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31 mai 2006

L'islamisme, maladie de l'islam : écoutez Abdelwahab Meddeb sur le Web (premiere partie)


Voici le podcast de mon émission avec Abdelwahab Meddeb, diffusée le 21 mars 2004

Pour l'écouter appuyer sur le bouton "play" ci dessous ou téléchargez-le ici.



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Podcast-logo2
Abdelwahab Meddeb est écrivain, poète et universitaire - il enseigne la littérature comparée à Paris X Nanterre. Il est né à Tunis dans une famille d’intellectuels prestigieux. Producteur sur France Culture de l’émission « Cultures d’islam », il a écrit une dizaine d’ouvrages et de nombreux articles dans plusieurs revues. Je lui rendrai hommage dans un futur article, car c’est un intellectuel musulman qui a clairement intégré la nécessité d’une réconciliation judéo-arabe, fondée sur un respect réciproque. J’ai consacré (et c’est assez exceptionnel) deux émissions à son livre « La maladie de l’islam »(Editions du Seuil). Il s’agit d’un ouvrage qui m’a passionné, et dont je recommande bien sûr vivement la lecture à tous nos auditeurs et aux lecteurs de ce blog. Il était impossible, en seulement 25 minutes, d’évoquer les treize siècles d’histoire de la pensée musulmane qu’il est parvenu à synthétiser en environ 210 pages, c'est pourquoi il y a eu deux émissions. Dans ce livre, il nous dit que l’intégrisme, désastreux en Terre d’islam pour les populations et agressif envers le reste du Monde, est une maladie, comme l’intolérance fut la maladie du catholicisme et le nazisme la maladie de l’Allemagne. Il prouve aussi que les deux courants, celui de l’ombre et celui des lumières, se sont, en fait, toujours affrontés à travers les siècles, ce qui démolit, et c’est une bonne chose, les schémas simplistes conduisant soit à la diabolisation, soit à la complaisance. J’ai partagé cette interview en deux parties : celle diffusée le 21 mars 2004, où nous avons évoqué le passé d’une civilisation qui ne fut jamais monolithique ; et puis une seconde émission, diffusée le 4 avril 2004, où nous avons parlé du monde contemporain, de la propagation récente de cette maladie islamiste, et où nous avons confronté nos idées à propos de ce qu’il appelle « la culture du ressentiment ». Le « podcast » de cette deuxième émission sera mis en ligne la semaine prochaine.

J.C

30 mai 2006

Al-Qaïda cherche à isoler l'Amérique : une analyse inquiétante d'Alexandre Adler dans "Le Figaro"

Introduction :
Alexandre Adler se trompe parfois dans sa prédictions - et il est le premier à faire preuve de modestie lorsque les faits ne lui donnent pas raison. Par contre, il a un talent incomparable pour dessiner une vue "aérienne" des affaires du Monde, donner un sens aux évènements, et relier des informations dont les journaux ne nous livrent qu'une vue éclatée. Dans sa dernière chronique publiée le 25 mai dans le journal "Le Figaro", il nous démontre qu'Al-Qaïda est peut-être bien en train de réussir à isoler les États-Unis ; et que l'administration Bush a cumulé les erreurs, en s'engageant de façon unilatérale dans ce qui devrait être le combat commun du monde civilisé contre la terreur islamiste.
J.C

"C'est à juste titre qu'on se méfie de plus en plus, en matière de géopolitique, des synthèses trop vastes. Comme en économie politique, les panoramas macroéconomiques exagérément ambitieux ont pour effet pervers de négliger trop vite les raffinements de l'analyse des comportements des entreprises et des consommateurs. Même ici, les synthèses panoramiques nous font le plus souvent rater les importantes complexités du comportement des acteurs réels. Malgré cette mise en garde, nous voudrions pourtant ici partir du survol le plus général possible de la situation stratégique, de manière à mieux faire comprendre le point incandescent que nous sommes en train d'atteindre.

Deux interprétations excessives peuvent être données de la vague terroriste, organisée principalement par al-Qaida, à partir de l'an 2000. Pour le parti pacifiste-isolationniste qui demeure majoritaire en Europe, il s'agirait, pour l'essentiel, d'un fait divers criminel démesurément grossi par le choix d'une cible new-yorkaise ; pour les protagonistes d'al-Qaida elle-même, ce serait, au contraire, le point de départ d'une lutte apocalyptique, dont l'issue ne pourra être que le triomphe de l'islam révolutionnaire.

Si l'on prend toutefois une approche différente de ces deux pôles, on tendra à considérer l'offensive djihadiste non pas dans le langage de ses protagonistes, mais dans la visée stratégique qui, du reste, pourrait bien être celle de ses cerveaux les plus exercés, l'Egyptien Zawahiri ou l'un quelconque de ses officiers généraux pakistanais qui, depuis le début, aura prêté son concours à l'entreprise. On dira alors que, sans illusions sur sa force intrinsèque, al-Qaida s'est lancée la tête en avant, afin de créer, pour ainsi dire, une réaction en chaîne qui contraigne peu à peu des forces de plus en plus importantes à entrer dans l'action. Certes, ce plan beaucoup plus rationnel qu'il ne semble a eu ses ratés, par exemple au Pakistan, dont le général Musharraf a su geler la crise ; cependant, une série de mouvements profonds se sont produits qui lui confèrent toute sa validité stratégique : avec la conquête de l'Irak, les Etats-Unis entraient, en effet, dans une zone sismique ultrasensible.

Si le basculement de l'Irak dans un djihad de masse ne s'est pas produit et si l'émergence d'un véritable pouvoir chiite-kurde est tout de même un grand succès à moyen terme de la stratégie américaine dans toute la région, le contrecoup de l'opération n'a, lui, pas pu être maîtrisé. L'émergence d'un nouveau pouvoir chiite arabe, à partir de l'Irak, a provoqué tour à tour une très forte montée du sunnisme extrémiste en Arabie saoudite et un basculement plus panislamiste que strictement sunnite d'un mouvement de masse égyptien, celui des Frères musulmans, vers un affrontement décisif avec le pouvoir encore semi-laïque du Caire.

La victoire très problématique du Hamas, en Palestine, appartient à ce dernier cycle. Mais enfin, surtout, la très forte convergence entre intérêts américains et iraniens en Irak provoquait en retour une résistance désespérée de la cléricature la plus réactionnaire, qui imposait d'abord la victoire électorale truquée d'Ahmadinejad, ensuite l'intensification délibérée de l'affrontement sur le nucléaire.

A ce stade, le troisième étage de la fusée Ben Laden se déclenche. Le processus de mondialisation conduit par les Etats-Unis depuis 1990, et accéléré dans ses postures militaro-industrielles par le 11 Septembre, ne pouvait à terme qu'engendrer une certaine polarisation. C'est ici que l'Administration Bush aura sans doute le plus péché par ignorance, bien davantage que par arrogance, en omettant de tout faire pour que le pôle islamisant du Moyen-Orient demeure isolé sur la scène mondiale. Tour à tour, l'Amérique latine oubliée, la Russie dédaignée, la Chine sous-estimée se sont placées en position hostile à la stratégie américaine, tandis que croissait l'isolationnisme des principales nations européennes. Si, en Amérique latine, les fautes aberrantes commises par le groupe Chavez-Castro sont en train de produire des contrepoisons au Brésil, au Mexique et au Chili, la faute fondamentale s'est produite à Moscou.

Alors que les intérêts profonds de la Russie devraient la conduire à combattre le djihad, à contenir la puissance de la Chine et à constituer un tissu de relations énergétiques avec le reste de l'Occident, une diplomatie sans générosité a propulsé sur le devant de la scène le vieux parti arabo-centré et antisémite qui faisait la pluie et le beau temps à la fin de l'ère Brejnev. L'aggravation des polémiques avec Poutine, sans ouverture vers une alternative meilleure, conduit à l'éclipse de la puissance russe. Si la dépendance chinoise envers le libre-échange mondialiste est beaucoup plus grande, il existe néanmoins un parti antimondialiste à Pékin, qui pousse les feux d'une alliance stratégique avec Moscou et d'une déstabilisation du processus de paix indo-pakistanais.

