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14 décembre 2009

Joyeux Hanouka, bonnes fêtes de fin d’année et … rendez-vous le 1er janvier !

Voici venu, chers lecteurs, le moment de prendre une nouvelle pause prolongée : des obligations personnelles, un petit voyage, mais aussi la nécessité de reprendre un peu mon souffle après un rythme fort soutenu ces derniers mois.

Le lectorat de ce blog est très divers, et bien que son « zoom » soit porté sur l’islam, on ne peut pas dire que les articles publiés soient centrés sur la religion, musulmane ou autre ... Ainsi, ai-je négligé la semaine dernière d’évoquer la fête de Hanouka, qui a débuté ce vendredi soir et qui dure huit jours : pour les lecteurs non juifs et curieux, se reporter sur le mot en libellé ci-dessous pour quelques explications ! Mais Hanouka, appelé aussi « la fête des lumières », tombe toujours en décembre et évoque d’autres lumières, celles-là de la fête de Noël puis du réveillon de la Saint Sylvestre - c’est donc un plaisir de présenter tous mes vœux à mes lecteurs juifs comme chrétiens : joyeuses fêtes à tous !

Quelques informations, également, en ce qui concerne mon émission. La période des fêtes de fin d’année voit traditionnellement une rediffusion, vous pourrez donc réentendre - ou entendre pour ceux qui l’auraient ratée - ma dernière interview de Mohamed Sifaoui, diffusée le 18 octobre (voir présentation sur ce lien). Ensuite, et comme « Rencontre » passe sur Judaïques FM les dimanches des semaines paires, la première émission de 2010 sera diffusée le 17 janvier : il s’agira d’une interview cette fois directement liée à l’actualité brûlante ... mais je vous en dirai plus d’ici là.
Sinon, le blog se met donc en sommeil, mais reprendra ses publications avant : le 1er janvier, normalement, pour accueillir ensemble la nouvelle année civile.

Bonnes fêtes amis lecteurs, et à bientôt !

J.C

13 décembre 2009

Minarets : l'Europe doit changer son regard sur l'islam, par Gilles Bernheim, Grand Rabbin de France

Le Grand Rabbin Gilles Bernheim

Toute décision qui aboutit à donner moins de droits aux fidèles d'une religion qu'aux fidèles d'une autre religion est une décision injuste. Ceci vaut en Suisse comme dans le reste du monde. Je suis contre l'interdiction de construire des minarets, qui a été votée en Suisse.
Quand on affirme un tel principe, il est nécessaire d'en poser le cadre. Loin de moi l'idée d'une surenchère de revendications particulières prenant pour seul argument le fait que la religion d'en face a plus ou mieux. Mon cadre est celui de la République, de la laïcité et de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui prévoit, dans le même article, «la liberté de pensée, de conscience et de religion».
Chaque pays a une histoire religieuse. Vouloir balayer cet héritage serait un non-sens. En France, il y aura toujours davantage d'églises que de mosquées, synagogues et pagodes réunies. Ce qui est problématique dans la question posée aux Suisses, c'est la discrimination qu'elle instaure en autorisant la construction de clochers et de hauts édifices par les autres religions que l'islam. Jadis il est arrivé qu'on interdise aux juifs de construire des synagogues plus hautes que l'église : c'était défendre le principe d'une religion dominante, ce n'était pas déclarer l'autre religion indésirable.
Aujourd'hui, certains s'interrogent sur la conformité de la question posée avec des engagements internationaux signés par la Suisse. Mais si la question est viciée, alors pourquoi l'avoir posée ? La démocratie est-elle si mal en point que son paroxysme - l'initiative ou référendum populaire - puisse ainsi se tourner contre elle, sans quelqu'un pour bloquer la mécanique infernale ? L'affaire des minarets suisses a commencé en 2006, l'initiative populaire a été lancée en mai 2007 et les 100 000 signatures requises ont été déposées en juillet 2008.
Le «refus du minaret » demande à être analysé. Ce sera fait. On peut déjà envisager quatre motifs. D'abord une défense de l'identité chrétienne qui se trompe de méthode : remplir les églises serait plus utile que de réduire la visibilité des mosquées. Motif contraire, un refus du religieux : on ne craint plus l'église, bien discrète, on ne craint pas la synagogue, qui ne s'adresse qu'à son petit groupe. On craint la mosquée, réputée fervente et recruteuse.C'est le vieux «défense à Dieu d'entrer» que Victor Hugo attribue à Caïn après le meurtre de son frère, qui avait le premier rendu un culte. Motif plus obscur, sans doute plus fort : un vieux peuple qui n'a plus guère d'enfants se voit concurrencé sur sa terre par des nouveaux venus plus féconds. La crainte, enfin, d'une violence islamique à laquelle on fournit pourtant, par ce genre d'attitudes, des armes nouvelles.
Certains condamnent les résultats du vote et la majorité des Suisses qui auraient mal voté. Je pense, au contraire, que l'opinion des Suisses doit être entendue même si, encore une fois, je suis en désaccord avec elle. Nous, autorités de toutes religions, mais aussi les pouvoirs publics et les journalistes avons failli à notre mission de dialogue, de lutte contre les préjugés et de construction d'un avenir commun.
Il serait déplacé de dresser ici la liste des actions menées en France pour le dialogue. De toute façon, on ne dialogue jamais assez et on ne va jamais assez au devant de l'autre. Mais encore faut-il que l'autre ouvre sa porte et qu'il souscrive au cadre républicain. Et aussi que le curé, l'imam ou le rabbin soit le bienvenu dans les lieux de culte qui ne sont pas les siens. Soyons honnêtes et lucides, de grands progrès sont ici à accomplir.
D'autres, encore, ont agité le spectre d'un retour de bâton qui pourrait venir des pays où l'islam est majoritaire ou religion d'État. Les scènes de rue et les débordements de violence qui ont suivi la publication de caricatures par un magazine danois, sont désormais ancrés dans un inconscient collectif. Si elle devenait réalité, la menace d'un retour de bâton ne ferait que renforcer les convictions des Suisses qui ont voté pour l'interdiction. Et elle aurait le même caractère injuste que le vote suisse.
Depuis dimanche, les sondages se multiplient sur Internet, en France et dans les autres pays. Même si l'instrument est imparfait, l'approbation du vote suisse y est majoritaire. Et parmi les minoritaires qui désapprouvent le vote suisse, il en est toujours qui ajoutent dans la même phrase qu'ils ne sont pas, pour autant, favorables à la construction de minarets.
Aujourd'hui, il nous faut agir afin que les Européens - et pas seulement les Suisses - changent d'opinion sur l'islam. Cette obligation vaut pour les responsables de toutes les religions. Elle nécessite dialogue et ouverture. Une partie de l'action est à mener ici en Europe. Une autre partie est du ressort des pays musulmans. Il serait illusoire d'espérer ici des résultats massifs, sans changement visible là-bas.

Grand Rabbin Gilles Bernheim,
« Le Figaro », 2 décembre 2009

11 décembre 2009

MOSAIC, une nouvelle Fédération musulmane à suivre

Introduction :
Je publie, avec un peu de retard, un communiqué de presse annonçant le premier colloque de MOSAIC, la « Fédération Nationale Laïque des Citoyens de Sensibilité Musulmane ». « Sensibilité musulmane », tout est (presque) dit dans cette appellation, dans la mesure où elle regroupe des citoyens d’abord français, et qui voient dans leur religion d’origine soit une foi personnelle, soit une culture s’ils ne sont pas croyants, mais certainement pas un programme politique, comme le voudraient les Tariq Ramadan et autres agitateurs ...
Sans surprise, j’ai retrouvé parmi les intellectuels ayant soutenu cette initiative et devant participer au colloque de Nice, plusieurs anciens invités de mon émission : Mohamed Abdi ; Ghaleb Bencheikh ; Dalil Boubakeur ; Dounia Bouzar ; Mezri Haddad ; Rachid Kaci. Sans surprise, aussi, la Fédération MOSAIC et le CRIF ont déjà pris contact, et on peut espérer que cela permettra d’établir une nouvelle « passerelle » entre Juifs et Musulmans dans notre pays !

