël, échappe encore à la logique de la guerre en coalition, guerre interarmées où les bataillons des diverses nations collaborent comme une seule armée, l’armée des États-Unis. L’intégration de nouveaux alliés au système de franchisés américains serait un plus indéniable.
Dans un tel contexte, il n'est pas certain qu'Israël soit perdant. Des États arabes davantage liés aux États-Unis deviendraient, de fait, alliés d'Israël. Et de surcroît, des alliés durables. L’hypothèse est tentante de considérer que la même dynamique que celle qui est à l’œuvre dans les institutions internationales et les firmes multinationales, et qui imbrique Arabes et Israéliens au prix de quelques empoignades verbales, pourrait faire son effet dans un système d’alliance militaire intégré par les Américains, au Moyen-Orient. L’ironie est palpable. Les effets pacificateurs de la "Pax americana" ne prendraient pas les mêmes sentiers que le volontarisme que le président Obama investit pour pacifier les relations israélo-arabes. En réalité, Israël, dans ce Moyen-Orient là, n’aurait pas besoin de faire la paix avec les Palestiniens. Et même, cet Israël là, en disposant seul d’une capacité de dissuasion en propre, se retrouverait dans une position semblable à celle de la France en Europe. Puissance conséquente que l’alignement de ses voisins sur une puissance plus importante encore forcerait à en rabattre.
Par ailleurs, l’Iran pourrait bien être contraint d’y trouver son avantage. Sa politique qui consiste à créer des difficultés à ses rivaux dans la région suit deux chemins antagonistes. D’un coté, champion de la cause anti-israélienne, le régime des mollahs atténue les sentiments anti-chiites des Sunnites en leur rendant quelques services propres à épancher leur soif de revanche. D’autre part, champion des causes révolutionnaires à l’intérieur des États arabes, l’Iran risquerait de réveiller un monde plus considérable que lui-même. C’est-à-dire un monde dans lequel un Hamas n’aurait plus rien à quémander à Téhéran et par lequel un Hezbollah se verrait plus sûrement menacé que par Israël. L’intérêt des mollahs serait alors de ne pas pousser trop loin leur pouvoir de nuisance. Cela les amènerait irrépressiblement à une position d’équilibre telle qu’elle nourrirait l’intérêt des régimes arabes pour la protection occidentale, sans oser faire disparaître ce qui empêche encore les Arabes de s’unir sous une même bannière, contre tous.
Certes rétif à toute construction idéale, ce serait peut-être là le meilleur d’entre tous les Moyen-Orients envisageables. Un « Moyen-Orient westphalien » qui, à l’image de l’Allemagne morcelée aux XVIIe et XVIIIe siècles, voit contenues les ambitions expansionnistes des Habsbourg puis des Hohenzollern, et maintenue la liberté des petites principautés. L’ensemble au grand soulagement des autres puissances européennes et au principal bénéfice de la première d’entre-elles, la France. Un ordre Moyen-oriental préservé par les États-Unis et leurs alliés le serait pour la plus grande tranquillité des petits Émirats et des puissances fragiles comme l’Irak et l’Arabie Saoudite, d’Israël, et du reste du monde.
Prenons garde à ne pas rejeter cette construction sur la base qu’elle ne corresponde pas à des principes qui ne seraient généreux qu’en apparence. La destruction de l’ordre westphalien en Europe est venue de la puissance même qui avait le plus grand intérêt à son maintien. Par le biais de la contestation, par les élites, de l’alliance autrichienne de Louis XV, en 1756, et par la Révolution française qui proclama haut et fort de généreuses intentions, la défense du principe des nationalités a abouti à faire l’unité d’une Allemagne humiliée contre la paix de l’Europe. Le défunt projet des néo conservateurs américains pour un grand Moyen-Orient démocratique n’était pas motivé différemment. Et d’éventuelles motivations pan-révolutionnaires du président Obama ne sont pas à exclure, comme la cooptation dans la région et en Asie centrale, sous label progressiste, d’un régime des Mollahs faussement aligné. Entreprise qui répandrait le chaos comme une traînée de poudre verte !

