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17 août 2006

Le Hezbollah, "chaînon manquant" des écrans de télévision

Combattants du Hezbollah faisant le salut nazi lors d'une parade


Introduction :
Après mon rapide panorama des télévisions internationales dans le "post" d'hier, un billet d'humeur à propos des télévisions françaises. Avez-vous par exemple vu une seule fois cette image sur vos écrans ? Il circule plusieurs photos du même genre sur le Web, défilés du "parti de Dieu" au pas de l'oie à la mode hitlérienne, saluts nazis bras tendu en pleine ville de Beyrouth ou à la frontière d'Israël ... L'agence israélienne MENA, basée pendant des années juste en face de positions Hezbollah dans la petite ville de Metula, a envoyé sans succès et à plusieurs reprises une photo du même genre à la presse française : et aucun journal n'a osé la publier ! Pratiquement aucune image des miliciens chiites, non plus, pendant la dernière guerre du Liban, nos chaînes de télévision présentant d'un côté une armée israélienne surpuissante, et de l'autre des civils désarmés. Paule-Henriette Lévy, rédactrice en chef de notre radio consœur RCJ, a parlé la semaine dernière de ce "chaînon manquant" de l'information dans un "rebond" du journal "Libération". Bravo pour cette mise au point !
J.C

Au Liban, une guerre entre soldats
"Que voit-on sur nos postes de télévision ou dans les news magazines ? Une armée, celle d'Israël, organisée, forte, en habit militaire kaki, qui se bat. Les journalistes de la presse internationale peuvent suivre, je l'ai fait, les combats de ce côté-là du front. Et on voit, de l'autre côté, un peuple qui souffre dans sa chair, des mères hagardes de douleur tenant des enfants morts dans leurs bras, des populations déplacées, et Beyrouth, ce bijou de l'Orient, à peine reconstruit qui fume sous les bombardements de Tsahal. La guerre qui se joue par l'image, devant nous, est bien celle-là, injuste, inacceptable. Un face-à-face odieux où agresseurs et martyrs sont clairement identifiés.

Seulement voilà, un élément manque, et ce chaînon-là, essentiel, fausse l'image à tel point que le vrai devient faux, et que tout ce qui nous semblait jusque-là évident n'est que supercherie. Cet élément manquant, absent des écrans de télévision et des pages de magazines, qui se cache dans l'ombre, c'est le Hezbollah. On voit donc une guerre «sur le terrain» avec une armée face à des civils sans défense. Alors qu'en vérité il s'agit bien d'une armée, mais face à une autre armée : le Hezbollah. On en parle comme d'un tout compact... mais c'est un tout fait de «combattants».

On connaît les liens de cette organisation avec la Syrie et l'Iran qui l'arment sans relâche, et on aperçoit parfois son chef, Hassan Nasrallah, d'apparence paisible en dépit de propos virulents, haineux, antisémites. Mais les membres du Hezbollah ne sont jamais photographiés, jamais filmés et leurs treillis olive sont absents des écrans du monde.
Il n'y a pas un «front Hezbollah» que les journalistes pourraient suivre pour témoigner, mais des rampes de lancement qui se déplacent, des camionnettes blanches remplies de mines rectangulaires, les lits asséchés des rivières pour «planquer» les lance-roquettes, ou des habitations de civils qui servent de cache d'armes.
Les hommes du Hezbollah, à l'instar des soldats israéliens, sont jeunes, surentraînés depuis des années dans des camps militaires qui ne portent pas, eux non plus, le nom de «bases». Cette armée tient entre ses mains l'arme la plus redoutable de toutes : l'art du camouflage.
Pas d'interview, pas de témoignage, pas de commentaire, pas de visage fatigué, pas de mort... Rien, et les civils libanais ne sont pas, seulement, pour eux, un bouclier humain. Ils sont un écran opaque qui fait oublier ces soldats d'un genre particulier, sans nom et sans visage.
Oui, la guerre qui se joue, ne nous y trompons pas, pas encore, est celle d'une armée israélienne contre une autre armée «hezbolienne».

La guerre qui se joue est un corps à corps entre des soldats contre d'autres soldats, des missiles contre d'autres missiles ... et là, soudainement, les plateaux de la balance s'équilibrent.
Il n'y a pas des agresseurs et des martyrs, mais des agressés et des attaquants, au dire même du président de la République française qui, dans une interview au Monde le 26 juillet, reconnaissait l'agresseur dans le Hezbollah. Alors quoi ? Mensonge par omission et manipulation habile de l'opinion... ?"

Paule-Henriette Lévy
"Libération", 9 août 2006