Nous en arrivons donc aux deux équations de base qui ont déclenché l'offensive djihadiste de l'an 2000, Palestine et Cachemire. Malheureusement, au moment d'enclencher cette bataille décisive, l'Amérique a perdu la plupart de ses alliés potentiels, tandis que la politique sociale étroite de George W. Bush en interne affaiblissait le soutien de l'opinion publique à la guerre. Nous aurons bientôt à déplorer tous ensemble cet affaiblissement de la position américaine. "

Alexandre Adler

29 mai 2006

La presse arabe : langue de bois ou reflet de l'opinion ? Chawki Freïha sera notre invité le 4 juin

Tous les abonnés de l'excellent journal en ligne proche-orient.info (en lien permanent sur le blog) peuvent avoir une source exceptionnelle d'informations grâce à la "revue de la presse arabe". Celle-ci est réalisée par Chawki Freïha, journaliste d'origine libanaise qui analyse les articles les plus percutants et en donne une traduction condensée. J'aurais le plaisir de l'avoir pour invité le 4 juin prochain.

Cela sera l'occasion d'aborder un nouveau volet de notre approche sociétale du monde arabe. Car en France, en Europe, on ne connaît pas grand-chose de l’opinion publique dans ces pays : on ne voit, de temps en temps, que des images de foules hurlant leur colère - par exemple à l’occasion de l’affaire des caricatures de Mahomet - et il en ressort l'idée, un peu simpliste, d’une « rue arabe » unanime dans sa colère anti-occidentale. Pourtant il existe d’autres canaux pour connaître cette opinion, comme l’écoute des télévisions - proche-orient.info offre d’ailleurs une veille remarquable des télés arabes. Et puis il y a la presse écrite, c’est normalement, dans des démocraties parfaites - ce que ne sont pas malheureusement pas la plupart des états arabes -, un espace de recul ou d’analyse si les journaux remplissent leur rôle ; mais c’est aussi, hélas, une manière de perpétuer une vision figée du monde, de faire de la propagande ou de cultiver les rancœurs. Nous ferons ainsi un petit voyage : presse arabe "internationale" publiée à Londres ; presse du Maghreb qui oscille entre une timide ouverture au Maroc ou une répression en Algérie ; presse libanaise qui a payé très cher son soutien à l'indépendance face au "parrain" syrien ; presse égyptienne qui oscille entre professionnalisme et délires populistes ; et puis, de plus, en plus, les sites Internet et les blogs qui sont autant d'espaces de liberté. Et nous essayerons, ainsi, de répondre à la question : la presse arabe, langue de bois ou reflet de l'opinion ?

J.C

28 mai 2006

Judaïques FM : une belle histoire - et une aventure qui continue !

Ceci n'est pas une publicité clandestine ...
mais une photo pour vous donner envie de nous écouter !

Introduction :
Gérard Akoun assure la direction de notre radio avec Iris et Vladimir Spiro. A côté de son travail principal ... il est directeur d'un laboratoire de biologie. Et cela est tout à fait à l'image de la majorité des animateurs de la station, dont le signataire de ces lignes : alors que "l'argent roi" est venu pourrir trop de médias, il y a encore sur la bande FM de la place pour des bénévoles passionnés ! Envie de partager avec des dizaines de milliers d'auditeurs, envie de servir notre Communauté tout en refusant tout esprit de ghetto, voilà ce qui caractérise celles et ceux qui font Judaïques FM. Interviewé par la revue de l'AMIF (Association des Médecins Israélites de France), Gérard Akoun vient de parler de son engagement personnel et de la radio - son histoire et son présent. Ci-dessous un extrait.
J.C

La création de cette radio fut le fruit d’une idée collective car nous nous étions rendus compte très vite que les associations telles que le Centre Medem, Identité et dialogues, le Cercle Bernard Lazare, ne disposaient pas d’une tribune d’expression sur la seule radio juive de la bande FM à l’époque. Sous l’impulsion de notre première présidente Arlette Levy Zlottowski, et avec 25 personnes qui représentaient des sensibilités associatives différentes et qui chacune donnait le même somme (5000 francs), nous avons fondé Radio Judaïques FM dans le cadre de l’APDC (« Association pour le développement des cultures juives »). Nous, les irréductibles Juifs de Gauche, nous étions heureux car nous avions enfin un lieu pour exprimer nos idées. Je me souviens comme si c’était hier de la première émission de Judaïques FM en octobre 1981. Au début, des journalistes professionnels aguerris ou débutants s’étaient engagés avec passion dans cette aventure mais très vite au bout de 6 mois en raison d’un manque cruel de moyens financiers, la publicité n’étant pas encore autorisée, il leur fallut gagner leur vie et ils nous ont donc quitté. On s’est retrouvé avec une radio, il fallut se jeter à l’eau ou abandonner et nous avons appris à devenir journalistes ... Cela a été le début d’une grande aventure qui continue encore !!!

Ma première émission a eu lieu le 19 octobre 1982, le lendemain de la mort de Pierre Mendès France. Je l’ai animée avec Annie Goldman qui est toujours présente sur notre antenne avec son émission « Itinéraires ». Cette première émission qui a duré une heure a constitué en quelque sorte mon « baptême du feu » ... Nous fonctionnons depuis 25 ans, en association avec une autre radio pendant quelques années, de manière indépendante depuis plus de 10 ans sans transiger d’un iota avec nos objectifs de départ : le pluralisme d'expression, une ouverture sur la société, un ancrage à gauche en France, un soutien pour la paix au Proche Orient, ainsi que la diffusion des cultures juives. Ce n’est pas toujours facile car nos moyens financiers sont limités, c’est le prix de l’indépendance ; nous ne dépendons d’aucune institution. Sont salariés sur notre radio les professionnels, journalistes, techniciens, secrétaire, animateurs. Près de la moitié de nos émissions sont assurées par des passionnés d’art, de culture, de musique qui enregistrent leurs émissions après leurs journées de travail. Je n’emploie pas les termes de militants ou de bénévoles qui, et c’est dommage, font sourire aujourd’hui ou provoquent l’étonnement : « Quoi ils ou elles font cela gratuitement !» Et oui ! Et souvent pour certains depuis plus de vingt ans.

Pluralisme d’expression évidemment, de Sammy Ghozlan à Théo Klein la marge est large ! Nous avons été l’objet de sévères critiques au sein de la Communauté juive car la ligne politique de la radio par rapport à Israël depuis le début a été la suivante : soutien inconditionnel à l’existence et à la sécurité de l’état d’Israël, droit de critique à l’égard des gouvernements de quelque bords qu’ils soient, tout en sachant que les décisions seront prises par celui qui est sur le terrain le peuple israélien. Je répète souvent cette phrase : « Si tu as l’impression que ton ami va se noyer, tu as le devoir de l’avertir ». Sur Judaïques FM, nous avons soutenus la gauche israélienne sans lui être inféodée. Nous ne sommes affiliés à aucun parti israélien ce qui assure notre indépendance, et nous permet à l’occasion d’exercer notre esprit critique. Il n’a guère été facile, pendant des années d’être pour deux États et d’être contre la colonisation. Que n’a t-on entendu de la part de certains auditeurs, quand nous répétions que des colonies à Gaza étaient une aberration !

Nous avons, en ce qui concerne les affaires françaises la réputation d’être une radio plutôt de gauche, nous revendiquons cette sensibilité mais sans être inféodés à un parti ce qui nous a permis de critiquer le gouvernement Jospin, le parti socialiste, pour leur mansuétude vis à vis des actes délictueux commis contre des personnes ou des institutions juives ; critiquer aussi leur négation d’une judéophobie spécifique aux islamistes ; ou critiquer pour ne pas lutter, à gauche et surtout à l’extrême gauche, contre un antisémitisme masqué par un antisionisme de bon aloi ; ou sur un autre plan, afficher notre scepticisme pour certaines réformes.