Sadri Mokni

17 avril 2010

L'Algérie et le tabou juif : Jean-Pierre Lledo sera mon invité le 25 avril

L'affiche du film

Après deux émissions consacrées au Maroc, nous allons parler dimanche prochain de l’Algérie, et malheureusement et comme vous l’imaginez, ce sera en contraste une émission peu réjouissante. Je l’ai en effet intitulée « L’Algérie et le tabou juif », parce que ce pays a non seulement chassé sa population juive - dont la présence bimillénaire précédait comme partout au Maghreb l’invasion arabo-musulmane -, mais en plus a effacé jusqu’à la mémoire de cette présence ; sous couvert d’antisionisme, une haine antisémite est entretenue dans une partie de ses médias ; et tout cela est fait, avec une bonne conscience tout à fait insupportable, et que l’on retrouve chez quasiment toutes les élites, y compris les plus éloignés de l’islam radical. Pour en parler, j’ai invité un témoin exceptionnel, puisqu’il a grandi et vécu là-bas jusqu’à sa fuite en France en 1993, il s’agit de Jean-Pierre Lledo ; mes auditeurs fidèles s’en souviennent peut-être, je l’avais déjà eu comme invité en juin 2004. De père pied-noir d’origine espagnole et de mère juive, il était un tout jeune adolescent au moment de l’indépendance de l’Algérie. Sa famille - comme une toute petite minorité de la population européenne - avait choisi de s’engager dans la lutte pour l’indépendance, en raison notamment de convictions communistes. Elle est donc restée en 1962 dans ce pays. Mais l’Histoire l’a rattrapé, comme je le disais, intellectuel connu là bas il a été menacé de mort par les tueurs islamistes et il est venu se réfugier ici. Jean-Pierre Lledo a réalisé plusieurs longs métrages sur l’Algérie, citons « Un rêve algérien », « Algérie mes fantômes » ; et puis son dernier film « Algérie, histoires à ne pas dire » où des témoins évoquent les massacres qui ont entraîné la fuite d’un million de Chrétiens et Juifs d’Algérie. Alors nous parlerons de ce film, mais nous parlerons aussi d’un article publié en novembre 2009 dans la revue « Controverses » édité par Shmuel Trigano : cet article d’une densité extraordinaire est intitulé « La question juive en Algérie, aujourd’hui (et hier) ».

Parmi les questions que je poserai à Jean-Pierre Lledo :

- Est-ce que cela a été facile de trouver des témoins et des acteurs, un demi-siècle après ? Les interviews ont été tournées sur les lieux mêmes des différents drames qui sont évoqués, est-ce qu’il n’a pas eu peur en retournant en Algérie ?
- La partie consacrée à Constantine évoque la mémoire de Raymond Leyris, ce grand maître de la musique arabo-andalouse, surnommé « Cheik Raymond », c’était aussi le beau-père d’Enrico Macias qui jouait à ses débuts dans son orchestre. Raymond Leyris a été assassiné le 22 juin 1961, on dit que cet assassinat a provoqué l’exode massif de la communauté juive de la ville. Or, presque 50 ans après, la censure et la langue de bois sont réunies pour effacer sa mémoire. Qu’en pensent vraiment les habitants de Constantine aujourd’hui ?
- Le film évoque plusieurs massacres de ce qu’on appelait à l’époque « les Européens » ; mais comme c’est un film où les témoins parlent en arabe, on voit que les mots utilisés par les insurgés étaient beaucoup plus primaires, ils disaient « Nkatlou Gouar, Nkatlou Nsara, Nkatlou Yaoud » : « tuez les Infidèles, tuez les Chrétiens, tuez les Juifs ! ». Il a aussi l’honnêteté historique de rappeler les massacres d’Algériens commis par l’armée en représailles. Si on se projette à notre période, où le nationalisme palestinien a toujours utilisé le terrorisme et où l’Algérie a toujours soutenu les plus extrémistes parmi eux, comment l’expliquer ? Est-ce que c’est la bonne conscience anti-colonialiste, qui fait toujours justifier tous les moyens ? Ou alors est-ce que cette barbarie a des racines plus profondes, et lesquelles ?
- Le discours dominant en Algérie est : « on n’a rien contre les Juifs, tout contre le Sionisme. Si des Juifs sont partis, c’est la conséquence du décret Crémieux, lequel en leur accordant la nationalité française les a séparés de nous, les autres indigènes ». Qu’est que l’on peut répondre à cela ? Et est-ce que la presse arabophone n’est pas moins ambiguë que la presse francophone en matière d’antisémitisme ?

J’espère que vous serez nombreux à l’écoute dimanche prochain !

