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26 août 2008

Georgie, 1 : une géopolitique et des enjeux complexes

Carte de la Georgie et de ses voisins

Dans mon article publié dimanche, j’évoquais une « grille de lecture autrement plus complexe que l’affrontement islamistes / états occidentaux » à appliquer à ce conflit de l'été - et en écrivant « islamistes » je pensais presque « musulmans », car hélas à en croire trop de blogs communautaires, l’ensemble des conflits du monde se résument à un choc entre l’Islam et les « autres ». Considérons donc la géopolitique locale, autour de la malheureuse Georgie. Deux axes s’affrontent : d’abord les « pro russes » comprenant la Fédération de Russie, les minorités rebelles (Ossètes et Abkhazes), l’Arménie - complètement enclavée et sans façade maritime - et ... la République islamique d’Iran ; et puis, en face mais ne leur opposant pas un front continu, les « pro américains » comprenant la Turquie (membre de l’OTAN), la Georgie (qui voudrait en faire partie) et l’Azerbaïdjan, riche État pétrolier des bords de la Caspienne. Quelques rappels : les Azéris, sont de bons musulmans comme leurs frères turcs ; tout comme les Adjars, vivant au Sud Ouest de la Georgie et qui ne semblent plus avoir de velléités d’autonomie - ils sont en tout cas restés fidèles pendant le dernier conflit. Par contre, les Russes comme les Ossètes (bien que ces derniers parlent une langue persane) et les Arméniens sont des chrétiens ... comme les Georgiens ! Les Abkhazes, eux, sont en majorité musulmans - mais il y a aussi des chrétiens dans cette population, et l’épuration ethnique qui a visé les Georgiens lors du conflit du début des années 1990 - plus de 200.000 réfugiés - ne semble pas avoir eu une connotation religieuse. Compliqué, non ?

Autre élément géopolitique clé dans ce conflit, le pétrole : la presse aura révélé au grand public l’importance du pipe-line reliant la Caspienne à la Mer Noire à travers la Georgie, seule route évitant la Fédération de Russie, et les menaces d’étranglement par le régime qui la dirige actuellement ! Petit détail (jamais évoqué, alors que l’on aura abondamment parlé des ventes d’armes israéliennes à la Georgie, elles-mêmes fortement ralenties avant la guerre du mois d’août suite à des pressions russes), l’Azerbaïdjan est un des principaux fournisseurs de pétrole de l’État d’Israël ... avec d’autres pays musulmans, comme l’Égypte et le Nigeria !

Alors, « gentils chrétiens » contre « méchants musulmans », toujours votre grille de lecture ?
Il y a enfin une autre dimension, celle-là de principe et par rapport à laquelle - même si nous avons eu droit à des articles dégoulinants de complaisance envers la Russie, mais j’y reviendrai dans un autre article - je crois nécessaire d’avoir une position à la fois claire et définitive : celle de la dialectique opposant « l’intangibilité des frontières », et « le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Plusieurs décennies après la décolonisation et près de vingt ans après la disparition du dernier empire colonial de la planète (l’URSS), force est de constater que toutes les frontières sont artificielles, et qu’il y a des peuples répartis sur les territoires d’États voisins. Cela a donné et donne encore quelques millions de victimes lors d’interminables conflits en Afrique. En Europe, quinze ans après la guerre des Balkans, les Occidentaux - en contravention flagrante de la résolution 1244 du Conseil de Sécurité - ont reconnu l’indépendance de la province serbe du Kosovo, qui risque rapidement de devenir partie prenante d’une « grande Albanie ». Un précédent dangereux, qui pourrait servir demain par exemple aux Arabes israéliens de Galilée réclamant d’abord leur indépendance, puis leur rattachement à un futur État palestinien - on notera d’ailleurs qu’Israël s’est refusé à reconnaître l'indépendance de cette province ! Exploitant ce prétexte, les Russes viennent de se venger en venant « au secours » des Ossètes ... qui réclament le rattachement à leurs frères d’Ossétie du Nord, elle-même partie intégrante de la Fédération de Russie. Et en pratiquant la même technique de grignotage à d’autres populations vivant de part et d’autre de leurs frontières, Poutine risque de reconstituer demain l’empire soviétique disparu !

Alors, « gentils Américains » contre « méchants Serbes », toujours votre grille de lecture ?

J.C