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10 mai 2010

La sale guerre entre Palestiniens, par Khaled Abou Toameh


Quelques mots de présentation pour cet article ...
D’abord l’auteur, Khaled Abou Toameh, est un reporter de talent. Arabe israélien, il fait des reportages pour le quotidien « Jérusalem Post ». Cet article a été publié par le « Hudson Institute », « Think tank » américain de tendance « néoconservative ». Ensuite le traducteur est notre ami Albert Soued, déjà deux fois mon invité à la radio et qui fait un travail de veille remarquable pour tout ce qui concerne l’actualité d’Israël et du Proche-Orient, privilégiant les analyses de fond aux commentaires sur l’actualité immédiate.
Bonne lecture !

Si Israël ne servait pas de tampon entre Gaza et la Cisjordanie, le Hamas et le Fatah se seraient entretués par bombes-suicide et missiles. Et probablement chaque partie serait en train de précipiter des 15ème & 16ème étages de grands immeubles les partisans de l'autre partie, si Israël n'avait pas aidé les membres du Fatah et leurs familles à s'enfuir de Gaza, lors de l'été 2007.
Ce n'est pas un conflit qui apportera la démocratie et une bonne administration aux Palestiniens, car il s'agit d'une lutte de pouvoir, à qui s'emparera des prérogatives et de l'argent reçu de l'étranger. De plus, ce n'est pas une lutte entre "les bons et les mauvais gars", mais une lutte "entre mauvais gars".
Les dirigeants du Fatah haïssent ceux du Hamas à un point tel qu'ils sont même prêts à s'allier avec l'"ennemi" Israël, pour atteindre leur but, renverser le régime du Hamas.
Lors de la dernière intervention israélienne "Plomb durci" dans la bande de Gaza, l'an dernier, les officiels du Fatah ont communiqué à Israël des informations utiles qui lui a permis d'éliminer nombre d'opérationnels du Hamas.
Les Palestiniens ne doivent pas s'attendre à ce qu'un dirigeant Israélien leur offre un pays sur un plateau d'argent. Un peuple gagne sa patrie en restant uni et en installant une administration efficace et viable, des institutions sérieuses et une infrastructure solide. Et bien entendu dans une démocratie ayant une bonne économie.

La seule guerre qui permettrait de progresser vers la paix est celle qui mènerait les Palestiniens d'abord à s'unir. A quoi sert-il à Israël de signer un accord avec Mahmoud Abbas ou Salam Fayyad, alors que tout le monde sait que les 2 hommes n'ont aucun contrôle sur Gaza ? Et qui dit qu'Abbas ou Fayyad - perçus par nombre de Palestiniens comme des fantoches entre les mains des Américains et des Israéliens - pourra vendre un accord de paix avec Israël aux Arabes et aux Musulmans ?
Alors que le Fatah cherche l'appui des Américains, des Européens et d'Israël pour se débarrasser du Hamas, le mouvement islamique compte sur l'Iran, la Syrie et sur le Qatar pour miner et discréditer ses rivaux de Cisjordanie.

La lutte pour le pouvoir a commencé aussitôt après que la Hamas soit arrivé au gouvernement en janvier 2006. Appuyé par les Etats-Unis et par certains pays européens, le Fatah - qui n'a jamais avalé sa défaite humiliante aux élections - avait fixé comme objectif de renverser le régime du Hamas. Au lieu de tirer les bonnes conclusions de sa défaite et de mettre en ordre ses "affaires", le Fatah a choisi de faire le maximum pour revenir au pouvoir par tous les moyens. Mais tous ses efforts pour torpiller le Hamas ont échoué, provoquant même une mini-guerre civile qui entraîna la chute de l'Autorité Palestinienne à Gaza.
Quand la guerre prit fin sans le renversement du Hamas, un grand nombre de dirigeants du Fatah ont exprimé leur déception qu'"Israël n'ait pas fini le boulot".

La plus grande erreur que les Occidentaux aient faite, c'est de permettre au Hamas de participer aux élections sans conditions. Ils auraient dû lui imposer 3 conditions pour sa participation: renoncer à la violence, reconnaître Israël et honorer les accords passés, signés avec cet état. La communauté internationale s'est enfin réveillée et a imposé ces conditions, mais c'était trop tard, le régime islamique avait déjà gagné dans des élections "libres et démocratiques", supervisées même par Jimmy Carter, ex- président américain.
Aujourd'hui les 2 rivaux, en guerre depuis les élections de 2006, sont déterminés à poursuivre leur combat jusqu'au dernier Palestinien.

La sale guerre a déjà tué 2000 Palestiniens, la plupart d'innocents civils, alors que des milliers d'autres sont blessés ou handicapés. Dans la bande de Gaza, depuis 3 ans, le Hamas a tué ou emprisonné tous les partisans loyaux du Fatah. Les organisations des droits de l'homme sont inquiètes du fait que le Hamas a annoncé qu'il exécuterait tous les collaborateurs, et la plupart sont des hommes du Fatah (1).
En Cisjordanie, des centaines de membres du Hamas et de ses partisans sont en prison, sans procès. Des dizaines d'oeuvres sociales ou de charité du Hamas ont fermé leurs portes. Des milliers de fonctionnaires suspects de sympathie pour le Hamas ont été licenciés. Dans cette guerre, les deux parties utilisent des armes diverses, la guerre ne se limitant pas au terrain, mais s'étendant aux médias. Les 2 parties ont créé nombre de sites web dédiés à leur cause et à l'attaque de l'autre.

Il est difficile de voir comment "le processus de la paix" pourrait progresser alors que les Palestiniens sont occupés à se battre entre eux. Le fossé qui les sépare est si large qu'ils ne parviennent même pas à s'entendre sur les jours de repos hebdomadaire. La semaine dernière des centaines de milliers de Gazaouis sont restés sans lumière pendant plusieurs jours, l'Autorité Palestinienne refusant de payer la note de fuel à la compagnie qui fournit l'électricité.

Cette querelle est une affaire intérieure aux Palestiniens et devrait être résolue par eux et non par d'autres, qu'ils soient Saoudiens ou Américains. Les ingérences extérieures dans les affaires Palestiniennes ne peut qu'exacerber la crise.

Khaled Abou Toameh
The Hudson Institute 13/04/10
Traduit par Albert Soued,
http://soued.chez.com/ pour http://www.nuitdorient.com/

Note du traducteur
(1) le figaro du 15 avril 2010 : Le Hamas exécute deux hommes accusés de collaboration avec Israël
Note de Jean Corcos
L'actualité donne un relief particulier à cet article : des négociations de paix indirectes vont démarrer entre Israel et l'Autorité Palestinienne, négociations bien entendu dénoncées par le Hamas. Et, il y a quelques jours, Mahmoud Abbas vient de dénoncer les importations d'armes du mouvement islamiste en Cisjordanie ... le conflit inter-plaestinien est donc loin d'etre terminé !