J.C

Paris, le 9 octobre 2009

COMMUNIQUE DE PRESSE

Née le 1er juin 2009 après deux ans et demi de gestation, MOSAÏC, la Fédération Nationale Laïque des Citoyens de Sensibilité Musulmane organise le 31 octobre prochain de 8h30 à 18h son premier grand colloque National sur le thème:«Citoyenneté et Français de sensibilité musulmane: Ensemble, changeons la donne !»« 15 intervenants feront un état des lieux concernant la situation de ces 6 millions de citoyens français. Nous débattrons également des meilleures pistes d'actions, de nouvelles idées et de notre méthodologie pour faire évoluer les mentalités, le quotidien et le Mieux Vivre ensemble dans la République. » indique le Dr Marouane Bouloudhnine, Président National de Mosaïc .

Parmi les femmes et hommes d'actions ayant répondu favorablement à cette initiative, on note la présence de Abdel Aïssou, Président du Conseil national des entreprises pour la banlieue et Directeur Général délégué de Randstad, Mohamed Abdi, Conseiller spécial de Fadéla Amara, secrétaire d'Etat chargée de la Politique de la ville, Michel Auboin, Directeur de la Direction de l'Accueil, de l'Intégration et de la Citoyenneté, Ghaleb Bencheikh, Président de la Conférence mondiale des religions pour la paix, Emmanuel Bertin, Responsable de l'Agence nationale pour la Cohésion Sociale et l'Égalité des chances, Dalil Boubakeur, Recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dounia Bouzar, Anthropologue du fait religieux, Fayçal Douhane, Directeur Général Adjoint de l'Association des Maires d'Ile de France, Mezri Haddad, Ecrivain et philosophe, Rachid Kaci, Sous Préfet, Bariza Khiari, Sénatrice, Fadila Méhal, Présidente des Marianne de la diversité, Eric de Montgolfier, Procureur de la République, et Aziz Senni, Président Fondateur du fond d'investissement Business Angel des Cités.Placé sous le haut patronage de Christian Estrosi, Ministre chargé de l'industrie, Maire de Nice et Président de Nice Côte d'Azur, ce premier colloque doit servir de « think-tank » pour Mosaïc et les membres de ses 23 bureaux régionaux. Il permettra notamment de définir ses actions prioritaires futures.

« Laïque, culturelle et apolitique, Mosaïc oeuvre dans un esprit démocratique, d'ouverture et de tolérance, pour une démocratie apaisée. Nous ne souhaitons plus voir notre image bafouée. Les actions de Mosaïc, locales ou nationales, sont avant tout centrées sur la promotion de la citoyenneté, le respect des valeurs républicaines, l'image des citoyens de sensibilité musulmane, et l'égalité des chances quant à l'accès à l'emploi, à l'éducation, la formation et l'emploi. » explique encore Fouzi Bettache, Secrétaire Général National de Mosaïc.

Ce Colloque, l'une des premières actions menées au niveau national par Mosaïc, est gratuit et ouvert à tous. Il se tiendra au Centre Universitaire Méditerranéen de Nice (65 promenade des Anglais)

La presse et les leaders d'opinion français pressentent unanimement que la naissance et le développement de Mosaïc signe le point de départ d'une nouvelle façon de parler des citoyens de sensibilité musulmane, qu'ils soient originaires d'Afrique, du Moyen-Orient, du Maghreb, de Turquie, d'Europe ou d'ailleurs, comme en attestent les nombreuses retombées médiatiques obtenues depuis juin.

Le site internet de Mosaïc ( http://www.federationmosaic.com/ ) donne plus de détails sur la fédération elle même, et sur ce colloque en particulier, et notamment sur les horaires des 4 tables rondes organisées le 31 octobre.

Direction de la Communication
Mosaïcpresse@federationmosaic.com

09 décembre 2009

Minarets en Suisse : respecter l'architecture locale !

Dessin de Dilem

Le sourire du mois
- décembre 2009

Merci à mon amie Sylvie R. pour m'avoir signalé ce dessin du talentueux chroniqueur algérien Dilem ... des minarets tout à fait suisses, il suffisait d'y penser !

J.C

07 décembre 2009

Au nom de la fraternité arabe : comment les Algériens ont fui l’Egypte

Joueur algérien après son agression en Égypte

Introduction :
Je publie avec un peu de retard cet article envoyé par mon ami de Tunis, Souhail Ftouh, après les incidents très violents entre Egyptiens et Algériens, au moment du premier tour de qualification pour le « Mondial » de football 2010. On se souvient, en effet, que l’équipe d’Algérie et ses supporters avait été agressés à coups de pierres lors de leur déplacement au Caire. La défait algérienne, le samedi 14 novembre, avait ensuite donné lieu à des manifestations violentes et à des destructions dans notre pays, surtout à Marseille, avant que le sort ne bascule à nouveau avec une victoire algérienne au Soudan - ce qui allait inspirer, à nouveau, à des manifestations de rue et des embouteillages monstres de supporters dans les villes françaises : manifestations avec drapeaux algériens que je trouve bien maladroites à l’heure où « l’identité nationale » fait débat, mais c’est un autre sujet ... Ne pensons ici qu’à l’hypocrisie de la « fraternité arabe », courageusement dénoncée par l’auteur de l’article !
J.C

Une centaine d’étudiants algériens résidant en Égypte ont décidé de fuir, traumatisés par les vexations et les menaces dont ils font l’objet depuis la qualification, au détriment de la sélection égyptienne, de l’Algérie pour la prochaine Coupe du Monde de football, rapporte le quotidien algérien El-Watan. Le 12 novembre, les supporters locaux avaient accueilli avec des pierres les joueurs de l’équipe d’Algérie venue disputer un match décisif au Caire. Une rencontre supplémentaire, organisée au Soudan, a finalement vu les « Fennecs » se qualifier.
Depuis, les Algériens installés en Égypte en subissent les conséquences. Selon le journal, des ressortissants algériens ont également été humiliés au moment de leur départ à l’aéroport. Certains racontent avoir subi deux séances de fouille corporelle d’affilée avant de pouvoir monter dans l’avion. Déshabillées et laissées nues pendant plusieurs minutes, des femmes auraient été « tripotées » par des policiers égyptiens. Et le personnel de l’aéroport aurait refusé d’acheminer les bagages des passagers algériens jusqu’à l’appareil, en les obligeant à les porter eux-mêmes sur le tarmac.

Néanmoins, une centaine d’étudiants qui se trouvaient en Égypte sont arrivés lundi à l’aéroport Houari Boumediene, à bord d’un vol de la compagnie nationale Air Algérie, à 21 heures. Les familles des étudiants ont fait le déplacement à l’aéroport pour accueillir leurs proches. Des femmes ont lancé des «youyous» en voyant leurs enfants sains et saufs. Les étudiants étaient encore sous le choc de ce qu’ils venaient de vivre en terre égyptienne.
Ils en avaient gros sur le cœur, depuis le fameux match Égypte - Algérie du 14 novembre dernier. Aïcha et Malika, deux étudiantes à l’institut d’études arabes et de la recherche du Caire, racontent leur calvaire et celui vécu par tous les étudiants qui sont actuellement en Égypte :
«Les étudiants algériens sont interdits d’accéder aux universités égyptiennes», témoigne Aïcha, en ajoutant que des chercheurs algériens en stage en Égypte ont été pourchassés par les responsables des instituts et des universités. Malika raconte que même les propriétaires de logements loués n’ont pas hésité à se joindre à l’hystérie collective en Égypte, en procédant à l’expulsion de leurs clients algériens sans aucun remboursement. «Même les commerçants refusent de vendre quoi que ce soit aux Algériens », relate encore Malika, en soulignant que ce sont des étudiants palestiniens qui ont volé au secours des étudiants algériens, notamment pour les achats ou pour les déplacements. «Ce sont nos amis palestiniens qui nous ont assuré le déplacement du lieu Maâdene jusqu’à l’aéroport». Selon certains témoignages, les étudiants algériens changent de quartier et se faisant passer pour des Tunisiens, Marocains, Palestiniens pour ne pas être agressés. B.Zerzour, un autre étudiant, a affirmé qu’il a été contraint de fuir l’Égypte en raison des pressions. Pourtant, dit-il, «je devais soutenir mon mémoire juste après l’Aïd El-Adha».
Ne supportant plus les comportements de certains Égyptiens et les humiliations, un maître assistant de l’université Ahmed Khider de Biskra, de retour à Alger, a juré de ne plus remettre les pieds en Égypte. «Si on déplace La Mecque en Égypte, je n’accomplirai pas le Hadj», a-t-il indiqué en affirmant qu’il a été jusqu’à parler le dialecte égyptien de la rue Abdine jusqu’à l’aéroport pour sauver sa peau. Une étudiante résidant au Caire a affirmé avoir reçu des appels anonymes, avec menaces de mort et injures contre sa personne et contre l’Algérie, et ce avant le match du samedi 14 novembre. Les différents témoignages recueillis auprès des étudiants font état de harcèlement moral, d’escroquerie et d’humiliations de chercheurs algériens par des responsables des universités égyptiennes.