J.C

15 avril 2010

Iran, la course à la bombe, 5/6 : "La détention par l'Iran de l'arme nucléaire signerait l'arrêt de mort d'Israël"


Le 18 février 2010, le site iranien Asr-e Iran met en ligne un éditorial affirmant que la possession par l'Iran d'armes nucléaires menacerait l'existence d'Israël et conduirait à son élimination - même si celles-ci ne sont jamais utilisées. L'éditorial explique que la raison d'être d'Israël est l'illusion de pouvoir apporter une sécurité absolue au peuple juif. Une fois que l'Iran possédera des armes nucléaires et aura altéré en sa faveur l'équilibre des pouvoirs au Moyen-Orient, le glas aura donc sonné pour Israël.
Extraits:
"Le régime sioniste doit ... préserver cette illusion de "sécurité absolue" au sein des frontières d'Israël"
"Depuis sa création en 1948, le pilier central sur lequel Israël se fonde est "l'instauration d'un territoire sûr pour le peuple juif, afin de le protéger de tout danger possible". Ce point est si important pour les responsables élus du régime israélien qu'en 62 années d'existence, ils ont violemment affronté tout élément, même insignifiant, susceptible de frapper ou de porter atteinte au "célèbre Paradis".
S'il veut continuer d'être un havre de sécurité pour les Juifs partout dans le monde, le régime sioniste doit continuer d'attirer le capital économique, humain et autre du monde entier et de préserver cette illusion de 'sécurité absolue' au sein des frontières d'Israël (c.-à-d. de la Palestine occupée).
C'est pourquoi, mu par cette stratégie, Israël a produit dans les années 1960 des dizaines d'ogives nucléaires (pendant que les pays occidentaux détournaient les yeux ou parfois même collaboraient, comme la France), afin de pouvoir parvenir (c'est en tous cas ce qu'il pensait) arriver à la suprématie absolue dans l'équilibre des pouvoirs au Moyen-Orient.
Le fait est que pour Israël, l'insécurité certes, même le sentiment même d'insécurité, sont un poison mortel. C'est pourquoi ce régime fait tout ce qu'il peut pour empêcher ce qu'il considère comme la nucléarisation de l'Iran.
Les responsables israéliens sont tout à fait conscients de ce qu'implique la détention d'armes nucléaires et de leur force de dissuasion ... Ainsi, on ne peut penser qu'un pays qui possède l'arme nucléaire s'en serve contre un autre pays (surtout si ce pays en est également détenteur).
Toutefois, la préoccupation excessive manifestée par Israël face aux activités nucléaires de l'Iran et sa propagande contre les paisibles activités iraniennes sont complètement injustifiées, sauf en ce qui concerne le point ci-dessus, c.-à-d. l'atteinte portée au sentiment de sécurité absolue au sein des frontières de ce régime."
"Un Iran doté de l'arme nucléaire signe la fin d'un Israël sûr"
"Le fait est qu'Israël sait fort bien que même si l'Iran obtient l'arme atomique, il ne s'en servira jamais autrement que pour se défendre, dans le cadre d'une offensive non conventionnelle ou nucléaire. La possession par l'Iran de telles armes sèmerait en Israël un sentiment d'insécurité, et ce seul sentiment suffirait à briser le palais de verre de ce régime illégitime au Moyen-Orient.
Un Iran doté de l'arme nucléaire signe la fin d'un Israël sûr et implique l'exode de la majorité des habitants de cette terre occupée (qui y a immigré pour bénéficier de la sécurité absolue et d'un emploi). Cet exode inclura le capital humain, financier et autre, et signera donc l'arrêt de mort de ce régime.
Ainsi, [on peut dire que] le projet islamophobe est en vérité l'oeuvre des sionistes qui cherchent à cacher leur talon d'Achille sans admettre que leur plus grande peur porte sur le palais de glace de la sécurité absolue d'Israël. Tel-Aviv emploie des expressions telles que "les préoccupations de la communauté internationale" pour cacher sa plus grande peur."


Source : site Memri.org, 23 février 2010

12 avril 2010

Iran, la course à la bombe, 4/6 : « On ne peut pas accepter un Iran nucléaire » par Fred Kaplan


L'annonce par l'Iran de progrès dans son programme d'enrichissement de l'uranium - et donc d'un rapprochement potentiel de la fabrication de la bombe A- a suscité quatre types de réaction:
1. Il faut attaquer l'Iran immédiatement, avant qu'il ne soit trop tard.
2. Il faut convaincre le monde entier d'imposer tout de suite des sanctions à l'Iran, avant qu'il ne soit trop tard.
3. Il faut dès à présent engager un dialogue diplomatique avec l'Iran, avant qu'il ne soit trop tard.
4. On se détend: une bombe atomique iranienne ne représente pas un grand danger, et pourrait même contribuer à stabiliser le Moyen-Orient.

