Rechercher dans ce blog

29 novembre 2007

Les Juifs et les Chrétiens dans le texte coranique (2/2), par Mezri Haddad

Introduction :
Suite et fin de l’article publié dans la revue « Le Monde des religions » de septembre octobre 2007, par le philosophe tunisien Mezri Haddad, avec son aimable autorisation.Hier, je publiais la première partie avec une analyse du texte coranique pour ce qui concerne les Juifs. Aujourd’hui, je publie ce qui concerne la présentation des Chrétiens dans le Coran, et la conclusion.
J.C

A l’égard des Chrétiens

De même que pour les juifs, à l’égard des Chrétiens l’attitude du Coran est très critique. Il leur est reproché d’avoir oublié ou volontairement falsifié leurs Écritures saintes. Ce en raison de quoi, Dieu les invite à être fidèles à leurs Livres : « Que les hommes de l’Évangile jugent par ce sur quoi Dieu leur a fait révélation (5, 47). Et plus loin, « Dis, O vous Gens du Livre, vous ne reposez sur rien, tant que vous ne vous en tenez pas à la Torah et à l’Evangile et à ceux qui vous a été révélé de la part de votre Seigneur ». Il est cependant clair, et les commentateurs sont unanimes là-dessus, que le Coran est moins sévère à l’égard des Chrétiens qu’envers les Juifs car « il y a parmi eux des prêtres et des moines et qu’ils ne s’enflent pas d’orgueil »(5, 82). Quoi qu’il en soit de cette bienséance coranique à l’endroit des Chrétiens, il n’en reste pas moins que leurs « fautes » sont beaucoup plus graves que celles des Juifs. C’est en tout cas ce qui a été dit par certains commentateurs et notamment par Al-Râzi ou par Al-Ghazâli dans sa Réfutation excellente de la Divinité de Jésus Christ. Fautes plus graves car elles portent sur la nature de Dieu lui-même, tandis que les critiques à l’encontre des Juifs découlent de leur refus de reconnaître à Mouhammad le statut de prophète. Plusieurs versets condamnent violemment la thèse des trois mystères qui sont au fondement de la foi chrétienne, à savoir la trinité, l’incarnation et la rédemption : « Croyez en Dieu et en Ses envoyés et ne dites pas trois »(4, 171) ; « Ce sont à coup sûr des infidèles ceux qui disent que Dieu est le troisième d’une triade »(5, 73) ; « Quand Dieu dit : O Jésus, fils de Marie ! est-ce toi qui as dit aux hommes : prenez-moi, moi et ma mère, comme deux dieux en dehors de Dieu ? »(5, 116) ; « Les chrétiens ont dit que le Messie est fils de Dieu »(9, 30), mais « Dieu n’a pas d’enfants parce qu’Il n’a pas de compagne »(6, 110) ; « Ils répètent ce que les incrédules disaient avant eux. Que Dieu les anéantisse ! Ils sont tellement stupides ! Ils ont pris leurs docteurs et leurs moines, ainsi que le Messie, fils de Marie, comme seigneurs, au lieu de Dieu. Mais ils n’ont reçu l’ordre que d’adorer un Dieu unique. IL n’y a de Dieu que lui ! »(9, 29).

C’est au verset 5, 51 que l’on trouve la conséquence ultime de toute cette controverse contre les « Gens du Livre » : O vous qui croyez ! Ne prenez pas les juifs et les chrétiens comme amis. Ils sont amis les uns des autres, et celui d’entre vous qui lie amitié avec eux devient donc l’un des leurs ». De là à déclarer la guerre sainte contre les infidèles, il n’y a qu’un pas : « O Prophète ! Combats les infidèles et les hypocrites ; sois dur envers eux » (9, 73 et 66, 9). De même qu’on ne peut pas passer sous silence ces versets sur lesquels se basent aujourd’hui tous les extrémistes et les terroristes : « Combattez sur le chemin de Dieu ceux qui vous combattent ... Tuez-les partout où vous les rencontrez, et chassez-les des lieux d’où ils vous auront chassés »(2, 190) ; ou encore « Ne prenez donc pas d’amis parmi eux jusqu’à ce qu’ils fassent hégire sur le chemin de Dieu. S’ils se détournent, saisissez-les et tuez-les partout où vous les trouverez »(4, 89) ... etc.

Même s’ils ont été parfois nuancés par certains exégètes, aussi bien classiques que modernes, ces versets posent aujourd’hui un grave problème à la conscience islamique. Y toucher pour les frapper de caducité serait un sacrilège, puisque les enseignement du Coran sont censés être bons pour tous les temps. Les expurger du Coran par mesure d’hygiène morale et par souci d’apaisement et de réconciliation avec les Gens du Livre, serait également un grand sacrilège puisque c’est la sacralité même du Coran qui serait touchée, l’origine absolument divine de ce Livre étant, comme nous l’avons indiqué au départ, le dogme fondateur de l’islam. L’époque tumultueuse et périlleuse que nous vivons exige pourtant que les penseurs musulmans fassent cet effort exégétique, notamment en réactivant et en rénovant la théorie de l’abrogation. Cet effort doit se poursuivre jusqu’à ce que la position du Coran à l’égard des juifs et des chrétiens s’arrête définitivement et irréversiblement sur le verset 69 de la sourate « La Table » : « Ceux qui croient, les juifs, les sabéens, les chrétiens qui croient en Dieu et au jour dernier, et qui pratiquent la vertu, seront exempts de toute crainte et ne seront pas affligés ». D’autres versets réitèrent et confirment cette position : le verset 62 de la sourate « Le Pèlerinage », le verset 62 de la sourate « La Génisse » ... et cela devrait suffire à ceux qui ne veulent pas voir les signes de Dieu ni entendre ses appels. 

Mezri Haddad