Le comble, selon nos interlocuteurs, est que les services de sécurité égyptiens se contentaient de les recenser seulement en affirmant qu’ils maîtrisaient le situation. Pour ce qui est des agressions physiques, les étudiants rencontrés, avant-hier, ont affirmé que certains ont été agressés à El Djiza, à El Maali, mais sans gravité. Ils ont affirmé que les cas les plus graves sont ceux de deux étudiants agressés à l’arme blanche par des Égyptiens au Caire. «Ces derniers sont pris en charge par notre ambassade en Égypte», ont-ils affirmé.

Les étudiants ayant fui l’Égypte sont porteurs d’un message, plutôt d’un appel aux autorités algériennes pour aider des étudiants sans ressources à rentrer au pays. «Une quarantaine d’étudiants sont coincés au Caire et en Alexandrie », témoigne une étudiante. Elle explique que certains étudiants n’ont pas les moyens de se payer un billet pour le moment vu que leur bourse est bloquée pour des procédures de routine. Elle ajoute que ces étudiants sont dans l’incapacité de se rendre jusqu’à l’ambassade par peur d’être attaqués. Nos interlocuteurs ont également fait état d’étudiants coincés à El Maali. «Ils sont à 9 et 10 dans des appartement loués, après avoir été chassés par certains propriétaires qui leur avaient loué des appartements. Et avec la peur d’être encore une fois expulsés», relatent des étudiants encore sous le choc. Et d’affirmer que les étudiants qui sont encore coincés en Égypte demandent l’intervention des autorités algériennes pour qu’ils rentrent au pays.

Humiliations à l’aéroport du Caire

Les étudiants arrivés avant-hier ont affirmé par ailleurs avoir été humiliés par des agents de sécurité de l’aéroport du Caire : «On a été fouillées, nous et nos bagages à deux reprises», ont affirmé Aïcha et Malika en ajoutant que «des agents ont pris nos parfums, déodorants, dentifrices et même nos brosses à dents».
Une mère de famille ayant accompagné son mari en stage de deux ans a affirmé que des agents de l’aéroport ont vidé le sac à dos, contenant du chocolat de sa petite fille en la laissant hurler devant tout le monde, sous prétexte que c’est du chocolat produit en Égypte ! Une étudiante a témoigné qu’un magasin d’artisanat au sein de l’aéroport a affiché une pancarte sur laquelle est écrit: «les Algériens sont interdits d’entrer au magasin». Un entrepreneur syrien arrivant du Caire à Alger, a connu le même sort que les Algériens. «Ils m’ont demandé que vas-tu faire dans ce pays de chiens ? J’ai répondu que l’Algérie est le pays d’un million et demi de chahids». Il poursuit: «Ils m’ont traité comme les étudiants algériens en me fouillant. Ils ont même jeté mes bagages et ils m’ont piqué les objets qui étaient dans ma trousse de toilette». Étonné, il poursuit, «ils ont même pris mon dentifrice !». Le Syrien a affirmé que «une fois qu’on a franchi les postes de contrôle, nous avons tous répété « Tahya El Djazaïr».

Cette chasse aux Algériens n’a pas épargné aussi un joueur d’origine algérienne (pourtant lié par un contrat avec un club égyptien), qui a quitté l’Égypte sous des menaces de morts
Finalement, le Ahly du Caire a consenti à laisser partir son jeune joueur d’origine algérienne, Amir Saâyoud. En effet, la section football du club égyptien, qui s’est réunie le 24 novembre, a finalement décidé de se séparer de son joueur sur demande de celui-ci, après les menaces de mort dont il avait fait l’objet ces derniers jours. Il faut dire que cette issue était inévitable dès lors que la situation est devenue insupportable pour cet Algérien qui s’est recroquevillé dans son domicile depuis la qualification de l’Algérie par peur de représailles.
Des voix se sont levées pour exiger du Ahly la résiliation du contrat de son joueur algérien, recruté cet été, et son extradition en Algérie. Et il semble bien que l’offre du club belge du FC Lierse tombe à point nommé pour les deux parties qui n’ont pas hésité longtemps avant de convenir d’un transfert. Tout est donc fait pour que Amir Saâyoud rejoigne dans les jours à venir le club belge. Tout est aussi fini entre l’Algérien et son club : «Je ne pouvais accepter qu’on touche à ma dignité» a-t-il dit
Cette chasse aux Algériens, humiliation et agression montre bien que la fraternité arabe est une farce. Le paradoxe des pays arabes est que c'est dans les moments de crises hystériques (contre Israël par exemple) ils donnent l'impression d’êtres unis, alors qu’en réalité la fraternité arabe est une utopie. C’est une grosse utopie puisque en dehors de la haine d’Israël les Arabes ne partagent rien d'autre.

Ftouh Souhail,
Tunis

06 décembre 2009

Soufis, Ismaéliens et confréries : Christian Lochon sera mon invité le 13 décembre

Le Professeur Christian Lochon

Dimanche prochain, nous allons poursuivre notre évocation d’un petit livre aussi original que passionnant, dont nous avions déjà parlé le 29 novembre. Ce livre c’est « Secrets initiatiques en Islam et rituels maçonniques », avec en sous-titre « Druzes, Ismaéliens, Alaouites et confréries soufies », ouvrage publié aux éditions L’Harmattan. Et mon invité sera à nouveau Christian Lochon. Rappelons qu’il a été attaché culturel dans plusieurs pays d’Afrique et du Proche Orient, directeur des études au C.H.E.A.M (Centre des Hautes Études sur l’Afrique et l’Asie Moderne), et surtout que c’est vraiment un « orientaliste de terrain », ayant vécu dans plusieurs pays du Moyen-Orient. Rappelons aussi qu’il cosigne ce livre avec Jean-Marc Aractingi, lui aussi Orientaliste et ancien diplomate, mais qui connaît parfaitement la franc-maçonnerie puisqu’il a appartenu à plusieurs loges, et justement nous évoquerons ses branches dans le monde arabe. La dernière fois, nous avions évoqué assez longuement les Druzes, nous avions parlé aussi des Alaouites ; nous allons parler cette fois-ci des Ismaéliens, autre « rameau » de cet « arbre chiite » que nous avions évoqué, et qui a donné naissance à plusieurs communautés religieuses de la région. Mais nous parlerons, aussi du Soufisme, et puis des confréries, loges et corporations diverses qui existent au Moyen Orient, et qui ont tissé des liens de solidarité séculaires dans les élites de ces sociétés : comme écrit en introduction, le monde musulman traverse une crise profonde actuellement, et nous verrons ensemble si ces différentes corporations, plus ou moins secrètes, peuvent l’aider à « sortir par le haut » ces différents pays, surtout à un moment où l’islam radical semble s’incruster et se développer, hélas profondément, dans les couches populaires.

Parmi les questions que je poserai à Christian Lochon :

- A propos du Soufisme : est-ce que c’est une recherche syncrétique, une recherche de fusion des croyances ? Ou alors plus simplement une vision pacifique des relations humaines ?
- Page 21 sont donnés des chiffres étonnants : un Soudanais sur trois et un Egyptien sur dix fait partie d’une confrérie soufie. On est un peu étonné, connaissant l’importance des Frères Musulmans en Egypte et le fait que les islamistes soient au pouvoir à Khartoum, or on sait que les valeurs soufies sont profondément humanistes : qu’en penser ? Et est-ce qu’il n’y a pas le risque, aussi, que des radicaux s’infiltrent dans ces confréries pour les noyauter ?
- A propos du concept de « Futuwwa », qu’on pourrait traduire par « esprit chevaleresque », le livre montre les croisements étonnants entre les cultures de part et d’autres de la Méditerranée : est-ce qu’on peut dire vraiment que l’on a eu une longue influence vers plus de raffinement qui aurait traversé les siècles et les continents, depuis la Perse préislamique jusqu’à l’Europe, en passant par le Proche-Orient ?
- Tout le monde connaît la figure de l’Agha Khan, et toutes ses fondations humanistes : les Ismaéliens peuvent-ils être considérés comme des alliés potentiels pour réconcilier l’islam et la modernité, ou sont-ils « grillés » parce que considérés comme hérétiques ?
- La franc-maçonnerie a été un lieu d’échanges entre communautés religieuses différentes, dans les anciennes colonies et à la fin de l’Empire Ottoman ; mais aujourd’hui, les régimes autoritaires verrouillent presque partout les loges : les musulmans libéraux s’y retrouvent parfois, et ils sont dénoncés par les islamistes radicaux : peuvent-elles avoir à l’avenir une influence sur l’évolution des sociétés arabes ?