Chacun de ces quatre arguments présente des problèmes, mais commençons par le dernier, car après tout, si en effet nous pouvons réellement arrêter de nous en faire et aimer la bombe iranienne (pour paraphraser Kubrick et Southern), le reste n'a plus d'importance.
L'exemple le plus récent de cette école de pensée est un article publié par Adam Lowther, analyste de la défense à l'Air Force Research Institute, dans le New York Times du 10 février. Lowther y avance qu'une bombe iranienne pourrait bien servir les intérêts des États-Unis: les Saoudiens et les Égyptiens nous demanderaient de les protéger et de leur promettre des représailles contre l'Iran au cas où ce dernier les attaquerait. En contrepartie, nous pourrions insister pour qu'ils mettent en place de grandes réformes économiques et démocratiques, et pour qu'ils fassent la paix avec Israël. En outre, ajoute Lowther, les Palestiniens se hâteraient également de faire la paix, puisque les retombées radioactives d'une attaque iranienne sur Jérusalem les tueraient aussi.
C'est l'un des articles d'opinion les plus cinglés qui ait jamais été publié dans un grand journal américain. Quelques mots suffisent à le réfuter: aucun président américain ne va aborder une attaque du Caire ou de Riyad sur le même plan qu'une attaque contre les États-Unis. Même si un président affirmait le contraire, aucun dirigeant égyptien ou saoudien ne le croirait. Et même s'ils le croyaient, ils estimeraient que les États-Unis le font dans leur propre intérêt; ils ne verraient pas la nécessité d'adopter ni la démocratie ni le capitalisme, ou de se rapprocher d'Israël; il est certain qu'ils n'accepteraient jamais un marché de ce type. Cet argument est trompeur de la première à la dernière ligne.

Certains, plus malins des «réalistes internationaux» comme Kenneth Waltz de l'université de Columbia et Barry Posen du MIT -avancent des arguments plus pondérés: selon eux, si l'Iran construisait des bombes atomiques, il serait possible de le dissuader de les utiliser grâce à une menace crédible de représailles par les États-Unis, Israël ou des pays arabes susceptibles de réagir en construisant leur propre arsenal nucléaire. D'aucuns estiment qu'une course aux armements au Moyen-Orient, dans ce sens, pourrait stabiliser les tensions, car chaque puissance dissuaderait les autres de tenter une agression nucléaire. Certains disent aussi que les régimes révolutionnaires ont tendance à modérer un peu leur comportement quand la bombe A entre dans le jeu. Sachant qu'en cas de guerre la surenchère est toujours possible, ils ont tout intérêt à étouffer les conflits dans l'oeuf.
Cet argument est assez valable. Sans la bombe, la Chine et l'Union Soviétique se seraient sans doute déclaré la guerre à la fin des années 1960 ; les accidents de frontières entre Allemagne de l'Est et de l'Ouest auraient pu déboucher sur des affrontements pendant la Guerre froide, et les conflits entre Inde et Pakistan auraient sans doute été encore plus intenses au cours des dernières décennies. La bombe a réellement réduit la probabilité de conflit majeur entre grandes puissances.
Cependant, elle n'en a pas éliminé la possibilité. Moscou et Washington ne sont pas passés loin de la guerre atomique par deux fois au moins. Pendant la crise de Berlin de 1961, le Pentagone avait mis au point des projets très précis de frappe nucléaire contre l'Union Soviétique. Le dernier jour de la crise des missiles de Cuba de 1962, tous les conseiller du président John F. Kennedy, civils et militaires, le pressaient d'attaquer la base soviétique (JFK et Nikita Khrouchtchev mirent un terme à la crise en passant un accord secret). Si l'U.S. Strategic Air Command avait exercé un contrôle indépendant de l'arsenal atomique pendant ces crises ou à d'autres moments de tension des années 1950 et du début des années 1960 (quand les généraux Curtis LeMay et Thomas Power commandaient le SAC), il est fort probable que des bombes auraient été larguées sur l'Union Soviétique à un moment ou un autre. Et c'est peut-être valable pour les généraux soviétiques qui auraient tout aussi bien pu bombarder les États-Unis.
Pendant la crise cubaine et celle de Berlin, les dirigeants américains et soviétiques ont eu le temps de réfléchir au problème; et le président comme le Premier secrétaire avaient le contrôle de la bombe. Cela fait plusieurs décennies que les deux camps ont entrepris des démarches coûteuses pour rendre leurs armes moins vulnérables aux attaques (en plaçant les missiles dans des silos de béton souterrains, dans des sous-marins ou des bombardiers capables de décoller très vite). Ils ont aussi mis au point des technologies -bouton rouge, codes, et pléthore de liens de commande et de contrôle- réduisant au maximum les risques de lancements accidentels ou non-autorisés. Toutes les autres nations qui se sont ensuite construit des arsenaux nucléaires (Grande-Bretagne, France, Chine, Israël, Inde et Pakistan) ont adopté le même genre de système, parfois avec l'aide des États-Unis (pour la Corée du Nord, c'est une autre histoire, mais elle n'a pas encore d'arme nucléaire utilisable).