Ces cinq dernières années, nous nous sommes attaches en priorité à lutter contre la désinformation à propos d’Israël, il y avait urgence, en évitant d’en faire nous mêmes, dénonçant les dérapages des médias, la critique unilatérale systématique de la politique israélienne, mais sans démagogie de notre part. A propos d’Ariel Sharon, par exemple,bien qu’étant réservés sur sa politique entre 2001-2003, nous nous sommes toujours élevés contre sa diabolisation, nous demandions qu’on le juge sur son action gouvernementale et non sur sa réputation, et nous avons salué l’évolution de sa politique que la maladie ne lui a pas permis malheureusement de mener à son terme.

Gérard Akoun

25 mai 2006

Espérance de Paix ...

Devant la Mosquée de la Paix, 21 avril 2006
(cliquer deux fois sur la photo pour agrandir)

Merci à nouveau à Charlie Benyahya pour cette belle photo : on reconnaît à son chapeau, vêtu d’une blanche djellaba, le Rabbin Michel Serfaty, président de l’AJMF (Amitié Judéo-Musulmane de France) ; à sa gauche, son co-président, Djelloul Seddiki. Cette photo a été prise devant la « Mosquée de la Paix » de la Cité des Tarterets à Corbeil-Essonne, le 21 avril 2006, dans le cadre du deuxième « tour de l’amitié » de l’AJMF.

« Rencontre » a déjà consacré deux émissions à cette association et au travail de rapprochement qu’elle accomplit dans un contexte bien difficile. Félicitations au blog « diasporablog » (en lien permanent), qui a rendu compte de façon très complète de ce tour en banlieue parisienne. J’ai particulièrement relevé le discours de l’imam de Drancy rendu en hommage aux victimes de la Shoah (lire ici)

J.C

23 mai 2006

Hamas et F.I.S : les « faux-jumeaux »

Le Premier Ministre Hamas Ismaël Haniyeh
(photo : Associated Press)

Les dernières élections palestiniennes ont consacré, comme chacun sait, la victoire du Hamas. La corruption, la frustration, l’effet conjugué d’une éducation à la violence et d’un sentiment d’impuissance, expliquent en partie le résultat de ces élections. Le Hamas, en jouant la « carte caritative », en appuyant sur le bouton de « l’humiliation palestinienne », en tirant sur le ressort de « l’identité musulmane », a su s’attirer les faveurs de l’électorat. Y compris des femmes. Aujourd’hui, comme prévu, le pays s’achemine vers un désastre politique et social. Quelque chose qui risque fort de ressembler à ce que l’Algérie a connu.

Bref rappel : l’idée motrice de la « révolution indépendantiste » algérienne était de nature trotskiste (1). Elle conduisit l’Algérie vers un pouvoir fortement centralisé et se définissant comme laïc (2). Si les futures complicités françaises ont souvent été dénoncées, lesquelles prenaient la forme de doubles jeux - parfois même quadruples - qui impliquaient le pouvoir tout puissant des « réseaux militaires » engagés dans des « coups financiers » avec l'ancienne métropole, l’Algérie, brinquebalée par l’histoire, jouait aussi une autre carte que le joker français ... Dans ces circonstances, le pouvoir civil était quasiment ligoté. Mais, à côté de ces deux pôles, le militaire et le trotskiste, qui s’entendaient à l’occasion, se développa une influence concurrente qui se solda par la victoire du F.I.S ("Front Islamique du Salut"). Nous passerons sous silence les rivalités sanglantes du pôle islamiste - dont le G.I.A ne fut que la partie la plus visible. Rappelons-nous juste qu’avec l’élection du F.I.S, l’Algérie fut plongée dans la guerre civile qui répercuta ses ondes jusqu’en Europe. C’est que l’Algérie n’était pas préparée à cette étrange victoire : résistance des militaires, d’une part ; résistance des apparatchiks trotskistes, d’autre part ; et évidemment, même si ce n’est pas eux qui firent la différence, résistance des démocrates algériens. On assista alors à toutes sortes de massacres, tandis que la France, enfoncée dans ce second bourbier algérien, devint la cible d’attentats. Tout le monde s’en souvient.

On retrouve dans le parcours palestinien, qui ressemble de plus en plus à une « voie sans issues », beaucoup de points communs. D’abord, la doctrine originelle, tout droit importée d’Union Soviétique, qui se convertit trente ans plus tard à l’islamisme. Ensuite, on reconnaît la même technique de prise du pouvoir des éléments islamistes : avant les élections parlementaires, une main basse sur les municipalités et les grands centres urbains par la voie d’élections démocratiques. Enfin - et en cela, la Palestine fonctionne comme les pays du Tiers-Monde - une confusion entre le pouvoir civil et militaire, où le pouvoir civil appartient de facto à celui et ceux qui ont les armes et l’argent. D’une certaine manière, nous assistons aussi à une « africanisation » de la Palestine : un éclatement de la carte politique en des groupes armés rivaux où celui qui aura le plus d’argent prendra le pouvoir en sauvant plus ou moins les apparences.

C’est précisément de cela qu’Abou Mazen est en train de nous prévenir : il vient d’annoncer - le 19 Mai - que le nouveau Premier Ministre, Ismaël Haniyé, menait le pays tout droit à la guerre. Il vient d’annoncer également un effondrement du nouveau gouvernement islamiste qui devrait conduire à la tenue de nouvelles élections d’ici trois mois. En clair, il vient de nous annoncer une catastrophe programmée. Car quelle est l’alternative ? Soit un Hamas au pouvoir, qui refuse de reconnaître l’État d’Israël, qui se délie de tous les accords précédents signés sous le patronage de la Communauté Internationale ; c’est à dire un Hamas qui sabote le principe même du Droit, ce qui est finalement logique quand on sait que le Hamas reste une organisation terroriste malgré sa victoire. Et il se trouve de nombreux Palestiniens irréductibles qui ne cèderont jamais au Hamas, l’obligeant, comme cela sera de plus en plus souvent observable, à utiliser les « avertissements », les menaces, la force - dont les assassinats - pour faire taire les opposants. Soit la tenue de nouvelles élections qui, si elles devaient se conclure par la défaite du Hamas, ne seraient jamais reconnues par lui. Donc, la guerre civile de toutes façons.

Pour éviter cette guerre civile, la France, que l’on retrouve de nouveau aux côtés de l’Iran et de la Russie, défend sa position qu’elle qualifie de « légaliste » : il faut reconnaître la légitimité du Hamas, issue d’élections démocratiques. Mais c’est vite oublier une chose : quand une démocratie reconnaît la légitimité d’un pouvoir non démocratique dans ses valeurs, dans ses principes, dans son fonctionnement, elle ouvre la boîte de Pandore. C’est précisément ce que le monde est en train de voir avec l’Iran - et nous n’avons certainement pas tout vu encore ...

Alors : que faire ? Éjecter le Hamas du jeu politique, comme le F.I.S fut éjecté en Algérie, au risque de provoquer une guerre civile ? La comparaison s’arrête précisément ici, car la Palestine n’est pas tout à fait l’Algérie : si le Hamas bénéficie d’un très fort pouvoir de nuisance - aussi bien pour l’avenir de la région que du monde en son ensemble - le Hamas a deux faiblesses qui ne sont pas sans importance : d’abord, Abou Mazen, malgré tout, est resté populaire - il est le Président auquel les Palestiniens ne veulent pas renoncer. En un sens, il est le Bouteflika probable et souhaitable pour la stabilité, sinon la paix. Ensuite, le Hamas n’a pas encore suffisamment d’hommes, d’argent (pour « acheter » les hommes et les complicités), d’armes, de poids diplomatique, d’amis internationaux pour faire taire définitivement la population en l’étranglant dans ses « réseaux ». C’est pourquoi, plus que jamais, les démocraties occidentales doivent s’opposer de toutes leurs forces à Ismaël Haniyé et à son Ministre de l’Intérieur : leur abandonner les ressorts de la société palestinienne conduirait nécessairement à une guerre - dans le genre même de celle que nous avons pu voir en Algérie. Et il est à parier que celle-là aussi irait répercuter ses ondes jusque dans le cœur de l’Europe que le Hamas, comme le Hezbollah, ont déjà investi ... Voir la méthodologie du G.I.A et du F.I.S. Une chose est certaine : l’Iran et la Russie, de par leurs choix politiques, ont choisi de financer une guerre civile au profit des islamistes. Quid de la France ? De l’Europe ? La Suède, quant à elle, a déjà choisi.