Soyez nombreux à l’écoute dimanche prochain !

J.C

03 décembre 2009

Votation suisse sur les minarets : sept réflexions et beaucoup de fantasmes


Le vote surprise de dimanche dernier en Suisse, qui a vu une nette majorité d’électeurs (57 %) se prononcer en faveur de l’interdiction de la construction de minarets, a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le ciel faussement serein de notre vieille Europe : nouveau « clash » concernant l’islam, et son implantation de plus en visible dans notre continent ; coup de projecteur donné à un petit pays, dont les idées reçues nous disent qu’il est à la fois neutre et sans histoires ; craintes devant la percée d’un parti populiste (l’UDC, Union Démocratique du Centre), dont on nous dit qu’il est le pendant local du Front National ; protestations internationales, de la part des Musulmans, mais aussi du Vatican et du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, protestant contre une limitation de la liberté religieuse dans la Confédération Helvétique ... qui craint des représailles en retour ; reprise du débat sur les minarets en France, avec rapidement et à la fois, un message un peu brouillé de la part des responsables de l’UMP, eux-mêmes dans la logique d’un autre débat - celui de l’identité nationale - qui est déjà rejeté par la Gauche ; gauche qui (en Suisse, chez nous et dans toute l’Europe) dénonce partout tout ce qui peut « stigmatiser les Musulmans » ; soutien du Front National au vote suisse, qu’il convient peut-être de décoder car on l’a connu récemment plus accommodant vis-à-vis de l’islamisme, soit disant dénoncé par son « parti frère » ; une prise de position du CRIF qui est mal comprise par une partie de la « rue juive » ; enfin, et à propos de cette votation suisse, un flot de commentaires lus sur tous le forums de discussion, et qui témoignent d’une large ignorance du sujet.


Cela fait beaucoup d'agitation, à propos d'un modeste réferendum sur le minaret, que le grand et regretté écrivain algérien Kateb Yacine comparait "à une fusée qui ne décolle jamais" !
Essayons de désembrouiller le débat en apportant un certain nombre de précisions.

1. Le minaret chez nous n’est pas le symbole d’un islam conquérant

La plupart des commentaires lus sur les sites des journaux - et plus modestement, sur ma page Facebook où j’avais lancé le débat - reviennent sur l’envahissement de notre espace laïc par les mosquées, la peur que l’appel du muezzin ne vienne troubler la tranquillité des riverains plusieurs fois par jour, et plus symboliquement que cette architecture, étrangère aux traditions de l’Europe, ne vienne partout envahir le paysage, rendant encore plus visible une expansion démographique des minorités musulmanes. Est rappelée, à cet égard, la terrible déclaration du Premier Ministre turc Erdogan, lorsqu’il n’était encore que le leader de son parti islamiste « modéré » : « les mosquées sont nos casernes, les coupoles, nos casques, les minarets, nos baïonnettes, et les fidèles (musulmans), nos soldats ».
Or, il convient ici de rappeler que - au moins pour notre pays - l’appel à la prière du haut des minarets est strictement interdit (comme est réglementé l’usage des cloches dans les églises), et que les constructions de mosquées font l’objet d’autorisations municipales, avec des limites strictes en ce qui concerne la hauteur des minarets - les plus récents ne dépassent pas 25 m, le plus haut restant celui de la Grande Mosquée de Paris construite dans les années 20 (lire cet article publié par "Le Point"). Par ailleurs, seules 1 % des mosquées sur notre territoire auraient des minarets, qui ont donc un rôle plus décoratif que cultuel : Xavier Bertrand avait donc raison de dire qu’ils ne sont pas indispensables à l’exercice du culte musulman - même si l’UMP s’est ensuite vite rangée à l’avis du «politiquement correct » général en dénonçant l’interdiction suisse des minarets ... minarets qui eux-mêmes sont fort peu nombreux parmi les centaines de mosquées existant déjà dans la Confédération !

2. Le CRIF a eu raison de déplorer les résultats du vote

Ainsi donc se trouve totalement justifiée la prise de position du CRIF qui « déplore la votation suisse » (lire le communiqué) : que pouvait-on attendre de la part de la représentation politique de la communauté juive organisée, communauté qui ne peut se référer en France que par rapport à une appartenance confessionnelle ? Qu’elle soutienne une mesure vexatoire, prise à l’encontre des musulmans d’un pays voisin ? Qu’elle fasse semblant de croire que la laïcité est menacée par les minarets, alors que ce n’est pas exact ? Qu’elle se range du côté du seul parti politique français qui se réjouisse de ce vote, parti d’extrême droite dont le leader a été condamné à plusieurs reprises pour antisémitisme, et sympathisant en plus ... de l’Iran, la puissance islamiste internationale qui nous menace tous et de plus en plus - et là il ne s’agit pas de fantasmes, ni en ce qui concerne le F.N, ni en ce qui concerne les Ayatollahs.
« Marine Le Pen = anti-arabe, Arabes = antisémites », voilà les axiomes qui hélas font de plus en plus de ravages dans la « rue juive » et qui aboutissent parfois à l’équation « Front National = gentils ».

3. La campagne de l’UDC était clairement raciste

Je ne vais pas lourdement insister sur l’affiche qui explique le succès inattendu du « oui » à ce référendum, illustration reprise pour illustrer cet article et qui réunit, avec beaucoup de talents, quelques uns des fantasmes expliquant le vote : hauts minarets de style ottoman, symbolisant peut-être une Turquie effectivement de plus en plus inquiétante, mais aussi inclinés comme des missiles (et là, on pense aux Scuds et à l’Iran !) ; femme voilée, qui symbolise l’intégrisme musulman, et donc mélange de deux débats car il n’était pas question de voter pour ou contre la burqa ! En clair, une campagne à la fois astucieuse et malhonnête, car la crainte légitime de l’islamisme a rallié les suffrages de beaucoup de Suisses. Il n’est peut-être pas inutile de rappeler, enfin et à l’attention des lecteurs juifs de cet article, que l’UDC est un parti populiste, anti-européen, et qui a mené des campagnes (contre les étrangers, contre les homosexuels, etc.) qui devraient mettre mal à l’aise tous les démocrates.

4. Le malaise des Suisses vis-à-vis du monde musulman est réel mais le vote est paradoxal

Le succès des partis populistes, dans la Confédération comme dans l’Europe du Nord (Pays Bas, Danemark) s’explique aussi par l’arrivée de centaines de milliers de musulmans dans des contrées où cette minorité était quasi inconnue : en Suisse, par exemple, ils sont 400.000 soit plus de 5 % de la population. Cependant, un examen plus fin des résultats montre aussi que les populations qui vivent le moins à leur contact - dans les campagnes - ont voté le plus en faveur du « oui », alors que Genève - où on note un afflux d’originaires du Maghreb en provenance de la France, suite à « l’effacement » de la frontière - a voté non (lire ici). Ceci permet de relativiser à la fois les commentaires « bien pensants » de la gauche, ou « simplistes » de l’extrême droite : accuser les Suisses d’être tous devenus des racistes est absurde, car leur vote n’a pas été homogène, et n’a visé que la symbolique (le minaret) et pas la liberté du culte (on n’a pas interdit la construction des mosquées) ; curieusement, ceux qui vivent le plus à leur contact n’ont pas voté en majorité comme on l’aurait attendu ; enfin, la Suisse alémanique qui a voté en majorité « oui » est aussi celle où les sondages d’opinion identifient clairement un antisémitisme récurrent, et plus récemment un rejet d'Israël important - encore un point à méditer par mes lecteurs juifs réjouis par cette « votation » !