C'est là que les arguments des réalistes prônant l'insouciance devant une bombe iranienne ne tiennent plus debout. Si les Iraniens réussissent à fabriquer des bombes atomiques, il n'est pas certain du tout en fait, il est sans doute peu probable, qu'ils instituent ce genre de dispositifs de contrôle élaborés. Vu les schismes au sein même du régime, nous ignorons qui aura -ou arrachera- le pouvoir de les utiliser (et si c'est les Gardiens de la révolution, ce sera de mauvais augure).
Et si une bombe iranienne incite d'autres puissances de la région à élaborer leur propre bombe comme force de dissuasion, cela pourra en effet «stabiliser» les tensions -en donnant à chacun un pouvoir «dissuasif»- mais il est bien plus probable que cela ne fera qu'aggraver les choses. Les autres régimes ne disposeront sans doute pas non plus de dispositif de contrôle, en tout cas pas au début. Et il y a le facteur géographique: ces pays sont très proches les uns des autres, quelques minutes de vol suffiraient à un missile nucléaire pour atteindre sa cible. En cas de crise, un dirigeant pourra lancer une première attaque pour devancer une première frappe par le dirigeant d'un autre pays. (Si les frontières russes et américaines n'étaient qu'à 150 km de distance, nous n'aurions probablement pas survécu à la Guerre froide sans un «échange nucléaire.» C'est une des raisons, d'ailleurs, pour lesquelles les missiles soviétiques à Cuba et les missiles américains en Turquie étaient un tel sujet d'angoisse).
À un autre niveau, le danger d'une bombe iranienne n'est pas que les mollahs de Téhéran se réveillent un matin et atomisent Jérusalem. Ils doivent savoir que les représailles les réduiraient à néant. La dissuasion fonctionne à ce niveau très basique, en tout cas contre tout régime qui possède un instinct de survie (et les dirigeants iraniens n'en sont pas dépourvus). Le danger, ou un des dangers, est que des armes nucléaires ne poussent leurs possesseurs à prendre des risques, surtout à commettre des agressions à un moindre niveau. Un exemple: si Saddam Hussein avait fabriqué quelques armes nucléaires avant d'envahir le Koweït en 1990, le président George H.W. Bush et son secrétaire d'État, James Baker, auraient eu bien plus de difficultés à rassembler une aussi vaste coalition - voire une coalition tout court pour le repousser. Au cours de cette guerre, Baker avait aussi déclaré que les États-Unis considéreraient une attaque chimique et biologique contre Israël comme équivalente à une attaque nucléaire contre les États-Unis, et qu'ils réagiraient en conséquence. Cette déclaration aurait semblé moins crédible si Saddam avait eu ses propres armes nucléaires pour négocier.
Cela ne signifie pas qu'un Iran nucléaire ne peut être maîtrisé; mais c'est une proposition plus risquée qui implique de passer des accords avec d'autres puissances, et des compromis avec d'autres intérêts, que nous préférerions éviter. En bref, il vaut la peine de se donner du mal pour éviter que la bombe ne tombe entre les mains des Iraniens. Mais jusqu'à quel point?

