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12 février 2009

Tzipi devant Bibi – ou le récit d’une soirée électorale sur Judaïques FM

Benjamin Netanyahou et Tzipi Livni
(photo Reuters)

Comme je vous l’annonçais dans mon dernier post, j’ai eu le plaisir de vivre en direct les résultats des élections israéliennes sur le plateau de Judaïques FM, en compagnie des deux directeurs d’antenne Vladimir Spiro et Gérard Akoun, de mon vieil ami et complice André Nahum, et avec en direct Daniel Haïk notre correspondant à Jérusalem.

Proportionnelle oblige, les « sorties des urnes » annoncées par les différentes chaînes de télévision se sont avérées assez fiables pour le classement des partis en lice - avec une légère surestimation des « grands partis » et en corollaire une minoration de certains « petits », mais l’essentiel était connu dès 21 heures, donnant lieu à des commentaires que vous avez du entendre et réentendre depuis deux jours :
- la surprise de Kadima, arrivé en tête de peu (28 sièges), alors que l’on prévoyait le Likoud (27 élus) en première position ;
- la « vague » (15 députés) et non pas « le raz de marée » d’Israël Beitenou, le parti d’Avigdor Lieberman, présenté la veille dans nos médias nationaux comme le symbole d’un pays ayant déjà basculé dans l’hystérie sécuritaire et le racisme anti-arabe ;
- l’échec cuisant des travaillistes, arrivés quatrième avec 14 mandats ;
- à nouveau, la démonstration de l’inefficacité du système électoral israélien basé sur la proportionnelle absolue, et qui a donné une Knesset presque impossible à gouverner sauf gouvernement d’Union Nationale : si on considère la possibilité de rassembler une majorité « proche de son camp », c’est Benjamin Netanyahou qui devrait être désigné par le chef de l’état pour former un gouvernement (ce qui serait bien constitutionnel, d’après le professeur de droit Claude Klein qui s’est exprimé sur notre radio) ; si on considère le parti vainqueur de l’élection, ce serait Tzipi Livni !

Invité à donner mes impressions « à chaud », j’ai exprimé une opinion plutôt optimiste qui a été confortée par la suite par différents interviewés : les élections ont mis en tête une femme, ce qui a une certaine portée symbolique dans une région marquée par un archaïsme moyenâgeux ; et la leader de Kadima a brillamment mené la diplomatie de son pays depuis trois ans, cela s’étant traduit par des soutiens internationaux remarquables au moment de la dernière opération de Gaza contre le Hamas (André Nahum devait même dire que les Israéliens ont voté plus pour la diplomatie que pour la force, symbolisée par le leader travailliste Ehud Barak, ministre de la défense sortant). Le géopolitologue Frédéric Encel, que j’allais interviewer un peu plus tard, allait nuancer mon propos : oui, le « standing » diplomatique d'Israël s’est beaucoup redressé grâce à Tzipi Livni, mais les Israéliens - toutes tendances confondues - ne le perçoivent même pas, encore imprégné du fameux « personne ne nous aime ... ».

J’ai questionné Jacques Bendelac, auteur du livre « Des Arabes israéliens » (éditions Autrement) sur le vote arabe, alors que suite à l’opération de Gaza - supportée par plus de 90 % de la population juive - il y avait eu chez cette minorité des manifestations inquiétantes de soutien au Hamas, puis des appels au boycott des élections : il a souligné la stabilité dans ce secteur, tant en terme de participation électorale, que de vote : environ 60 % pour les listes arabes (elles ont obtenu 11 sièges au total) et 40 % pour les partis « sionistes » (cela a du profiter en particulier à Kadima au détriment des travaillistes, l’étiquette de « criminel de guerre » accolée à tout le gouvernement par les médias arabes de l’extérieur ayant, semble-t-il, moins affecté la ministre sortante).

Mon ami Claude Sitbon, écrivain et sociologue israélien, devait souligner des éléments non relevés par les grands médias qui focalisent tout sur le conflit israélo-palestinien : un point positif - la chute des partis religieux orthodoxes communautaristes, comme le Shass ; et un point négatif, le fait que la campagne électorale n’ait pas du tout abordé les problèmes sociaux, alors que la crise économique mondiale commence à faire des ravages dans le pays. Au-delà du tassement des partis religieux (16 députés au total), et du fait que maintenant on retrouve - ce qui est beaucoup plus sain - des pratiquants et des laïcs dans tous les partis, j’ai relevé aussi avec satisfaction la baisse d’audience des formations « idéologiques », Meretz à l’extrême gauche (3 députés), ou représentants de l’idéologie du « Grand Israël » (7 élus) : il y a aujourd’hui une majorité écrasante de formations acceptant, en théorie, le principe d’un état palestinien ... mais pas dans n’importe quelles conditions de sécurité !

J’ai questionné François Géré - le directeur de l’institut français d’analyse stratégique, qui était venu nous rejoindre dans le studio -, en lui demandant ce qu’il pensait du scénario « d’Union Nationale » des deux côtés (israélien et palestinien) afin de forcer une solution de compromis, vu que l’on encourageait beaucoup, en coulisses, un rapprochement Hamas-Fatah pour supprimer la « nuisance » islamiste : il nous a dit ne pas croire à une réconciliation côté palestinien ; mais, côté israélien, il a insisté sur la nécessité d’avoir un gouvernement stable (donc à large majorité) pour être l’interlocuteur d’une administration Obama qui va fortement s’investir sur ce dossier, et dès 2009.

Les interviews des deux personnalités politiques françaises furent sans surprise : Pierre Aidembaum, maire socialiste du 20ème arrondissement, devait répondre à ma question « mais où est passée la gauche israélienne ? » : « en grand partie chez Kadima » ; tandis que Claude Goasguen, député et maire UMP du 16ème arrondissement, ne cachait pas sa préférence pour un gouvernement de droite, sous la direction du « libéral » Bibi - une hypothèse annoncée comme certaine, depuis Jérusalem, par l’ami de ce dernier, Meyer Habib, vice-président du CRIF !

En conclusion, je ne peux que reprendre à mon compte l’avis sage et sincèrement exprimé par André Nahum, un avis partagé par tout notre plateau : face aux immenses défis auxquels sera confronté Israël, à commencer par l’Iran et une administration américaine moins systématiquement favorable, la moins mauvaise solution serait une coalition des « grands partis », non otages des extrémistes en tous genres ... la seule solution pour avancer vers la Paix, clé de l’avenir d’Israël : mais Netanyahou l’acceptera-t-il ? On peut en douter.

J.C