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24 janvier 2007

"Ch’ah, la gargoulette et les élections présidentielles", par André Nahum

Introduction :
J’ai souvent publié sur le blog des billets de mon ami André Nahum, qui a le rare talent de faire comprendre des analyses assez fines dans une langage clair et direct. Ce matin, il a lu un papier particulièrement savoureux, et bien dans la note « orientaliste » de mon émission et de ce site ... Nous avons eu droit en effet à une « histoire de Ch’ha », ce « bouffon mythique des bords de la Méditerranée » comme il le désigne fort justement ; et à partir de cette parabole, il nous a invité à nous méfier des promesses électorales, d’où qu’elles viennent !
Petite parenthèse avant de vous laisser le plaisir de lire ce billet. Hier soir se tenait le 22ème dîner annuel du CRIF, où l’invité d’honneur est traditionnellement le Premier Ministre. Quatre candidats à l’élection présidentielle y ont fait une apparition, plus ou moins prolongée (Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy, François Bayrou et Corinne Lepage) ! Et alors que j’évoquais - pour vous présenter le petit film mis en ligne hier - la présentation souvent déplorable d’Israël dans nos médias, il a été largement question dans les discours officiels de l’amitié retrouvée avec la France. Sans surprise, l’ombre des menaces génocidaires de l’Iran a aussi marqué le discours du Président du CRIF, Roger Cukierman, qui achève son dernier mandat cette année (lire sur le site du journal "Le Monde" et le texte complet sur le site du CRIF).
J.C

"Bonjour.

Cette fois la campagne électorale est bien commencée.

Chaque candidate ou candidat déclaré ou potentiel nous assure la main sur le cœur de sa sincérité et son désintéressement et nous promet des lendemains particulièrement lumineux. Tous ces hommes et ces femmes ne sont mus, bien sûr que par le désir d'améliorer notre destin. Comme dit l'autre, nous le valons bien.
Mais qui faut-il croire ? A qui peut-on faire le plus confiance ? Qui faut-il choisir ? C'est une autre question.
Sans rapport aucun avec les élections et les candidats, j'ai envie pour vous détendre un peu en ces temps plutôt moroses de vous raconter ce matin une des blagues les plus populaires de Ch'hâ, ce bouffon mythique des bords de la Méditerranée que l'on appelle aussi Djoha ou Jeha. Étant fort démuni, ce personnage remplit un jour une petite amphore, de bouse de vache qu'il recouvrit d'une couche de miel. Il la chargea sur son âne et parcourut les rues de la ville en criant : Ô toi qui achètes sans voir, je vends pour un dinar deux doigts de miel et le reste c'est des excréments.
Attirée par le prix particulièrement bas une dame trempa son doigt dans la gargoulette, trouva le miel bon et l' acheta . Rentrée à la maison, elle ne fut pas longue à réaliser que son miel n'était pas vraiment du miel, pour le moins qu'on puisse dire. Furieuse, alla se plaindre au juge du lieu, le cadi. Celui-ci fit amener Ch'hâ enchaîné entre deux gendarmes et le menaça de la prison pour avoir escroqué une cliente qu'il avait trompé sur la qualité de sa marchandise.
Prenant son air le plus innocent, Ch'hâ se défendit avec véhémence :
- Je n'ai jamais escroqué personne dit-il. J'ai bien prévenu cette dame que dans ce que je vendais il y avait seulement deux doigts de miel, le reste étant ce que vous savez.
- Est-ce exact demanda le magistrat à la plaignante ?
- Oui, répondit la dame, c'est tout à fait vrai. Il me l'avait dit.
- Et alors hurla le juge pourquoi avez-vous quand même acheté ?
- A vrai dire répliqua-t-elle en baissant les yeux, je ne l'ai pas cru. Je ne pouvais pas imaginer qu'il disait vrai et que sous deux doigts de miel il y avait cette matière horrible. Je pensais que c'était là un des tours dont il était coutumier.
- Dans ce cas déclara le cadi, voici mon jugement : Ch'hâ est innocent et sera immédiatement relâché et vous madame, êtes condamnée à cent dinars d'amende pour avoir dérangé sans raison la cour.

De cette histoire je retirerais deux morales :
Tout d'abord, lorsque quelqu'un vous annonce franchement que ce qu'il vous propose ne vaut rien et que vous n'en tenez pas compte parce que vous persistez à vous fier à l'apparence, vous ne devez vous prendre qu'à vous même. Ensuite si vous achetez du miel ou n'importe quoi d'autre, ne vous contentez pas d'un examen superficiel, mais assurez vous que la marchandise que l'on vous propose correspond bien à ce que vous en attendez. Pourquoi est-ce que je vous raconte cette édifiante histoire de Ch'hâ alors que je voulais vous parler des prochaines élections ? Je ne saurais vous le dire. Mais tout de même, avant d'arrêter votre choix sur un candidat ou une candidate, assurez vous que c'est bien du miel qu'il ou elle va vous apporter et pas seulement un leurre."

André Nahum