Cela nous ramène à ces trois autres propositions de réaction à la nouvelle que les Iraniens pourraient bientôt produire de l'uranium très enrichi, ce qui les mettrait sur le chemin de la fabrication des bombes atomiques.
Tout d'abord, il vaut la peine de souligner qu'ils n'en sont pas encore là, et qu'ils semblent connaître quelques problèmes techniques pour y parvenir. Deuxièmement, s'ils atteignent ce niveau - c'est-à-dire, une fois qu'ils auront enrichi leur uranium à 20%- il faudra un an ou plus pour l'enrichir à 80% ou 90%, le niveau nécessaire pour fabriquer des bombes. Troisièmement, s'ils y parviennent, transformer ce matériau en bombe, la concevoir et la miniaturiser pour la faire tenir dans un missile, c'est encore une autre histoire. Ca, c'est de la technologie des fusées.
En d'autres termes, la situation n'est pas aussi urgente que le laissent penser certains des défenseurs de chacune de ces possibilités. Nous avons du temps devant nous pour voir comment l'Iran se débrouille, non seulement d'un point de vue technologique, mais aussi politique, social et économique.

Lancer une attaque contre les équipements iraniens est une mauvaise idée, surtout sans preuve concrète que l'Iran est vraiment capable de fabriquer une bombe, et encore moins qu'il s'apprête à le faire. Une frappe aérienne ou une expédition commando ne ferait que consolider la puissance du régime (rien de tel qu'une agression étrangère pour unir la nation autour d'un régime aux abois.)
Pourtant, la perspective de discussions diplomatiques semble vaine, principalement parce qu'il n'y a personne là-bas avec qui discuter. Ou bien, quand certains représentants souhaitent s'engager, ils sont rapidement rejetés par d'autres qui y sont opposés. (C'est arrivé il y a quelques mois, quand l'Iran a annoncé qu'il envisagerait d'exporter son uranium pour le faire enrichir à l'étranger, comme l'avaient proposé les États-Unis et la Russie-avant de faire marche arrière peu après). La seule raison pour Obama de continuer à proposer de discuter (et c'est une bonne raison), est de pouvoir dire qu'il aura essayé la diplomatie si un jour les choses se gâtent.
Quant aux sanctions, elles sont délicates, particulièrement à un moment où des manifestants s'opposent à un gouvernement sur lequel nous essayons de faire pression. Les sanctions ne font pas dans la dentelle, elles punissent la population aussi brutalement que le gouvernement, alors que nous devrions plutôt chercher des moyens de creuser le fossé entre le peuple iranien et ses dirigeants. Beaucoup de pays occidentaux imposent des sanctions ciblées -par exemple l'arrêt des relations commerciales avec des entreprises entre les mains des Gardiens de la révolution. Ces mesures en valent vraiment la peine, bien qu'elles gagneraient en efficacité si la Chine pouvait être persuadée de se joindre aux autres. Étant donné l'approche mercantiliste de la Chine vis-à-vis de la politique étrangère, rien n'est moins sûr.

Un changement de régime serait une bonne chose, mais il convient de souligner quelques éléments. Tout d'abord, étant donné que nous ne pouvons pas vraiment discuter avec le gouvernement iranien pour l'instant, nous serions bien avisés de déclarer notre sympathie à l'égard des rebelles et d'exiger plus ouvertement que cessent tortures et emprisonnements.
Cependant, aider matériellement les rebelles (que ce soit ouvertement ou de façon mal dissimulée) ne fera qu'aggraver la situation, surtout en Iran, où le souvenir de 1953 -l'année où la CIA a aidé à renverser Mohammad Mossadegh et à installer le shah- reste vivace et politiquement exploitable. (Quand Condoleezza Rice, secrétaire d'État de George W. Bush, a annoncé publiquement que l'administration consacrerait 75 millions de dollars à aider les rebelles iraniens, beaucoup d'entre eux ont protesté, conscients que cela augmentait les risques d'être arrêtés en tant qu'espions de la CIA).
Enfin, même si des réformateurs démocratiques et pro-occidentaux prenaient le pouvoir en Iran, ils continueraient presque à coup sûr d'enrichir l'uranium -pas nécessairement pour fabriquer des bombes atomiques. C'est devenu une question de fierté nationale, en partie à cause des pressions extérieures.
Pour se préparer à ce jour, ou à celui où il sera possible d'entamer des négociations, nous serions bien inspirés de fixer l'objectif de ces discussions - la fin de l'enrichissement (peu probable), ou des limites strictes à cet enrichissement, afin d'empêcher les Iraniens de transformer l'uranium en arme (plus probable mais très difficile à vérifier, surtout avec un régime hostile).
La vraie frustration que suscite toute cette histoire, la raison qui pousse même des gens raisonnables à envisager d'agir de manière dangereuse ou irréfléchie, c'est qu'au final nous n'avons que très peu de contrôle sur ce qui va se passer. C'est un exemple extrême de ce que nous vivons dans une grande partie du monde depuis la fracture des pouvoirs qui a suivi la fin de la Guerre froide. Et nous n'y sommes pas encore habitués.