Isabelle-Yaël Rose.

Notes de Jean Corcos :
(1) Benjamin Stora (voir article sur le blog) dit que la révolution algérienne fut de nature « millénariste et totalitaire », ce qui est caractéristique du trotskisme. Ceci étant, deux tendances semblent s’être affrontées au sein du parti unique (F.L.N) après l’indépendance : les trotskistes et les « islamo-baasistes », l’islamisme n’étant pas né de nulle part à partir de la fin des années 80.
(2) Cependant et dès l'indépendance, la nationalité algérienne ne fut accordée automatiquement qu'aux habitants nés de père musulman

22 mai 2006

France - Israël - Pays arabes - Iran : poker menteur ?

La crise internationale provoquée par le nucléaire iranien n’a pas fini de bouleverser les cartes au Moyen Orient. Une de ses conséquences, indiscutable, a été le rapprochement de l’Union Européenne et des États-Unis, après le « coup de froid » de l’invasion américaine de l’Irak. Les gouvernements occidentaux redoutent l’apparition d’une puissance régionale, susceptible de soulever l’ensemble du monde musulman sous la double bannière de l’islamisme ... et de la bombe. Sujet rarement abordé, cette peur prend une dimension particulière pour la France, qui craint pour ses intérêts et pour les gouvernements arabes amis. D’où une théorie intéressante, exposée par Ram Zénit, expert écrivant sur le blog « Politique Arabe de la France » (en lien permanent). Dans une analyse récente, il se demande si le rapprochement franco-israélien - marqué notamment par l’accueil chaleureux fait l’année dernière à Ariel Sharon -, n’est pas du à l’émergence de cette menace (lire l'article).

Paradoxalement, ce serait donc en raison de l’axe franco-arabe (nullement remis en question), qu’Israël redeviendrait un ami. Une théorie qui fait réfléchir, mais à laquelle on peut opposer aussi quelques réserves : par exemple, comment gérer une telle politique extérieure vis-à-vis des Palestiniens, qui ont choisi un gouvernement Hamas soutenu par Téhéran ? Le soutien à la cause palestinienne et l’hostilité aux États-Unis ne sont-ils pas devenus tellement forts dans l’opinion publique française, qu’ils rendent impossible tout rééquilibrage diplomatique ? Les gouvernements arabes se sentent-ils réellement menacés par l'Iran, où bien préfèrent-ils tirer leur épingle du jeu, en négociant en catimini leur "neutralité bienveillante" face à la république islamiste ?

Lire (ou relire) sur ce sujet notre article publié le 22 janvier sur le blog.

J.C

21 mai 2006

Une action humanitaire - ou un geste politique ?

Accueil de Tarek Abou Rajab,
point de passage d'Erez, 20 mai 2006
(photo Reuters)
Photo pas vue

Il s'appelle Tarek Abou Rajab, c'était le responsable des services secrets palestiniens à Gaza ; un proche du président de l'Autorité, Mahmoud Abbas. Depuis plusieurs semaines, la situation est explosive là bas, et les observateurs craignent une véritable guerre civile entre les milices du gouvernement Hamas et les forces de police liées au Fatah, le grand perdant des élections. Suite à un attentat, Tarek Abou Rajab a été très grièvement blessé. Et c'est ... en Israël, à l'hôpital Ichilov de Tel Aviv, qu'il a été conduit pour être soigné. D'où cette étonnante photo, qui mérite de figurer dans la galerie des "pas vus". Peut-être parce qu'elle ne cadre pas avec l'image "de méchant" trop systématiquement accolée à l'état juif. Ou peut-être aussi, parce qu'elle illustre les relations qui sont conservées avec l'entourage de Mahmoud Abbas, ce qui apporte un peu d'optimisme pour l'avenir.

J.C

Deux ans avant les attentats de Madrid, trois ans avant ceux de Londres - quand Antoine Sfeir parlait des filières islamistes en Europe


Antoine Sfeir, photo tirée du site de TV5


Introduction :
Le 24 février 2002, mon ami Serge Zerah (qui travaillait à mes côtés dans le cadre de l’émission) et moi-même avions le plaisir de recevoir le grand orientaliste Antoine Sfeir, à propos de son livre « Les réseaux d'Allah, les filières islamistes en France et en Europe » (Éditions Plon, 2001). Nous avons évoqué à un moment de l’interview les mouvances islamistes en France, et notre invité a illustré de façon magistrale comment un jeune né en France dans une famille issue de l’immigration pouvait basculer, peu à peu, dans la violence terroriste alors que l’intégration des générations précédentes s’était faite sans problèmes.
Ci-dessous un extrait de l’interview.
J.C

Serge Zerah :
Le Tabligh qui se proclame mouvement actif, pur, et apolitique est semble t-il contrarié par ses adeptes. D’un côté, il prône la religion : rien que l’islam dans son intégrité avec ses principes de base, et l’importance donnée aux hadiths. De l’autre, une impatience de ces jeunes recrues qui appuient un débordement pas toujours réussi vers un semblant d’islamisme militant. Pensez-vous qu’avec la période d’expansion politique de l’islam, cette attitude puriste peut encore tenir ?

Antoine Sfeir :
Oui et non. Si vous me permettez, j’aimerais qu’on s’arrête un peu à ce qui se passe vraiment en France. Parce qu’on peut se poser la question : pourquoi aujourd’hui y en a t-il tellement au point que l’on a retrouvé des soldats français de Ben Laden, d’Al-Qaïda en Afghanistan ? Je pense qu’en France il y a quelque chose de formidable. La première génération que l’on est allé chercher dans les années 60 ne pose pas problème. En 1965, à Billancourt vous aviez déjà les salles de prière sur les chaînes de montage. La deuxième génération ne va pas non plus poser de problème, elle va opérer une intégration socio-économique en montant des petites et moyennes entreprises. En même temps il y a eu en France dés 1974 l’application de la loi sur le regroupement familial. Ce regroupement familial va multiplier le nombre des musulmans en France. La troisième génération, paradoxalement va naître française, totalement française : elle ne connaît pas le pays d’origine, elle ne connaît pas l’islam. Dans un premier temps, il va y avoir une volonté de droit à la ressemblance. Mohamed va devenir Momo. Rachid va devenir Rad. Nabil va devenir Nab. On est au stade de la préadolescence. Vers douze ou treize ans, ce gosse, qui est français mais qui voit une différence dans le regard que les autres lui portent, va découvrir son islamité. A partir de ce moment va commencer une véritable déstructuration identitaire.

Jean Corcos :
Vous présentez cela très bien dans votre livre en montrant que les parents sont incapables d’expliquer à leurs enfants à la fois leur culture, leur religion, et leur identité qu’ils vont être obligé d’aller chercher à l’extérieur.

