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10 mars 2007

Solidarité avec les infirmières bulgares et le médecin palestinien : une émouvante soirée le 8 mars à Paris

Monsieur Michel Taube au micro,
au fond, l'emblème de la solidarité (1)
Monsieur François Frison-Roche au micro

Jeudi dernier, c’était - on vous l’a assez répété - la journée internationale des femmes. Justement, cinq femmes dont les médias ne parlent presque plus vivent un calvaire depuis maintenant huit longues années : ce sont les cinq infirmières bulgares, accusées d’avoir volontairement empoisonné par le virus du Sida des centaines d’enfants à l’hôpital de Benghazi, et condamnées à mort deux fois ; et avec elle - ne l’oublions pas car la barbarie n’a pas épargné le « frère arabe » des Libyens - le malheureux docteur palestinien Ashraf Juma.

Depuis la première manifestation à Paris sur le parvis du Centre Pompidou, en passant par des directs de nos journalistes avec Tripoli et une émission spéciale de « Rencontre » en janvier 2006 (rediffusée après la deuxième condamnation à mort du 19 décembre), je suis en contact avec l’association « Bulgaria France » (adresse : www.bulgaria-france.net) et j’essaie de vous informer de ce dossier : pour en revivre l’historique, cliquer en fin d’article sur le libellé « infirmières bulgares ». C’est tout naturellement, donc, que je suis allé jeudi dernier au rassemblement de solidarité au Centre Culturel Bulgare à Paris. Le modeste local ne suffisait pas pour accueillir les participants, bulgares en majorité avec quelques conjoints français ou militants pour leur libération, venus entendre plusieurs personnalités ; hélas, pas de grands médias présents, et plusieurs intervenants ont exprimé la crainte que ces otages (car il faut bien prononcer le mot) ne soient complètement oubliés ... 
Je ne vais pas vous imposer un compte-rendu trop long, juste donc un résumé des interventions des différents conférenciers, qui se sont exprimés sous la présidence du professeur Minko Balkanski.
- D’abord j’ai noté les liens très forts entre la France et la Bulgarie, où beaucoup d’intellectuels sont francophones : le premier intervenant a été un Français, Monsieur François Frison-Roche (photo), qui a même lui-même été conseiller d’un ancien président bulgare ! A l’exception d’un ex-député venu spécialement de Sofia, tous les Bulgares intervenants parlaient parfaitement le français, et ont souligné que c’est en France que la mobilisation pour cette affaire était la plus importante - en critiquant, aussi, pour leur indifférence présente d’autres pays, l’Allemagne qui a de très forts intérêts en Bulgarie, ou l’Italie (qui commerce tellement par ailleurs avec la Libye).
- Car la petite Bulgarie fait partie de l’Union Européenne depuis le 1er janvier ! Elle est donc en droit d’attendre plus de solidarité des pays membres de l’Union, en tout cas les participants ont exprimé l’espoir que les prisonniers de Tripoli seront mieux protégés de ce fait.
- Le rédacteur du quotidien de Sofia « Standart », Monsieur Georgi Gotev, devait témoigner de l’émotion qui est immense là-bas ; en reconnaissant aussi (effet d’un individualisme et d’un cynisme qui auraient marqué la fin du communisme, comme cela a été évoqué ?), que l’opinion publique a été longue à se mobiliser dans la patrie des infirmières.
- Tout le monde a compris que l’on a affaire à un procès purement politique, comme l’a dit le professeur Boyan Christoforov : les Libyens réclament maintenant comme dédommagements exactement la somme qu’ils doivent payer en compensation des attentats du Lockerbie et du DC 10 de l’U.T.A, vieilles affaires de terrorisme qui remontent aux années 80 et qui avaient conduit à l’isolement de Tripoli pendant de longues années ! C’est donc aux grandes puissances à se mobiliser pour défendre ces innocents.
- Ensuite, j’ai été particulièrement impressionné par l’intervention du docteur Raphaël Pitti, président d’une association (« Les enfants d’Hippocrate ») crée spécialement pour mobiliser le corps médical en faveur des prisonniers de Tripoli. Médecin militaire, il a rappelé la tradition de sa noble profession, celle de soulager la souffrance de tout le monde, même des ennemis prisonniers en cas de conflit. Avoir utilisé des otages comme on l’a fait pour les infirmières bulgares et le médecin palestinien, c’est une trahison contre l’éthique médicale, contre le rapport de confiance entre médecins et malades : si on laisse faire, tout médecin humanitaire pourra être menacé dans le Monde ! Des sommités de l’Académie de Médecine, le professeur Axel Kahn, les docteurs Xavier Emmanuelli, Bernard Kouchner, ont répondu à son appel.
- Le docteur Snejna Freche, présidente de l’Amitié Médicale France-Bulgarie (qui s’est dévouée sans compter pour les prisonniers de Tripoli), le docteur Ivan Sotirov (qui a rappelé les expertises scientifiques du professeur Montagné et la lettre des 114 Prix Nobel au Président Khaddafi), Monsieur Debout, président de l’Association Nationale des Infirmiers et Infirmières (ANFIIDE), ont porté témoignage également de la solidarité du personnel médical. Petite remarque strictement personnelle : l’absence de « Médecins du Monde » et de « Médecins sans Frontières » à une telle manifestation - alors qu’elles ont un tel prestige et qu’elles font tellement appel aux dons - ne m’en a paru que plus choquante.
- Michel Taube (photo), président de l’association « Ensemble contre la Peine de Mort » a rappelé son engagement personnel sur ce dossier (voir sur leur site), et a promis d’intervenir auprès des grandes ONG de défense des Droits de l’Homme. Détail encourageant, il a évoqué un début de prise de conscience (depuis la deuxième condamnation à mort de décembre dernier) dans le Monde arabe, où on réalise l’effet désastreux de cette prise d’otages déguisée pour les Libyens, et au delà.

Madame Freche a fait la suggestion, de créer une fédération de tous les groupes militant pour la libération des prisonniers. Une réunion à ce sujet est prévue d'ici une dizaine de jours pour les associations, qui confirmeront leur accord. Sera également à l’ordre du jour la suggestion de Monsieur Youriyv Vodenitcharov, de l’association « Bulgaria France », d’écrire à tous les candidats à l’élection présidentielle : à noter que seul Nicolas Sarkozy en a parlé lors de son discours d’investiture en janvier puis le 7 mars, et que Ségolène Royal - qui a évoqué les violences faites aux femmes en cette journée internationale - est restée bien silencieuse à propos des malheureuses infirmières torturées en Libye !

Jean Corcos

(1) Le symbole de la campagne de soutien a été créé par le journal "Standart". Il porte l'inscription "Ne ste sami" ("Vous n'êtes pas seuls"), gravée sur les couleurs de la Bulgarie. Ce journal a aussi créé un site pour informer des actions de solidarité, en plusieurs langues dont l'anglais et l'arabe (lien sur le site).