5. La votation suisse exprime aussi un malaise par rapport à des épisodes diplomatiques récents

Pratiquement, aucun article de presse ne rappelle les épisodes récents qui ont vu la diplomatie helvétique pratiquer des courbettes à répétition devant les pires spécimens d’un islam politique méchant et agressif, qu’il s’agisse de Kadhafi qui retient toujours en otage deux ressortissants suisses et prétend démanteler leur pays (lire sur mon blog), ou d’Ahmadinejad, à qui la « Cheffe » des Affaires Etangères a rendu visite, voilée et tout sourire (lire aussi ceci sur le blog). Quel est le pourcentage d’électeurs qui a voulu exprimer leur dégoût par rapport à ces évènements récents, en votant sur un tout autre sujet ? On ne le saura jamais, mais le silence de nos médias rend aussi mal à l’aise : tout est ramené à un débat sociétal sur l’islam en Europe, et on oublie trop que « le monde est un village » !

6. Beaucoup de réactions sont hypocrites

Autant je ne me réjouis pas de voir une partie de la « rue juive » reprendre des slogans de l’extrême droite, autant je trouve aussi parfaitement justifié son écœurement devant les indignations sélectives d’un grande partie de la gauche et du « politiquement correct » : s’indigner de soit disant persécutions anti-musulmanes en Europe ou de menaces imaginaires contre l’exercice de leur religion, alors qu’on maintient un silence de plomb à propos de l’interdiction des Eglises en Arabie Saoudite ou en Algérie, ou face aux massacres (Soudan) ou aux expulsions (Irak) de centaines de milliers de Chrétiens en terre d’islam - sans parler, bien sûr, de la quasi élimination des communautés juives dans ces pays -, est tout à fait insupportable : et que Navi Pillay, la présidente du sinistre « Conseil des Droits de l’Homme » de l’ONU en ait « rajouté un couche » n’est ni étonnant, ni moralement supportable quand on connaît le silence de ces instances vis-à-vis des pires persécutions de la Planète : réentendre à ce sujet, mes interviews d'il y a quelques mois de Malka Marcovich, grande spécialiste de la dérive morale des ces institutions ...

7. Une réflexion de fond s’impose pour ne pas laisser à l’extrême droite le monopole de la gestion de l’islam politique

Je ferai très court, pour conclure, en vous recommandant la lecture d’un article publié sur le blog de Nadia Geerts : lire ici.
Cette militante belge de la laïcité, très engagée contre l’islam radical et ses menaces contre nos sociétés démocratiques, n’a jamais basculé dans la stigmatisation de l’islam ou - pire encore - des populations musulmanes dans leur ensemble. Elle rappelle quelques vérités dans cette publication, le fait que l’on peut comprendre le sentiment de peur de beaucoup d’Européens, mais qu’il n’excuse pas tout et n’importe quoi, comme justement ce vote sur la construction des minarets ...

 Jean Corcos

02 décembre 2009

Israël - Iran : la guerre de l'ombre

Missiles découverts sur le cargo "Francop"
arraisonné par la marine israélienne

Israël mène une guerre secrète contre Téhéran. Faute de pouvoir attaquer directement avec son aviation les installations atomiques iraniennes, l'État hébreu tente par tous les moyens de retarder le programme nucléaire de la république islamique. Le dernier épisode de cette bataille de l'ombre, où tous les coups sont permis, s'est déroulé la semaine dernière au large de Chypre lorsqu'un commando d'élite de la marine israélienne a intercepté un navire parti d'Iran transportant plusieurs dizaines de tonnes d'armes destinées au Hezbollah libanais.
En règle générale, l'affrontement reste beaucoup plus discret, le «dossier» iranien étant géré par Meïr Dagan, le patron du Mossad. À la tête des services secrets, ce partisan de la manière forte privilégie l'action plutôt que l'analyse. Sa mission est on ne peut plus claire : recueillir le maximum de renseignements sur la localisation des sites utilisés pour l'enrichissement de l'uranium afin de pouvoir, si nécessaire, lancer des raids aériens, comme celui qui avait permis à l'État hébreu de détruire la centrale nucléaire irakienne Osirak près de Bagdad en 1981. En attendant l'application éventuelle de ce scénario, Meïr Dagan recourt à une tactique de harcèlement.
Parmi les stratagèmes utilisés figurent, selon des experts en matière de renseignements, la création ou la prise de contrôle d'entreprises en Europe spécialisées dans la fourniture de matériaux «à double emploi», c'est-à-dire pouvant servir à des fins civiles mais aussi pour le programme nucléaire iranien (machines-outils, équipements électroniques, métaux spéciaux). Une fois la confiance créée, le fournisseur envoie à ses clients des équipements défectueux capables de déclencher des dégâts en chaîne, par exemple dans les centrifugeuses utilisées pour enrichir l'uranium. Les agents israéliens sont également experts dans l'art du sabotage des ordinateurs et l'infiltration de virus informatiques dans des réseaux pour provoquer des pannes, effacer des mémoires ou introduire de fausses données.
Satellites et sous-marins
Une autre méthode moins sophistiquée consiste à détruire ou endommager du matériel destiné à l'Iran dans les ports européens ou à utiliser des commandos lorsque la cargaison suspecte se trouve déjà en pleine mer. Plus expéditif encore, le Mossad s'est vu attribuer des éliminations de scientifiques de haut rang liés au programme nucléaire iranien. En 2007, un de ces experts, Ardeshire Hssanjour, a mystérieusement été empoisonné.
Le Mossad déploie aussi une tactique «périphérique» pour frapper les alliés de l'Iran qui pourraient constituer un danger pour Israël en cas de conflit armé avec Téhéran. Le Hezbollah ainsi que la Syrie sont spécialement dans le collimateur. Les services secrets israéliens sont ainsi suspectés d'
un attentat à la voiture piégée à Damas qui a coûté la vie à Imad Mughniyeh, le chef de la branche militaire de la milice chiite libanaise, en février 2008. En septembre 2007, l'aviation israélienne a détruit en Syrie, près de la frontière irakienne, une centrale atomique construite secrètement par la Corée du Nord. À titre d'avertissement, Tsahal n'a pas hésité à frapper jusqu'au Soudan en mars de cette année lorsqu'un convoi de 17 camions transportant des armes iraniennes
- apparemment destinées au Hamas - a été attaqué par des avions ou des drones de nationalité inconnue.
Pour compléter le tableau, Israël a mis sur orbite plusieurs satellites espions qui surveillent constamment l'Iran. Sur le front maritime, l'État hébreu dispose de plusieurs sous-marins fournis par l'Allemagne, qui peuvent, selon des experts étrangers, atteindre les côtes iraniennes pour des missions de surveillance, tout en transportant à leur bord une force de dissuasion : des missiles de croisière à tête nucléaire.
Marc Henry,
« Le Figaro », 10 novembre 2009

30 novembre 2009

Horace Vernet, ou la Bible aux couleurs de l’Orientalisme

Juda et Tamar
Une toile sur la Toile
- novembre 2009

Une petite pause artistique, à nouveau pour oublier un peu l’actualité ...

L’Orientalisme a ses signatures célèbres, dont la petite collection de reproductions déjà publiées sur ce blog vous donne une petite idée.
Leurs oeuvres ont, le plus souvent, été peintes à partir de la seconde moitié du XIXème Siècle, et s’intéressaient principalement à deux pays, du moins pour l’École française : l’Algérie, dont la conquête se consolidait peu à peu ; et l’Égypte, objet de toutes les attentions depuis l’expédition de Bonaparte et les innombrables missions archéologiques. Horace Vernet (1789-1863), est à ce titre un peu une exception, car il a vécu à cheval entre les deux Empires : plusieurs de ses toiles représentent des batailles napoléoniennes : mais l’Orient le fascina aussi, et en particulier les combats pour la prise de l’Algérie, immortalisés par sa toile « La prise de la smalah d’Abdel Kader ». On se réfèrera à cet article de Wikipedia pour en savoir plus sur cet artiste.

J’ai choisi cette toile inspirée par un épisode biblique pour illustrer l’œuvre de ce grand peintre français : des personnages juifs habillés comme des Arabes, voici un article qui ne déparera pas sur mon blog ... !