Antoine Sfeir :
Exactement, et la première rébellion de ce cet adolescent va se dérouler contre le père et le grand père qui ne lui ont rien dit sur son pays d’origine, ni sur l’islam. Dans son esprit, il va y avoir une mystification de son pays d’origine et de l’islam d’autant que cette déstructuration identitaire va accompagner une déstructuration familiale. Traditionnellement, la famille orientale, musulmane, connaît le pouvoir patriarcal. Or, au fil des années, ce pouvoir patriarcal s’est complètement liquéfié ; il a passé le relais au pouvoir du savoir. Comble de l’aberration, dans la famille le pouvoir du savoir est tenu aujourd’hui par la jeune fille de la maison qui réussit à l’école, à l’université, et comble du comble, qui trouve du travail. Ce jeune homme qui voit cela ne comprend plus et, dirions nous dans un langage familier, est complètement paumé. Cette double déstructuration va le pousser à chercher ailleurs, au dehors, et sa restructuration identitaire va s’articuler autour de l’islam. Il va se découvrir musulman. Alors de plusieurs choses l’une, il va traverser la rive pour aller dans une mosquée quelconque. Si on prend l’exemple de Hervé Djamel Loiseau, ce soldat retrouvé mort en Afghanistan, il va traverser la rue à Belleville et va se retrouver dans la mosquée Abu Bakr, du Tabligh dont vous parliez, et dont le courant d’opinion indo pakistanais, qui a simplifié jusqu’à le rendre simpliste le discours islamique ou coranique, va commencer à baliser dans la personnalité de Djamel Loiseau. Mais comme vous le dite aussi très justement, ce courant piétiste ne suffit pas. Bien qu’il remplisse totalement la vie du croyant, il ne suffit pas : ce jeune homme demande de l’action. Une fois qu’il a été islamisé ou ré islamisé, il va vouloir agir. Mais le terrain est balisé et là il va être « repéré » et « ciblé ».

19 mai 2006

Kadhafi est-il redevenu fréquentable ?

Les États-Unis viennent d'annoncer la reprise des relations diplomatiques avec la Libye ... aboutissement d'un long processus, marqué surtout par l'abandon par Tripoli de son programme d'armes de destruction massives. On aura ainsi découvert - belle contre-performance des services secrets - que Tripoli avait acquis du plutonium et un début de technologie nucléaire pour fabriquer la bombe. La chute de Saddam aura au moins permis de l'effrayer un peu !

Reste que les Occidentaux, plus assoiffés de pétrole que jamais, font à nouveau l'impasse sur les Droits de l'Homme pour se réconcilier avec un dictateur mégalomane. Je vous avais parlé, à plusieurs reprises sur le blog, de la condamnation à mort de six membres innocents du corps médical (voir article : "Sauvons les cinq infirmières bulgares et le médecin palestinien"). Maître Emmanuel Altit, leur avocat, avait été l'invité de mon émission le 15 janvier dernier. Suite aux pressions internationales, un nouveau procès devait avoir lieu le 15 mai, mais il a été immédiatement ajourné pour le mois prochain ... et les États-Unis n'ont même pas attendu leur libération pour normaliser leurs relations avec ce régime !

Quand à Kadhafi, on ne peut pas dire que - sur le plan des discours, au moins - il se soit calmé. Ci-dessous, vous pourrez voir la vidéo de son dernier discours de Tombouctou diffusé le 10 avril par la chaîne qatariote "Al Jazeera". Il prédit que l'Europe, puis les Etats Unis, finiront par devenir musulmans.

J.C

17 mai 2006

Le "système Chirac – de Villepin" : une tribune libre d’Isabelle Rose


Jean-Louis Gergorin,
présenté dans les médias comme
le "corbeau" de l'affaire Clearstream
(photo REA/Gilles Rolle)

Introduction :
Ceux qui apprécient la plume de mon amie Isabelle (depuis peu Yaël, voir article du 8 mai ...) devinent qu'elle n'a pas été trempée dans le miel pour traiter de cette pénible affaire, qui ne fait pas honneur à notre pays. Là-dessus, le tir sur ambulance n'est heureusement pas une discipline olympique homologuée, même si les journalistes ne s'en privent pas quand il n'y a plus grand chose à craindre - en fin de mandat présidentiel, par exemple. Mais l'analyse que vous lirez mérite d'abord d'être lue pour son originalité : l'auteur parle de la politique étrangère française, et de son exclusion du débat comme symptôme - un de plus - d'une démocratie en crise.
J.C

Tribune Libre

En politique, tous les coups furent toujours permis. Et les électeurs le savent qui ne se font pas grande illusion sur les mobiles des hommes politiques. On peut même dire que jusqu’à un certain point, le citoyen, dans sa grande miséricorde, autorise le politique dans ses mobiles car il ne regarde qu’une chose : l’efficacité pratique. En ce sens, l’électeur n’est pas un moraliste, pas plus qu’un idéologue : l’électeur est tout simplement pragmatique. Pour lui, il n’y a qu’un péché capital en politique, péché qu’il sanctionne par son vote car il n’admet aucune absolution : l’impuissance.

Les rumeurs, les scandales, la diffamation, les coups tordus, les complots, tout ce que l’esprit humain peut inventer de rumeurs et de mensonges, sont depuis toujours dans les manières des hommes politiques. Ils sont même des techniques de gouvernement. Cependant, leur nature et la manière dont ils sont utilisés servent également d’indicateur - de symptôme - à partir duquel on pourra juger de la viabilité d’une société.

Dans une démocratie vivante, en bonne santé, l’équilibre des Institutions et des rapports de force dans la société met un frein à l’utilisation sans borne de la diffamation : la liberté de la presse, l’indépendance de la Justice, la parole libre du citoyen, la variété de la pensée, coupent l’herbe sous le pied à la « parole mensongère ». En clair, il se trouve toujours une parole pour répondre à une autre parole. Une société déséquilibrée, contaminée par la pensée unique, ne permet plus au corps social de développer des anti-corps : on assiste alors à une sclérose du politique et de la pensée. Et avec elle s’installe le règne du commérage qui témoigne non seulement du vide intellectuel et politique, de l’absence d’une vision et d’un projet efficace, mais aussi d’un très grave désordre moral. Avant chaque fin d’empire, on retrouve toujours ce même duo : complots - diffamation - verrouillage. C’est de cela dont périrent Athènes, Rome, Byzance, mais aussi la IIIème République en France. Chirac - de Villepin deviendront très certainement des cas d’école.

S’il fallait résumer leur technique de gouvernance ( !) et leur vision du monde (!!), on pourrait le faire très aisément : pour la technique, la ménagère dirait « cancans ». Pour la vision, une image - et non pas une idée - obsolète de la France et de la puissance. En gros, le monde, ses tensions, ses urgences, se sont arrêtés à De Gaulle (la guerre froide). On retrouve le « cancan » dans tous les dossiers chauds : la Yougoslavie, l’Irak (USA), la Côte d’Ivoire, Israël. Certes, il fut toujours d’usage de diaboliser l’adversaire : la diabolisation vaut justification. Elle est le costume de carnaval qui permet de cacher ses véritables intentions. Elle autorise l’acte de guerre qu’elle vend à l’opinion. Mais le phénomène le plus extraordinaire est que cette diabolisation est devenue système. Système d’autant plus parfait que l’opinion publique est verrouillée par le haut : contrairement à ce que l’on a pu voir aux États-Unis, par exemple, l’opposition à la politique étrangère est a priori impossible en France. Mieux : au Parlement, la gauche n’offre aucune alternance à la politique étrangère de la droite - ou inversement. Pire : l’extrême - droite et l’extrême - gauche parlent à l’unisson. Ce fait est parfaitement unique dans le monde : en Espagne, en Allemagne, aux USA, à titre d’exemples, la politique étrangère est aussi objet de débats ; dans la France chiraquienne, blocage total. En ce sens, la France actuelle ressemble très fortement à la Russie de Poutine. Et de la même manière qu’il faudra attendre le départ de Poutine pour voir de nouveau émerger une alternative - dans le scénario le plus optimiste - il faudra attendre celui de Chirac - de Villepin : une confrontation Ségolène Royal - Nicolas Sarkozy (toujours dans le scénario le plus optimiste) serait ce qui pourrait arriver de mieux à la France ; elle permettrait de redessiner les contours politiques, idéologiques et intellectuels du débat politique. Dit autrement : sortir d’une longue période de glaciation.

