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27 janvier 2011

"Débenaliser le système : était-ce un rêve ou une réalité ?" 3/3 par Chaimae Bouazzaoui


Internet en colère

Le ridicule ne tue pas, Moez Souabni  président de l’ATIM (Association tunisienne de l’internet et multimédia) a affirmé sur les ondes de Radio Express, il n y a pas longtemps, que la question du "404 not found" est un faux débat. Personne n’est dupe aujourd’hui sur le problème de la censure d’Internet, ceci est connu de tout le monde en Tunisie, alors qu’il ne l'a évoqué à aucun moment, il a même dit que la compagne contre « ammar 404 » n’a pas à avoir lieu. Suite à sa performance au micro de "Express FM", une avalanche de commentaires a été déclenchée , exprimant "dégout", "mépris" et "indignation" à propos ce "respectable" Monsieur Moez Souabni qui a enchainé des déclarations telles que « le 404 est un vrai faux problème » ; il a même trouvé l’audace et le cynisme de déclarer que seuls les USA étaient capables de faire la censure, alors qu’on ferme le robinet même depuis la Tunisie !!!
Malgré la censure qu’a connue le monde virtuel, les internautes tunisiens et étrangers, audacieux et curieux, n’ont pas cessé de faire des recherches sur le net pour découvrir des vérités que certains médias ont plutôt cachées.
Les chiffres sautent aux yeux : 1000% est le chiffre qu’avance l’outil Google "Insight For Search" concernant l’ensemble des recherches relatives au mot clé "Sidi Bouzid". Le Web est alimenté quotidiennement par les portables munis des caméras des internautes de la Tunisie et d’ailleurs, qui s’improvisent journalistes reporters d’images. Ce chiffre dont 400 % pour le mot clé "Sidi Bouzid", 300% pour "Sidi Bouzid Tunisie » et 300% pour le terme سيدي بوزيد (Sidi Bouzid écrit en arabe) montre clairement que Tunisiens et Tunisiennes sont intéressés par leur patrie.
Or, quant à Facebook, dans ces moments-là de crise, on a constaté de nombreux cas de piratage et hameçonnage sur Facebook, faits non seulement par des hackers mais aussi par la censure. Cela n’a pas empêché Facebook d’accomplir sa mission comme il faut. Un compte est piraté, des dizaines de retrouvés.
Aussi son avènement a servi à mal le contrôle de l’information en Tunisie et ailleurs et offert même l’opportunité à Ben Ali d’être le premier Président chassé  par ce réseau social.

Avocats en perspective

Si Louis XII savait que la roue tourne et que l’avocat serait humilié un jour, il n’aurait pas dit "si je n’étais pas le Roi de la France, j’aurai aimé être avocat", mais s’il avait assisté à la mobilisation de solidarité des avocats tunisiens au palais de justice, il aurait redit sa phrase et dit "chapeau" depuis sa tombe.
En Tunisie, il y a environ 8 000 avocats, dont plusieurs ont été violentés et emprisonnés. Dans ce cadre, le professeur Chokri Belaid, a affirmé, lors de sa rencontre avec le journal international "Al Hodhod" que les avocats tunisiens rencontrent des problèmes qu’aucun avocat dans les quatre points cardinaux du monde n’a rencontrés, sauf en Pakistan. Il a ajouté que les membres du RCD se sont réunis et ont invité tous les avocats membres à déjouer la grève. Or, grand nombre d’avocats ont fait grève, à l’appel du conseil de l’ordre, le 6 janvier, pour protester contre les traitements exécrables dont ils étaient l’objet de la part de la police, au moment où d’autres sont restés chez eux et faisant partie, bien évidemment, du parti. Ce professeur a été arrêté le 28 du mois dernier suite à sa participation aux premières manifestations pour soutenir les habitants de Sidi Bouzid.
Dans ce contexte, le Docteur Haytham Manaa, porte parole de la commission arabe des droits de l’Homme, a souligné, avant le départ de Ben Ali, que la Tunisie ne serait plus celle d’hier. Il a affirmé que le Président déchu a voulu être le Bourguiba de 1984 (soit l’Intifada du pain). Or, il a totalement échoué.

Flash back sur les faits : le début de la fin

Le jeune homme Mohammed Bouzizi s’était fait confisquer sa marchandise de fruits et de légumes à Sidi Bouzid (265 km au sud de Tunis), une région rurale enclavée, et s’est immolé alors par le feu. Ce fut une manière de protester contre la violence dont il a été objet de la part de la policière qui l’a giflé agressivement. 5 000 personnes ont assisté aux funérailles de ce jeune homme qui a connu sa fin tragique mardi 3 janvier.
C’est là que l’histoire a commencé, les jeunes dénonçaient la pénurie d’emplois, les familles dénonçaient la pauvreté, et tout le peuple s’est tenu prêt à lutter contre la dictature, un défi auquel Tunisiens et Tunisiennes devaient faire face à tout prix. Le réveil tunisien a frappé à la porte du destin, les étudiants de l’Institut de presse et des sciences de l’information, à l’instar des étudiants des autres institutions d’enseignement, ont interagi avec l’évènement, et ce, lors de la reprise des études, le 3ème jour de ce mois. Passer les examens finals, juste après les vacances d’hiver, est un rituel dans la plupart des universités, instituts et écoles supérieures. Cependant cette coïncidence avec  l’actualité brulante en ces jours-ci n’a pas empêché les étudiants de l’Institut de presse et des sciences de l’information d’exprimer leur soutien à Mohammed Bouazizi et de condamner l’insensibilité de certains médias vis-à-vis ce jeune homme qui s’est immolé par le feu. Ils se sont organisés, par ailleurs, et formé par un groupe d’étudiants de différents niveaux, l’expression : « information libre » (en arabe).
Les émeutes ont éclaté un peu partout dans la République tunisienne. D’abord dans les villes déshéritées du centre du pays, au sud pour englober les villes côtières et la capitale. Le Président a promis qu’il ne se présenterait pas en 2014 aux élections. No way : "Game over".
La leçon cardinale se cristallise autour d’une logique inévitable : quand un régime s’enferme sur lui-même et devient outrancièrement méprisant à l’égard des critiques qui lui sont adressées, quand il se coupe, surtout, des réalités nationales profondes et se jette dans des utopies, la rue finit toujours par prendre le dessus et le pouvoir est fragilisé…  
Excédée par 23 ans de dictature, la rue s’est soulevée pour faire face et finir par chasser le « respectable » Monsieur Ben Ali le 14 janvier 2011, une date que personne dans le monde arabe, au moins, ne doit oublier. Chapeau Monsieur le Peuple tunisien ! Bien joué !
Mais il reste encore, pour une panoplie multifactorielle, à faire...
Affaire à suivre

Chaimae Bouazzaoui
Tunis