J.C

29 novembre 2009

Libération de Guilad : un prix très élevé à payer, par Gérard Akoun

Le calvaire de Guilad Shalit s’achèvera t-il dans quelques jours ? Sera t-il enfin libéré après trois ans de détention, dans une solitude totale, sans contact avec l’extérieur ? Sa famille, la très grande majorité des Israéliens l’espèrent, mais ils ne sont pas à l’abri d’une déconvenue.

Le Hamas, qui détient en otage le jeune soldat enlevé en territoire israélien, fait monter les enchères : le nombre de prisonniers palestiniens à relâcher en échange ne cesse d’augmenter, et parmi eux se trouvent des terroristes qui ont commis les attentats les plus sanglants. Israël, et c’est tout à son honneur, avait déjà accepté de pratiquer des échanges inégaux ; dans les années 80, le gouvernement avait relâché plus de mille prisonniers pour « faire revenir trois soldats à la maison » selon la formule consacrée, mais jusqu’à présent, tous les gouvernements qui se sont succédé, avaient refusé de libérer des terroristes qui avaient du sang sur les mains ou les organisateurs des attentats. Il semblerait, que pour sauver le « soldat Shalit », c’est quasiment de cela qu’il s’agit, Benyamin Netanyahou, doive s’y résigner. Il est, en effet soumis à une double pression, celle des Israéliens, des jeunes en particulier, qui ont fait de la libération de Shalit une cause nationale, et celle du Hamas qui veut en tirer le plus grand bénéfice, dans sa confrontation, avec Israël comme avec le frère ennemi du Fatah.

La décision est difficile à prendre pour le gouvernement, sur le plan sécuritaire comme sur le plan politique :
- Sur le plan sécuritaire il n’y a aucune garantie que les palestiniens libérés ne se livrent pas à de nouveaux attentats, et plus grave pour l’avenir, il est à craindre que de nouveaux enlèvements ne soient organisés pour libérer d’autres détenus palestiniens, il y en a environ onze mille dans les prisons israéliennes!
- Sur le plan politique ces libérations vont encore affaiblir Mahmoud Abbas et renforcer le Hamas. L’Autorité palestinienne n’avait pas réussi, il y a quelques mois, à obtenir en négociant avec Israël la libération de quelques centaines de prisonniers, le Hamas en libérera plus d’un millier à la suite d’une prise d’otage, démontrant ainsi aux Palestiniens que la voie de la négociation est un leurre et que seule la violence paye. Les islamistes voudraient aussi obtenir l’élargissement de Marwan Bargouti, le chef des Tanzim du Fatah, une opération politique astucieuse qui leur permettrait de se débarrasser définitivement de Mahmoud Abbas, de négocier, en position de force la réunification des frères ennemis, et de sortir de la nasse dans laquelle ils se trouvent enfermés à Gaza. Ils arriveront à leur fin si des responsables israéliens continuent à faire des paris stupides, comme celui de déclarer « nous ne libérerons jamais Bargouti », paris qui offrent au Hamas l’occasion de faire monter encore les enchères, alors que la libération de Bargouti, décidée librement par les autorités, pourrait constituer un geste politique majeur. Mais quand les dirigeants israéliens comprendront-ils qu’il est plus avantageux politiquement de donner, en transformant l’inévitable en choix délibéré que de céder sous la contrainte ?

Nous souhaitons tous que Guilad Shalit revienne à la maison, mais le prix à payer va être très élevé et la décision douloureuse, car il faut aussi penser aux victimes des attentats commis par les terroristes qui vont être libérés, et ces libérations seront d’autant plus mal ressenties qu’elles ne s’effectuent pas dans le cadre d’un accord de paix, qui les rendraient plus supportables.

Gérard Akoun
Judaïques FM 94.8, le 26 novembre 2009

27 novembre 2009

Antoine Sfeir fait l’éloge de la Tunisie et de son Président Ben Ali ...

Antoine Sfeir

Introduction :
Quelques mots d’introduction, pour présenter de larges extraits de ce nouvel article reçu de mon ami de Tunis, Souhail Ftouh. Je n’ai pas évoqué sur ce blog les élections présidentielles en Tunisie, tenues il y a un mois : devoir de réserve journalistique, et alors que j’ai des ami(e)s tunisien(ne)s aussi bien fervents supporters du Président réélu (comme justement Souhail), que féroces critiques (comme Adnen Hasnaoui, militant pour les Droits de l’Homme et dont vous avez pu lire aussi des articles ici). FaceBook est un meilleur support pour des débats, et j’ai ainsi donné la parole sur ma page là-bas pour des longs et passionnés débats !
J’ai retenu cependant cette article parce qu’il cite largement Antoine Sfeir, orientaliste bien connu des tableaux de télévision et qui a été plusieurs fois mon invité : bonne lecture !

J.C

Habitué des plateaux de télévision français Antoine Sfeir, n’hésite pas à défendre l’homme qui a sauvé la Tunisie. Il est déjà monté au créneau à plusieurs reprises. Il l’a récemment refait dans Le Figaro du 23 octobre 2009, "La Tunisie, rempart contre la déferlante intégriste dans la région"  :
(...) "La Tunisie a certainement un long chemin devant elle, personne le conteste. Pourtant, force est de reconnaître que le pays progresse régulièrement depuis l’arrivée au pouvoir de Ben Ali. C’est un fait dont tous les organismes internationaux font état dans leurs rapports. C’est cette ouverture et cet assainissement progressifs de la vie publique que je souhaite évoquer aujourd’hui, sans pour autant me voiler la face sur les problèmes qu’il reste à résoudre.
(...)
La condition des femmes est également à mettre au crédit du président sortant : avec 25 % de femmes au Parlement, la Tunisie fait mieux que la France. Comme autrefois la Turquie, qui avait accordé aux femmes le droit de vote dix ans avant la France ... Et tout le monde connaît le rôle actif des députés tunisiens, hommes ou femmes !
En outre, la Tunisie a clairement choisi son camp dans la lutte contre l’intégrisme religieux. Le régime est intransigeant vis-à-vis de tout embryon de prosélytisme islamiste, mais mène parallèlement à sa politique répressive une vaste campagne de pédagogie, appuyée sur une pratique sereine et modérée de la religion. C’est pour cette raison que le pays constitue véritablement un rempart contre la déferlante intégriste dans la région ; c’est pour cette raison également que la Tunisie est un enjeu crucial, et une cible de choix pour l’islamisme et le terrorisme. Si elle venait à tomber, il faudrait craindre à nouveau pour l’Algérie, mais également le Maroc, la Libye et peut-être même l’Égypte, tous menacés par un effet de dominos."
(...) Arrêtons-nous un moment de parler de la Tunisie pour regarder les Tunisiens, qui, eux, agissent », écrit notre courageux intellectuel. Il ne ménage pas sa peine et défend la Tunisie partout où il peut.
Antoine Sfeir, le patron de la revue d’études et de réflexion sur le monde arabe et musulman, l’auteur de "Tunisie, terre des paradoxes", parue en 2006, a même fait paraître une revue qui est consacrée à la Tunisie sous la direction de Ben Ali sous le titre "L’exception tunisienne".
Six grands textes aux titres suggestifs ont l’ambition de présenter "les progrès qui ont été accomplis sur la voie d’une démocratisation et d’un assainissement de la vie publique" selon l’éditorial même d’Antoine Sfeir. Ainsi peut-on lire : La Tunisie Un rempart contre l’intégrisme, la Tunisie dans la cité, Patrimoine archéologique et renouveau culturel, Des succès économiques confirmés, Les instruments de solidarité tunisienne ...
Antoine Sfeir, déclare dans "Les Cahiers de l’Orient", de l’hiver 2010, "cherche à montrer à quel point le peuple tunisien occupe, de plus en plus, une place à part dans l’espace arabe, et apparaît comme un exemple pour toute la région". Un exemple pour le monde arabe mais aussi pour l’Afrique. C’est du moins, ce que croient aussi les journalistes africains. En effet, il y a quelques jours seulement des journalistes africains co-auteurs du livre "La Tunisie émergente : une voie pour l’Afrique", publié aux Editions Médiane à Paris, présentaient à Paris leur ouvrage de 262 pages, rassemblant dix-huit contributions de journalistes et personnalités africaines de diverses spécialités. Sfeir présentait son point de vue aux côtés de François Bécet, auteur d’un autre livre intitulé "Le pays, porte ouverte sur la modernité", nouvel ouvrage en hommage à l'oeuvre du Président Ben Ali