Alors certes, pour répondre à l’affaire Clearstream, Chirac et de Villepin nous auront de nouveau servi la seule chose qu’ils savent faire - et encore : si mal : les grandes poses. Monsieur le Président appelle à un travail silencieux de la Justice. Le citoyen français sourit et traduit : comme pour toutes les autres affaires politiques dans lesquelles est apparu le nom du Président ou de l’un de ses proches, Monsieur Chirac en appelle à la loi du silence. Silence de la Justice. Silence de la presse. Silence de l’opposition. Il s’offusque de la dictature de la rumeur et de la diffamation. Sans doute est-ce là l’un de ces effets de l’histoire - comme un retour de boomerang : celui qui règne par la dictature de la diffamation périra par la diffamation ... ou comment l’arroseur devient l’arrosé. A croire que Chirac et de Villepin sont les enfants naturels de Mitterrand. Tout cela n’est certainement pas fait pour rétablir la confiance du citoyen français dans les Institutions, les politiques, le gouvernement.

Isabelle Rose
Jérusalem, le 12 Mai 2006.

16 mai 2006

« C’est possible ? » : Emile Moatti dialoguera le 21 mai avec Mohamed Khouttoul, militant du dialogue

Mohamed Khouttoul est un responsable associatif, directeur de régie de quartier dans la ville d’Orléans. D’origine marocaine, il est arrivé en France à l’âge de onze ans, ne connaissant rien de la langue française. Deux éléments l’ont aidé à trouver sa place dans la société : une foi profonde (il est le représentant de la confrérie soufie « Alawiyya » en Région Centre), et l’impérieux besoin de rencontre et d' échange avec les autres religions monothéistes. C’est ainsi en particulier qu’il a co-écrit avec le père Bernard Neveu le livre « C’est possible ? » (Editions l’Harmattan, 16 E). Comme le dit fort justement la présentation de l’ouvrage : « Bien vivre dans un pays qui n'est pas le sien, c'est souvent très douloureux, mais c'est possible : en acceptant de mettre au jour une intimité qui n'a d'autre justification que notre foi en Dieu et l'intention de dire seulement à tous les croyants, quelle que soit leur couleur, que vivre ensemble les grâces de l'Esprit au-delà des appartenances religieuses, c'est possible. » A encourager, alors que - malheureusement - d’autres récits, ceux-là d’échecs d’intégration et d’émeutes (voir ici) ou d’endoctrinement sectaire via Internet (et là) ont été évoqués dans de précédentes émissions.

Le chemin de Mohamed Khouttoul ne pouvait que croiser celui d’Emile Moatti, militant infatigable du dialogue inter religieux. Alors qu’il n’avait pas encore écrit ce récit autobiographique, nous l’avions déjà reçu il y a plusieurs années ; c’était le 3 décembre 2000, au début de la triste période dans laquelle nous sommes entrés avec la première vague antisémite dans notre pays ; et je me souviens encore avec émotion de notre émission où ce jeune Musulman avait raconté comment il avait effacé, immédiatement, les graffitis haineux qui déshonoraient sa ville.

J.C

15 mai 2006

Save Darfur now



Photographies de la grande manifestation du 30 avril
à Washington. En bas, l'acteur Georges Clooney
(source : site www.savedarfur.org)

Enfin, la cause du Darfour soudanais commence à remuer l'opinion publique ! Merci pour ces photos à Diagne Chanel, membre du "Collectif Urgence Darfour" et deux fois l'invitée de mon émission. Ils étaient des dizaines de milliers de manifestants devant le Capitole à réclamer une intervention internationale - en particulier la protection de l'ONU - pour les habitants de cette province oubliée du monde, victimes d'un effroyable nettoyage ethnique qui a déjà fait 300.000 morts et 2 millions de réfugiés parmi cette population musulmane. Des hommes et des femmes de toutes les origines et de toutes les religions étaient présents : des personnalités politiques américaines, démocrates comme républicains ; des artistes (voir photo) ; des dignitaires religieux ; et (quel symbole !), Elie Wiesel, prix Nobel de la Paix et survivant de la Shoah. Pour en savoir plus sur cette manifestation, lire le compte-rendu sur le site "savedarfur.org" (en anglais)

J.C

14 mai 2006

Signez la pétition : il faut sauver Leila !

Execution d'une Iranienne, mars 2001
(source : site http://www.abolition.fr/)

Leila, âgée de 19 ans, est dans l'attente de son exécution en Iran. Abusée sexuellement depuis l'âge de 8 ans, mariée à 12 ans, elle a été prostituée par son mari jusqu'à l'âge de 14 ans. Elle a ensuite été donnée à un homme de 55 ans. A l'âge de 18 ans, elle a été arrêtée puis condamnée pour prostitution, un crime puni de la peine capitale en Iran. Pour signer la pétition à l'attention du Haut Commissaire des Nations Unies pour les Droits de l'Homme, cliquer ici.

Cette barbarie moyenâgeuse me donne vraiment la nausée, et l'envie d'être plus vieux de quelques mois ou années ... lorsque les provocations du régime des mollahs auront fini par provoquer sa chute. Pour le moment, hélas, la communauté internationale reste divisée, et Ahmadinejad - le président psychopathe et antisémite - envoie de drôles de missives au président américain. Le tellement précieux site "iran-resist" publie les traductions des versions persane et anglaise de cette lettre (voir sur le lien). En attendant que ce régime sanguinaire et dangereux soit renversé, nous ne pouvons que manifester notre indignation : en signant, par exemple, cette autre pétition lancée par des femmes iraniennes pour s'opposer à la venue en Allemagne du président iranien, cet été lors de la Coupe du Monde de football ; le site "proche-orient.info" en a donné la traduction françaises, lire ce document.

J.C

11 mai 2006

« Allah et Trotski sont dans un meeting » par Caroline Fourest

Caroline Fourest
(source : site http://www.mrax.be/)
Introduction :
Je n’ai pas encore eu la chance d’interviewer Caroline Fourest, militante féministe et brillante pourfendeuse de tous les intégrismes - et en particulier de l’islamisme. Deux ouvrages publiés chez Grasset, « Frère Tariq » (cliquer ici) et « La tentation obscurantiste » (et ), dénoncent pour le premier les manœuvres cauteleuses de Tariq Ramadan qui veut faire passer les vessies des Frères Musulmans pour des lanternes progressistes ; et pour le deuxième la complaisance, voire l’aveuglement de la gauche extrême - en particulier trotskiste - devant les « nazislamistes ». Dans le journal « Charlie Hebdo » en date du 10 mai, cette collaboratrice régulière de l’hebdomadaire satirique donne un raccourci saisissant de deux récentes manifestations, le Forum social européen à Athènes, et le 23ème congrès de l’Union des organisations islamiques des France. Morceaux choisis :
J.C

« Athènes a beau être la capitale de l’orthodoxie obscurantiste, ce n’est pas le Londonistan. Le Forum social européen qui s’est tenu du 4 au 7 mai à l’ombre du Parthenon était moins croustillant que celui de 2005 - où Tariq Ramadan et ses disciples faisaient office de « guest star » (...) Il n’empêche que sur plus de trois cent débats (...), il est resté quelques scories. Alors que la question palestinienne mobilisait cinq ateliers, rien sur certains conflits, comme celui du Darfour par exemple. Alors que l’extrême droite relève le menton partout en Europe, la lutte contre le fascisme était pratiquement exclue des débats, ou systématiquement traitée sous l’angle exclusivement anti-sécuritaire. Quant à la liberté d’expression face aux religions, sérieusement remise en question après l’affaire des caricatures, un atelier lui a certes été consacré, mais sous l’intitulé « Contre l’islamophobie et le choc des civilisations : le cas des dessins danois », avec à la tribune, Tariq Ramadan (...)