Fred Kaplan
Publié sur le site « slate.fr », le 22 février 2010

Fred Kaplan est chroniqueur pour la rubrique «War Stories» de Slate.
Il est l'auteur de 1959: The Year Everything Changed. Écrivez-lui à war_stories@hotmail.com.
Traduit par Bérengère Viennot

08 avril 2010

Iran, la course à la bombe, 3/6 : écoutez Bruno Tertrais sur le Web



Dernier podcast sur le sujet, et émission la plus récente : celle qui vous a permis d’entendre le 17 janvier dernier Bruno Tertrais, grand spécialiste de la question (voir présentation en lien). Une interview très « technique », car je voulais aller sur le fond de notre sujet d’inquiétude : l’Iran peut-il avoir la bombe dès 2010 ?

Comme vous l’entendrez, Bruno Tertrais a été à la fois inquiétant et rassurant. Inquiétant, en disant qu’on n’était jamais arrivé à empêcher un pays d’aller au bout de cette démarche ; en disant aussi que les Iraniens avaient des ingénieurs de qualité, les rendant par exemple particulièrement compétents dans le domaine des missiles. Mais aussi rassurant, en disant que les embargos et sabotages avaient déjà ralenti le programme ; et que l’on n’était pas sûr que la République Islamique ait pris la décision politique d’acquérir l’arme ... tandis que l’administration Obama semblait, enfin, revenue de ses illusions. Bonne écoute !




07 avril 2010

Diffusion dimanche 11 avril de la deuxième moitié de mon interview de Pierre Vermeren

Les aléas techniques peuvent bousculer la programmation, et ce fut hélas le cas dimanche 28 mars : Judaïques FM ayant connu une panne d’émetteur une bonne partie de la matinée, vous avez été privés de la fin de mon interview de Pierre Vermeren (lire ici la présentation).

Elle sera donc diffusée dimanche prochain : toutes nos excuses aux auditeurs fidèles ! 

J.C

04 avril 2010

Iran, la course à la bombe, 2/6 : écoutez François Heisbourg sur le Web


Deuxième podcast sur le sujet, mon interview de François Heisbourg, à propos de son livre « Iran, le choix des armes ? », dont on pourra lire la présentation sur ce lien. Cette émission, diffusée le 18 novembre 2007, conserve également de son actualité car cela fait des années que l’on entend des arguments spécieux contre Israël à propos de la nucléarisation de l’Iran : or mon invité avait expliqué, clairement, pourquoi ce pays ne veut pas la bombe parce que l’état juif l’a déjà ; la possession de l’arme par les Israéliens n’a jamais donné lieu à un chantage contre ses voisins, et c’est pour cela, d’ailleurs, qu’il n’y avait pas eu de prolifération dans les pays arabes ; or cela ne serait pas le cas si l’Iran devenait une puissance nucléaire !
En ce qui concerne l’hypothèse d’une frappe militaire contre la République Islamique, mon invité en avait souligné les dangers, tout en considérant qu’il fallait garder crédible la menace de l’utiliser ... bonne écoute !




02 avril 2010

Iran, la course à la bombe, 1/6 : écoutez Thérèse Delpech sur le Web


Premier podcast, celui de l’émission diffusée le 8 avril 2007 à propos du livre de Thérèse Delpech « L’Iran, la bombe et la démission des nations ».

On en lira la présentation sur ce lien (cette interview avait été diffusée deux semaines après la date prévue). Mon entretien conserve de son actualité, à propos surtout de deux éléments que l’on fait semblant de redécouvrir au fil des ans ... Le fait que la République Islamique ait clairement violé le Traité de Non Prolifération (TNP), que connaît parfaitement mon invitée, expert du gouvernement français auprès de l’AIEA ; et la nature révolutionnaire du régime, qui empêche son « intégration pacifique » dans le concert des nations.



01 avril 2010

Iran, la course à la bombe : des publications pour mieux comprendre

Sites nucléaires iraniens



Le propre de certains sites et blogs est de s’épuiser à courir après l’actualité, et donc de brasser quotidiennement des informations - reprises souvent d’ailleurs sans beaucoup de valeur ajoutée - sur des sujets différents : ainsi se trouvent mélangés l’important et l’accessoire, les articles de fond et les billets d’humeur, le micro évènement et l’information capitale ; et, soyons honnête, mon blog lui-même a du souvent céder à ce genre de travers !