D’ailleurs la Tunisie et ses réussites étaient à l'honneur, le 19 Octobre 2009, à Genève, à l'occasion de deux conférences organisées, la première au club suisse de la presse à Genève, dirigée par M. Guy Mettan, député de Genève président du parlement de cette cité, et la deuxième, au Cercle des dirigeants d'entreprises de Genève, présidé par Mme Testa Enza Haegi. Autour du journaliste français, de François Bécet et de son confrère Antoine Sfeir, les journalistes suisses et internationaux ainsi que ceux de la presse accréditée auprès des Nations Unies et de nombreuses personnalités du monde économique et universitaire helvétique, ont passé en revue les diverses facettes des réussites de la Tunisie durant ces vingt deux dernières année. Après avoir ouvert, au club suisse de la presse, la première conférence intitulée "Regards croisés sur la Tunisie", M. Guy Mettan a, ensuite, cédé la parole à M. Antoine Sfeir dont le propos a tourné autour du thème: "La Tunisie, un pays qui marche".
M. Sfeir a évoqué, pour soutenir son propos, les multiples réalisations du pays dans différents domaines, tels l'éducation et la santé, la croissance économique et les multiples mécanismes de solidarité mis en œuvre par le Président Ben Ali pour redistribuer équitablement les fruits de la croissance économique au sein de la société, comme peut en témoigner, entre autres l'élargissement continu de la classe moyenne qui englobe 80 % de la population. M. Sfeir a, également, souligné le rôle moteur joué par l'Etat tunisien qui a su assumer avec efficacité ses missions au service de ses citoyens et mettre son peuple à l'abri de l'instrumentalisation de l'Islam qui a causé tant de ravages ailleurs. Présentant quelques articles du dossier consacré à la Tunisie par sa revue, M. Sfeir a expliqué les raisons de l'attachement du peuple tunisien qui soutient son leader, grâce à qui il est entré, depuis deux décennies, dans une ère de prospérité et de stabilité sans précédent dans son histoire. Il a également souligné le patriotisme des Tunisiens de tous bords qui, tout en exerçant leur esprit critique quand il le faut, rejettent les tentatives de falsification des réalités auxquelles se livrent certains opposants téléguidés de l'extérieur. M. Sfeir a conclu sur le fait que la Tunisie était certes un pays petit par la taille géographique, mais un pays qui marche et excelle dans de nombreux domaines, et qui pourrait servir de modèle à de nombreux autres, en ce qu'il a réussi en comptant sur une unique matière première : l'intelligence de ses citoyens. Le directeur des "Cahiers de l'Orient" qui a préfacé le livre de François Bécet n'a pas manqué, en outre, de fustiger les donneurs de leçons occidentaux qui s'acharnent sur la Tunisie, alors qu'il s'agit d'un exemple rare sur le continent africain et dans la région, d'un pays qui marche et avance dans tous les domaines. François Bécet a ensuite présenté son dernier ouvrage  "Tunisie, porte ouverte sur la modernité", mettant en relief la "voie propre choisie par le Président Ben Ali". Une voie authentiquement tunisienne, qui a permis de développer son pays, tout en veillant à la redistribution des richesses. L'auteur a évoqué quelques caractéristiques du modèle tunisien de développement et son bilan largement positif qui est souligné du reste par de nombreuses institutions internationales et instituts mondiaux de notation les plus réputés que l'on ne peut soupçonner de partialité.

Des échanges ont eu lieu par la suite avec le nombreux public présent, permettant aux orateurs d'apporter des éléments de réponse aux préoccupations des uns et des autres. Une autre cérémonie de présentation du livre de François Bécet s'est déroulée à l'hôtel Richemond de Genève, offrant aux deux auteurs l'opportunité d'exposer le modèle de développement solidaire et équilibré mis en œuvre en Tunisie par le Président Ben Ali.

Le même ouvrage, édité par la maison "Le cherche midi", a été au centre d'une rencontre organisée, le 20 octobre 2009 , à l'Institut du Monde Arabe, à Paris, rencontre à laquelle ont participé plusieurs journalistes et personnalités. (...)
 


Ftouh Souhail, 
Tunis

26 novembre 2009

"Le voile, marqueur sexuel", par André Dumoulin

C'est un marqueur sexuel et un instrument de propriété. Considéré par Strasbourg comme le "symbole d'oppression de la femme", le voile renvoie à une mentalité patriarcale ancestrale, archaïque et machiste.
Au-delà des signes pluriels du voile islamique qui semble se neutraliser, des enjeux sociétaux et des interrogations autour de la séparation de l’église et de l’Etat, de la laïcité, de la neutralité de l’enseignement, se cache un dispositif en poupée gigogne, sorte de sarcophage à la Toutankhamon où la pièce finale recouvrant au plus près la momie est la plus importante, la plus signifiante. Que cache le voile? Que nous voile-t-il?
Le problème du voile demeure incompréhensible si on ne tient pas compte des règles qui sont associées à la pudeur. Le voile est alors obsessionnel, ne laissant rien apparaître, faisant en sorte qu’il devient un marqueur sexuel de femmes soumises consciemment ou inconsciemment aux hommes. A tel point d’ailleurs que le voile peut être porté comme protection afin d’éviter souvent d’être importuné ou agressé par la jeunesse machiste souvent d’origine immigrée pour des raisons culturelles et éducationnelles propre en cela au legs sociétal et culturel méditerranéen.
Qu’est-ce à dire? Que le voile est bien la métaphore de la virginité. Le voile semble d’ailleurs dire souvent à la fois une propriété (de l’homme) et une "non disponibilité" pour les non-musulmans. En fait, par un retournement de signe, le voile doit cacher la chevelure érotisée pour ne pas susciter le regard concupiscent de l’homme, le désir de l’homme. En d’autres mots, pour certains hommes, si elle ne se recouvre pas, la non-voilée musulmane va porter la responsabilité des éventuelles violences sexuelles, harcèlements verbaux ou opprobres dont elle pourrait être victime. Toute l’importance donc du "vu", du "non-vu" et de "l’entre-vu" (Chebel).
Ce port du voile "pour avoir la paix" et pour préciser une "indisponibilité sentimentale" est bel et bien le symbole de cette codification du regard, faisant finalement en sorte que c’est la femme qui est responsable du regard concupiscent de l’homme; sachant que la chevelure est considérée comme un appât séducteur. Le "camisolage" des femmes qui "protège d’une violence mâle" fait que la femme elle-même devient en quelque sorte responsable du comportement des hommes. Ce retournement de signe illustrant le patriarcat a ceci de problématique qu’il entérine l’inégalité des sexes, l’infériorité et la soumission des femmes mais aussi donne argument à ceux qui condamnent la mixité des lieux sociaux.Ceci tend à montrer que le voile n’a rien de religieux - la Sunna et le Coran ne l’imposent pas - mais est en définitive un marqueur sexuel et un instrument de propriété. Le voile n’a donc rien d’innocent et le plus généralement les adolescentes elles-mêmes "se voilent la face" quant au caractère résolument machiste du tissu.
C’est ce caractère inégalitaire entre les sexes qui fait que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pourtant défenderesse de la liberté de religion, a condamné des plaignantes qui souhaitaient défendre le port du voile, car considéré par Strasbourg comme le "symbole d’oppression de la femme", en y associant l’idée que la manifestation d’une religion peut être restreinte afin de préserver des valeurs fondamentales.
Sachant les nombreuses années qu’il a fallu dans nos contrées pour tenter de réduire les inégalités hommes-femmes, toute dévalorisation juridique et sociale de la femme avec mise sous tutelle masculine subtile via le port du voile porte en définitive atteinte aux grands principes fondamentaux inscrits dans le traité de Lisbonne.
En définitive, l’argumentaire pour ou contre le port du voile ne réside pas, comme on l’entend souvent, autour de la liberté de croyance et de religion - prétexte et paravent - mais sur la dimension sexiste d’un tissu hautement signifiant aux multiples interprétations leurres.De même, lorsque le rapport intermédiaire de la Commission du dialogue interculturel (décembre 2004) considéra que l’on ne peut statuer a priori sur la symbolique plurielle du voile - estimant dès lors que le débat est sans fin -, elle plaçait les différents sens du voile comme des piliers égaux formant un temple, alors qu’en réalité il faut lire le voile comme des poupées russes : la poupée la plus "enfouie" et la plus petite étant l’explication première, primale, amenant et organisant les autres sens subordonnés. C’est ce vecteur explicatif initial qu’il faut mettre en évidence et dénoncer pour des raisons humanistes.
La dimension sexuelle du voile avec son rapport à la chevelure est d’autant plus avérée que l’on oblige les femmes occidentales non musulmanes à se voiler lors de visites dans certains pays musulmans. Qu’une élève à qui on avait interdit le voile à l’école s’était coiffée d’un béret basque, une autre d’un bonnet de ski, tandis qu’une autre encore s’était rasée le crâne pour effacer "l’objet impudique". Signes s’il en est du rapport étroit entre la chevelure, la pudeur, la propriété du mâle. Dans ce registre, ce n’est pas le voile qui est ostentatoire, mais le corps féminin lui-même.
Si nous connaissons la permanence des interdits sexuels et des discriminations sexistes dans toutes les religions monothéistes, force est de constater, à la lumière ces différentes interprétations gigognes du voile, que la question du port du voile est une thématique en apparence religieuse, stimulée et instrumentalisée par les fondamentalistes, mais dissimulant en réalité une dimension affective et sexuelle, renvoyant elle-même à une mentalité patriarcale ancestrale, archaïque et machiste.
La question du voile et la claustration vestimentaire ne peuvent donc se résoudre dans le segment religieux, quelle qu’en soit l’apparence, mais dans un argumentaire sur l’émancipation, l’égalité, les droits de la femme et la raison. Cette raison qui fait que l’on ne peut expliquer l’égalité des sexes à des jeunes si, dans la classe, ils se trouvent confrontés à une situation démontrant exactement le contraire.