Les amateurs d’obscurantisme qui auraient raté l’avion pour Athènes ont pu, pour se consoler, passer un long week-end au Bourget, où l’Union des organisations islamiques des France (UOIF) tenait son vingt troisième congrès du 5 au 8 mai. Au programme : l’union sacrée de tous les culs-bénis contre la République laïque et un large échantillon de VRP des frères musulmans et de leurs sous-marques. On pouvait ainsi croiser des prêtres pro-Papon, comme le père Michel Lelong, des protestants venus chercher des alliés pour « ouvrir » la laïcité, comme le pasteur Marcel Manoel (Fédération protestante de France), des animateurs du réseau Voltaire comme Bruno Drewski, ou encore des chercheurs complaisants comme Olivier Roy ou Vincent Geisser (...). Tout ce petit monde ne semblait guère gêné de barboter en compagnie de la crème des Frères musulmans et des deux prédicateurs vedettes de l’UOIF : Hassan Iquioussen - qui affirme que la Shoah est un complot commun des Juifs et d’Hitler pour occuper la Palestine - et Hani Ramadan - qui pense que la lapidation et les châtiments corporels sont de très bonnes choses et que le sida est un châtiment divin »

Caroline Fourest

10 mai 2006

Ch'ha, l'échelle et l'alya des Juifs de France ... un billet d'André Nahum

Introduction :
Les Juifs de France ont-ils été manipulés ? La violence antisémite - physique et verbale - dans certaines banlieues est-elle un mauvais rêve ? Pourquoi tous ces départs vers Israël (pour être plus précis : et également vers les États-Unis et le Canada) ? André Nahum a donné ce matin sur Judaïques FM son point de vue sur le débat suscité par un livre (1), largement médiatisé par les hebdomadaires "Le Point" et "Marianne". Et sa conclusion est nette : oui, les Juifs ont peur de l'avenir dans notre pays !
J.C


"Bonjour,

Je ne peux résister au plaisir de vous raconter ce matin une histoire de Ch'hâ, ou Djoha, ce bouffon mythique des bords de la Méditerranée.


Ch'hâ était tombé un jour d'une échelle et souffrait de tout son corps. Ses amis vinrent lui rendre visite et apparemment aucun d'entre eux ne se rendit compte de l'intensité de ses douleurs. Chacun le prenait à la rigolade en lui disant : "Bah, ce n'est pas grave, il y a pire, tu aurais pu te fracturer les vertèbres, tu t'en tires à bon compte, demain tu seras sur pied etc. etc." Alors Ch'hâ en colère cria à sa mère : "Maman, je ne veux plus recevoir personne. Tu ne laisseras entrer à partir de maintenant que des gens qui sont eux-mêmes déjà tombés d'une échelle. Eux seuls peuvent savoir ce que je ressens."

Pourquoi je vous raconte cette histoire ? Parce qu'on est en train de lancer avec un grand battage médiatique un livre qui accuse parait-il l'Agence juive d'avoir essayé d'affoler les Juifs de France et notamment ceux de Sarcelles pour les inciter à émigrer de toute urgence en Israël. Alors je vais vous faire une confidence sous le sceau du secret. Les Juifs de Sarcelles n'ont pas attendu les émissaires de l'Agence Juive pour se rendre compte que la situation actuelle était préoccupante.Je ne sais pas où habitent les auteurs de cet ouvrage , mais je puis vous assurer que les points de vue des Français qu'ils soient Juifs ou non sont très différents selon qu'ils vivent dans des quartiers préservés ou dans des zones sensibles. Dans ces dernières on a toutes les raisons d'y voir plus clair puisque comme le dit un proverbe de chez moi : "Ne sent la braise ardente que celui qui marche dessus".
Au lieu d'imaginer que le gouvernement d'Israël se livre à une sorte de complot, un de plus, il vaut bien mieux se demander pourquoi certains Juifs prêtent à ces émissaires, si vraiment ils existent, une oreille plus attentive, qu'il y a 10 ou 15 ans. Au lieu d'accuser Israël et l'Agence Juive d'avoir voulu se livrer à une "OPA sur les Juifs de France", il vaut mieux se demander pourquoi certaines familles ont fait, ou envisagent de faire leur alya. Il faut tout de même rappeler des facteurs essentiels : d'une part, les importants changements démographiques qui se produisent dans ce pays, la montée de l'islamisme et d'un nouvel antisémitisme, souvent dissimulé sous le vocable d'antisionisme, ce qui revient exactement au même et d'autre part une assimilation galopante, dont personne ne veut parler et que semblent ignorer nos autorités religieuses et qui menace la pérennité de la communauté.

Quand à la deuxième accusation que l'on retrouverait parait-il dans ce livre à savoir que les Juifs virent politiquement à droite et même à l'extrême droite, si elle est fondée, ce qui est loin d'être sûr, elle devrait amener nos medias et nos hommes politiques, oubliant la pensée unique et la langue de bois, à se demander pourquoi des gens traditionnellement attachés à la France et à la démocratie et qui habituellement votent plutôt à gauche peuvent être éventuellement tentés par un tel virage. Le thermomètre n'est pas responsable de la fièvre. Il ne fait que la révéler et Ch'ha ne pouvait être compris que par ceux qui étaient tombés comme lui d'une échelle."

André Nahum

(1) "OPA sur les Juifs de France : Enquête sur un Exode programmé (2000-2005)" de Cécilia Gabizon et Johan Weisz, Editions Grasset.


09 mai 2006

Mazel Tov, Isabelle-Yaël !

Excursion d'un groupe judéo-arabe,
au cours d'un stage de l'Institut du Neguev pour
les stratégies de paix et de développement
(source : revue "l'Arche", mars 2006)

Un double "Mazel Tov", bien mérité, pour Isabelle Rose dont vous avez pu apprécier à plusieurs reprises les talents littéraires sur le blog.

Elle vient tout d'abord de vivre un tournant décisif et bien singulier, en passant avec succès les derniers examens de conversion au judaïsme. Une aventure bien rare, d'abord parce que le peuple juif ne pratique guère le prosélytisme ; mieux (ou pire) encore, il le décourage plutôt. Ensuite, parce que c'est à Jérusalem, au cœur de l'Histoire - passée et en cours - de ce peuple qu'elle a suivi ce long et pénible processus de conversion, qui a transformé une "Isabelle" née dans une famille chrétienne en une "Yaël", citoyenne israélienne passionnée par la vie politique de son nouveau pays - comme ses articles le démontrent amplement. Comment une jeune professeur agrégée de philosophie, écœurée par son expérience d'enseignante dans les "Territoires perdus de la République" en est venue à s'identifier si fortement à un peuple objet d'une si profonde incompréhension dans son pays natal ? Cela sera peut-être l'objet d'un prochain roman à caractère autobiographique, en tout cas je sais qu'elle a la capacité d'écrire des centaines de pages pour le raconter ...

Félicitations ensuite pour le long article que vient de publier sous sa signature la revue "l'Arche", le mensuel du judaïsme français, dans son numéro de mars. Et le sujet traité rejoint tout à fait la démarche de mon émission, "Rencontre", qui fait entendre sur la fréquence juive des dizaines d'invités de toutes origines et parmi eux beaucoup de Musulmans. Sous le titre "Quand les nations se mettent à l'école d'Israël", elle traite d'un sujet complètement ignoré par nos médias, celui de la coopération internationale qui a fait venir depuis 1958, 200.000 personnes, pour suivre une formation, et ce en provenance de quelques 140 pays ! Parmi eux (sujet qui m'intéresse fortement, bien sûr), de nombreux Arabes (voir photo). Coopération avec des pays musulmans comme le Niger, le Sénégal ou le Mali ; partenariat avec l'UNESCO, l'UNICEF ou la fondation Jean-Paul II ; fermes pilotes construites au Maroc ; un tiers de stagiaires en provenance des Territoires Palestiniens avant la seconde Intifada ; avec les pays voisins (Jordanie, Égypte), une coopération qui reprend progressivement ...