Voici donc une série de publications qui apporteront un peu de recul sur LE sujet le plus angoissant de l’actualité au Moyen-Orient, cette course folle de l’Iran vers l’arme nucléaire et que rien - sauf miracle - ne semble capable de stopper : échec des tentatives occidentales de réunir une majorité au Conseil de Sécurité de l’ONU ; échec de la politique de « dialogue sans conditions » de l’administration Obama ; refus américain de lancer une opération militaire ; menaces d’Israël devenant contre-productives à force d’être brandies, l’état juif ne pouvant probablement rien faire sans l’appui de la Maison Blanche ; espoir déçu d’une vraie révolution pour renverser la République islamique, après les grandes manifestations d’il y a neuf mois déjà ... Aucune solution n’apparaît comme sans dangers, et ne rien faire risque aussi de créer des bouleversements insupportables - pour Israël, mais aussi pour l’Europe et, au-delà, pour ce qu’on n’ose plus appeler "le Monde libre" !

Essayer de comprendre, c’est d’abord savoir lire une carte des installations nucléaires iraniennes, comme celle-ci en illustration et que j’ai trouvée au moins précise - car combien d’approximations passent-elles sur les ondes, y compris hélas sur certaines radios de la fréquence juive ! C’est ainsi que j’ai entendu dernièrement parler du réacteur de Bouchehr - purement civil, destiné à produire de l’électricité et devant être livré prochainement par les Russes - comme d’une cible possible pour des bombardements ; tandis que le site de Natanz - où les Iraniens ont déjà enrichi près de 2 tonnes d'uranium à 2,5 % - est appelé souvent "réacteur" ; on écrit aussi qu’ils ont "commencé à enrichir de l’uranium" alors qu’il s’agit maintenant de passer, à partir du matériau déjà enrichi, à un taux de matière fissile à plus de 20 %, bref à une production uniquement à vocation militaire ... autant de rigueur qu’il faut conserver pour bien suivre le fil des évènements !

Cette rigueur, j’ai essayé de l’avoir en interviewant, successivement, sans doutes les trois meilleurs experts du sujet : Thérèse Delpech, directrice des affaires stratégiques au Commissariat à l’Energie Atomique ; François Heisbourg, qui présida "l’International Institute for Strategic Studies" de Londres ; et Bruno Tertrais, qui est directeur de recherche à la " Fondation pour la Recherche Stratégique" : trois émissions dont les podcasts étaient déjà disponibles, mais que je mettrai directement en lien sur le blog, avec rappels de présentation. En les écoutant ou en les réécoutant, je suis sûr que vous aurez déjà une vue plus claire sur le sujet !

Ensuite, j’ai sélectionné deux articles bien différents, et qui apportent je pense deux éclairages bien inquiétants.
L’un a été publié par l’excellent site d’information "slate.fr"; voici déjà la conclusion, qui illustre parfaitement ce que j’écrivais plus haut :
"La vraie frustration que suscite toute cette histoire, la raison qui pousse même des gens raisonnables à envisager d'agir de manière dangereuse ou irréfléchie, c'est qu'au final nous n'avons que très peu de contrôle sur ce qui va se passer. C'est un exemple extrême de ce que nous vivons dans une grande partie du monde depuis la fracture des pouvoirs qui a suivi la fin de la Guerre froide. Et nous n'y sommes pas encore habitués."
Le deuxième article, lui, provient ... de la presse iranienne ! Et il démontrerait que, dans l’esprit des dirigeants de la République Islamique, la notion "d’équilibre de la terreur" n’existe pas : si l’arme atomique finit par être entre leurs mains, alors "ce serait l’arrêt de mort d’Israël".

Mais je publierai aussi - plusieurs analyses contradictoires étant nécessaires pour se forger une opinion - un article tout à fait original, qui se projette dans l'hypothèse d'un Iran puissance nucléaire, avec à la clé une géopolitique bouleversée ... et pas forcément néfaste pour l'état juif !

En attendant ces articles et ces podcasts, je vous invite :
- à « "surfer" sur les différents articles avec le tag "Iran" en libellé - et il y en a quelques dizaines depuis 2005 ;
- à lire cet article inquiétant, publié sur le site "objectif-info", qui envisage carrément la pire des hypothèses, celle d'une administration américaine ayant déjà accepté que la République Islamique devienne une puissance nucléaire ;
- et à consulter sur ce lien l’excellente synthèse publiée sur le site du journal "l’Express" à propos du nucléaire iranien.