André Dumoulin, 
Agrégé en philosophie morale. Politologue,
 « La libre Belgique », 10 novembre 2009

24 novembre 2009

Liberté d’expression en Afghanistan : un film ce jeudi soir à Sciences Po

Je relaie avec plaisir cette information, reçue de l’Association amie « Le Cercle » :

Le Cercle - Section Sciences Po, en coopération avec « European Foundation for Democracies » et l’association « Afrane », vous convie à la projection de :
« Afghan Star - le documentaire »
Projection suivie d’un débat avec Daoud Sediqi
Créateur et ancien animateur de « Afghan Star »
Jeudi 26 Novembre 2009 à 19h00 - (accueil à partir de 18 h 30 )
Sciences Po - 28 Rue des Saint Pères - 75007 Paris - Amphithéâtre Albert Caquot - (entrée libre)
Plusieurs fois primé au festival Sundance 2009, ce documentaire retrace la création et la réalisation de l’émission de téléréalité qui a mis en émoi la société civile afghane. La projection sera suivie d’un débat avec Daoud Sediqi, créateur et animateur de « Afghan Star », sur les enjeux en matière de liberté d’expression auxquels l’Afghanistan est aujourd’hui confronté. 

J.C

23 novembre 2009

En Égypte, la bataille du niqab a commencé ...

Groupe de femmes en niqab, Egypte

Une déclaration de guerre. Pour une partie de la société égyptienne, c'est ainsi qu'a été perçue la décision du cheikh d'al-Azhar, Mohammed Tantaoui, de contraindre une fillette de 12 ans à retirer son niqab lors d'une récente inspection d'une école. Depuis, la polémique fait rage entre opposants et partisans du voile intégral. Peu répandu il y a une dizaine d'années, le niqab s'est banalisé sous l'influence, notamment, des travailleurs égyptiens rentrant du Golfe imprégnés des valeurs wahhabites saoudiennes, mais aussi du boom des chaînes satellitaires religieuses, en particulier salafistes. Selon une étude officielle publiée l'été dernier, près de deux Égyptiennes sur dix le porteraient désormais, surtout dans les campagnes.
L'État égyptien, qui a d'abord laissé faire, semble décidé à s'attaquer au signe extérieur le plus visible d'une certaine radicalisation de la société. Après plusieurs escarmouches dans les cités universitaires ou les hôpitaux publics, il a donc envoyé au feu le cheikh d'al-Azhar, dont l'institution, la plus prestigieuse du monde sunnite, se veut la vitrine d'un islam modéré, mais dont le crédit personnel pâtit d'être nommé par le président de la République. «Le port du niqab en présence de femmes est un genre de rigorisme rejeté par la charia islamique», a affirmé le grand imam, précisant que son interdiction se limiterait aux établissements d'al-Azhar «réservés aux filles et où l'enseignement est assuré par des femmes». Il reste donc autorisé dans les écoles mixtes.
En avançant l'argument religieux, l'État sait qu'il s'aventure en terrain dangereux. En 2007, le Tribunal administratif suprême a en effet désavoué l'université américaine du Caire, qui avait fermé ses portes aux monaqqabates ( porteuses du voile intégral). Dans un verdict alambiqué, la justice a estimé que le niqab n'était certes pas une obligation religieuse, mais que son port étant permis, il n'était pas possible de l'interdire ... Ce qui n'a pas dissuadé le ministre de l'Enseignement supérieur d'emboîter le pas du cheikh d'al-Azhar en bannissant à son tour par décret le niqab des cités universitaires. Alors que des dizaines de monaqqabates manifestaient contre cette décision, notamment à l'université du Caire, les Frères musulmans ont demandé le retrait du décret et le renvoi du cheikh d'al-Azhar. «Le niqab est une vertu, comment peut-on condamner la vertu ?», a argumenté Hamdi Hassan, porte-parole de la confrérie au Parlement.
L'argument hygiéniste
Les islamistes ont reçu sur ce terrain des soutiens inhabituels, notamment d'organisations des droits de l'homme et même d'éditorialistes de la presse de gauche, qui ont contesté l'interdiction au nom de la «liberté personnelle».
«C'est une violation flagrante de la liberté de croyance. Le cheikh d'al-Azhar peut dire aux musulmans s'il existe ou non un lien entre le niqab et l'islam, mais il n'a pas le droit de dire aux gens comment s'habiller», a ainsi estimé l'activiste des droits de l'homme Hossam Bahgat.
Face à la résistance d'une société de plus en plus conservatrice, les autorités égyptiennes cherchent encore la meilleure façon de traiter le problème. En février, le ministre de la Santé, Hatem el-Gabali, a ainsi brandi l'argument hygiéniste pour tenter d'interdire par décret le port du voile intégral dans les hôpitaux publics, où plus du tiers des infirmières auraient déjà opté pour cet «uniforme». «Le port du niqab et des gants ne permet pas de préserver l'hygiène car les infirmières ne stérilisent pas les gants après chaque contact avec les malades», a justifié le ministre. L'argument nationaliste a aussi été avancé, notamment par la presse gouvernementale, qui a fustigé une «pratique importée, contraire aux valeurs égyptiennes». Modèle du genre, le journal Rose al-Youssef a même affirmé que Le Caire ressemblait de plus en plus à Tora Bora, la région qui servit de refuge aux talibans et à Oussama Ben Laden au début de la guerre en Afghanistan.
Mais c'est surtout l'argument sécuritaire qui est mis en avant. Les autorités ont affirmé à de nombreuses reprises que le niqab avait servi à perpétrer des attentats, notamment près de la citadelle du Caire en 2005, et divers actes criminels. La semaine dernière, la ministre de la Famille et de la Population, Moushira Khattab, une proche de la première dame, Suzanne Moubarak, a ajouté à cette liste l'immoralité en stigmatisant des cas où des hommes se seraient dissimulés sous un niqab pour entrer dans des bâtiments réservés aux femmes ... Entre vice et vertu, le débat est loin d'être tranché.

Tangi Salaün
Le Figaro, 22 octobre 2009

Nota de Jean Corcos :

Je vous invite à découvrir ou à relire
cet article du blog, sous la signature de mon ami tunisien Souhail Ftouh. Il faisait l’éloge du Cheikh Tantaoui (dont le nom est aussi orthographié « Tantawi »), pour son ouverture d’esprit en matière de dialogue interreligieux. Il vient à nouveau de montrer son courage à propos du Niqab, qui comme la Burqa est devenu le drapeau d’un islam fermé, misogyne et sectaire.