Comme le dit l'introduction de cet article : "à chaque fois que l'on parle des relations d'Israël avec le monde extérieur, c'est sur un mode conflictuel (...) A force de ne parler que de conflits, on oublie que le jeune état d'Israël a noué des relations fraternelles avec les nations émergentes d'Afrique et d'Asie, en envoyant des coopérants sur les cinq continents et en recevant des stagiaires de toutes origines dans ses centres de formation.

J.C

07 mai 2006

Le dossier sur « L’appel des indigènes de la République »


« Discriminés à l’embauche, au logement, à la santé, à l’école et aux loisirs, les personnes issues des colonies, anciennes ou actuelles, et de l’immigration post-coloniale sont les premières victimes de l’exclusion sociale et de la précarisation » (...)
 
Ainsi commence le fameux appel, diffusé sur Internet à partir du mois de janvier 2005, et qui devait donner lieu à une manifestation massive (et heureusement peu suivie) il y a presque un an, le 8 mai, anniversaire à la fois de la victoire sur le nazisme et des massacres ayant suivi la révolte de Sétif en Algérie ... rapprochement historique concluant ce manifeste quasiment révolutionnaire ! La longueur du texte rend impossible sa reproduction sur le blog, je renvoie donc au texte intégral :
sur ce lien

On lira attentivement, non seulement le texte, mais aussi la liste des organisations signataires, et les articles liés : ils donnent une parfaite illustration de ce que l’on appelle « la mouvance islamo-gauchiste », ou mouvement des « rouges-verts ».
 
Mais partons de l’affirmation de la toute première phrase : elle mélange du vrai (la discrimination à l’embauche, réalité incontestable pour les jeunes diplômés issus de l’immigration qui va rendre nécessaire les C.V anonymes, une honte pour notre Pays), et du faux, en tout cas pour ce qui concerne la santé et l'école : quiconque a eu le malheur de fréquenter le moindre hôpital récemment ou de croiser un n’importe quel groupe de jeunes écoliers dans les grandes villes de France ne peut que hausser les épaules devant un tel déni de la réalité. Idem pour « l’exclusion sociale » : exclusion des pauvres en général, oui, et c’est le problème des cités dortoirs devenus des ghettos, par un phénomène complexe de migrations qu’il faudrait analyser de façon non manichéenne ; mais certainement pas exclusion des originaires des colonies dans leur ensemble, demandez aux épiciers originaires du Sud tunisien qui se sont taillés la part du lion dans le commerce de détail, ou aux propriétaires des innombrables restaurants exotiques de Paris s’ils se sentent sincèrement « exclus » ; pour ne parler que des classes moyennes, et pas des riches originaires d’Afrique noire ou du Maghreb qui ont préféré placer leurs capitaux ici que dans leurs Pays, contribuant encore plus au sous - développement, donc à l’immigration des plus pauvres vers l’Europe ; précarisation qui existait donc de l'autre côté de la Méditerranée, et qui n'intéresse pas du tout les "indigènes" !

Mais quelques lignes plus loin, les signataires de l’appel se « dévoilent » (sans mauvais jeu de mot), lisons plutôt :
 
« Les mécanismes coloniaux de la gestion de l’islam sont remis à l’ordre du jour avec la constitution du Conseil français du Culte Musulman sous l’égide du ministère de l’intérieur. Discriminatoire, sexiste, raciste, la loi anti-foulard est une loi d’exception aux relents coloniaux » (...)
 
Ainsi, la tentative de mettre sur pied un véritable « Islam de France », non téléguidé par des puissances islamistes extérieures, est présentée comme un « mécanisme colonial ». Si des élections (même imparfaites) posent problème, on peut sérieusement douter des convictions démocratiques des « indigènes de la République ». Idem pour leur condamnation de la loi sur la laïcité à l’école, présentée (un comble de mauvaise foi !) comme raciste et sexiste ! Mais le soutien du site « Oumma.com », qui a ensuite donné un large écho à l’appel - site hélas visité quotidiennement par 100.000 internautes, tribune de Tarik Ramadan et pourfendeur de cette loi - rend encore plus limpide la véritable nature de ce manifeste : discours révolutionnaire, idéologie islamiste.
« La liberté de circulation est déniée ; un nombre croissant de maghrébins et d’africains sont contraints à franchir les frontières illégalement aux risques de leurs vies » (...)
 
Un véritable appel à une immigration sans limites et au refus de toute règlementation, bref le déni de ce que tous les Pays du Monde font (à commencer par ceux dont sont originaires les fameux « indigènes ») : la maîtrise des flux migratoires. En pratique, un soutien aux nouveaux négriers, qui font venir clandestinement une main d’œuvre misérable et exploitable à merci !
 
« Une frange active du monde intellectuel, politique et médiatique français, traître aux traditions de combat pour l’égalité et la dignité humaine, se transforme en agents de la « pensée » bushienne. Investissant l’espace de la communication, ces idéologues recyclent la thématique du « choc des civilisations » dans le langage local du conflit entre « République » et « communautarisme ». Comme aux heures glorieuses de la colonisation, on tente d’opposer les berbères aux arabes, les juifs aux « arabo musulmans » et aux noirs. Les jeunes « issus de l’immigration » sont ainsi accusés d’être le vecteur d’un nouvel anti-sémitisme » (...)
 
Résumons le message : les centaines d’actes antisémites violents qui ont marqué le début des années 2000 n’ont jamais existé, ou alors leurs auteurs étaient tous des « français gaulois ». Les Berbères qui veulent défendre leur culture et leur identité sont des pantins de Georges Bush, d’ailleurs est-ce qu’ils existent ... n’en jetez plus !
 
« Pour ces mêmes raisons, nous sommes aux côtés de tous les peuples (de l’Afrique à la Palestine, de l’Irak à la Tchétchénie, des Caraïbes à l’Amérique latine ...) qui luttent pour leur émancipation, contre toute les formes de domination impérialiste, coloniale ou néocoloniale » (...)
 
Au cas où vous n’auriez pas compris : les seuls peuples dont le combat est noble, ce sont les Palestiniens, les Irakiens (comprendre : les Sunnites pro Al-Qaïda qui massacrent des Kurdes ou des Chiites), les indépendantistes des DOM-TOM ... les insurgés du Darfour, les Tibétains colonisés par la Chine ... ça n’existe pas non plus !
 
Reste l’essence de l’appel, cette volonté d’opposer ad vitam æternam les descendants de colonisés et les autochtones, présentés comme des colonisateurs dans leur propre Pays ! Ce racisme à rebours, proprement hallucinant, a heureusement provoqué des réactions dans de nombreux journaux de gauche comme de droite, et je vous recommande en lien les articles suivants la tribune libre de Fadela Amara dans le journal « Libération » (cliquer ici).
J'ajoute enfin que j'ai eu le bonheur de recevoir de nombreux mails circulaires se faisant l'écho d'un rejet vigoureux des "indigestes de la République" pour reprendre le terme de l'un des commentaires, articles écrits par la mouvance éclairée, démocrate et laïque issue de l'immigration musulmane en France !
  Bonnes lectures. Et bon surf, en espérant que ce dossier aura contribué à votre réflexion - alors que, et quelles que soient les critiques légitimes que peuvent susciter certains aspects de la "loi Sarkozy" en cours d'examen à l'Assemblée Nationale, c'est le principe même d'une "immigration maîtrisée" qui fait débat, et qui suscite la violente opposition des "indigènes" et de leurs amis "rouges-verts" !

J.C

Nota de Jean Corcos, ajouté le 22 novembre 2017

Les fameux "Indigènes de la République" sont revenus sous les feux de la rampe ces derniers temps, suite d'abord à la proximité affirmée par la députée Danièle Obono avec leur porte parole Houria Bouteldja ; et à la révélation de leur entrisme dans le monde universitaire, ce qui a enfin provoqué de vives réactions. Souhaitant partager ce "dossier" écrit aux tous débuts du mouvement, je l'ai donc relu, supprimant hélas plusieurs liens devenus inactifs plus de 11 ans après.