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05 décembre 2005

Netanya - New York

Introduction :
Isabelle Rose, qui vit à Jérusalem et dont vous avez pu déjà apprécier le talent de journaliste, a écrit ce papier quelques heures après l'attentat de Netanya qui a fait cinq morts, des dizaines de blessés dont hélas plusieurs gravement atteints. Elle révèle des évènements passés inaperçus dans les grands médias, et qui prouvent combien deux forces opposées s'affrontent au sein de la population arabe d'Israël et de celle des Territoires palestiniens : ceux qui croient au processus de Paix et ceux qui veulent le saboter ; et pourquoi cette attaque terroriste, réalisée par le Djihad Islamique soutenu lui-même par l'Iran, correspond à une escalade de violence programmée. Bonne lecture.
J.C 

L’attentat de Netanya, qui vient de se dérouler ce matin, s’ajoute à une (trop) longue liste d’attentats dont cette ville fut la cible. Pourquoi Netanya ? D’abord, parce que Jérusalem est devenue plus difficilement atteignable depuis la construction de la « barrière de sécurité ». Ensuite, parce que Netanya est une localité qui ne cesse de se développer, grossie financièrement et démographiquement tant par les immigrants russes que français. Mais Netanya, pourquoi maintenant ?

Le député arabe israélien Majali Wahabeh, qui vient d’adhérer au parti Kadima, a annoncé hier que de nombreuses personnalités arabes se joindraient à cette nouvelle liste en même temps qu’elle devait pouvoir compter sur le vote de 100 000 arabes israéliens. Parallèlement, Ariel Sharon invitait les adhérents arabes du Parti Travailliste à rejoindre sa nouvelle formation politique (ils ont réservé leur réponse). Vendredi, Ehud Olmert - et cela était une première - prenait la parole conjointement avec son homologue palestinien Salam Fayed au sommet du G7 pour réclamer l’aide financière et politique de la communauté internationale dans le « processus de paix ». Il semblait ressortir de tout cela une nouvelle dynamique dans le rapport Arabes-Juifs. Surtout si l’on prend au sérieux - jusqu’à preuve du contraire : pourquoi pas ? - la décision de Mohammed Dahlan de renvoyer des « policiers » chargés de contrôler le passage de Rafiah suite à l’infiltration d’armes et de personnes aux intentions douteuses en provenance d’Egypte.

Au moment même où certains Arabes israéliens s’engageaient politiquement dans un parti politique non communautaire - celui d’Ariel Sharon - une manifestation agressive était organisée au Wadi Ara pour mettre en garde ceux qui « collaborent avec les autorités israéliennes ». On entendit aussi des slogans contre la politique impérialiste des américains et d’Israël. Localité qui rassemble des points de peuplement arabes, située non loin d’Hadéra, sur la petite route qui mène à Afoula, le Wadi est réputé pour sa violence : attentats, préparation d’attentats, destruction de bus, etc... Rappelons qu’Hadéra, où vivent Juifs et Arabes, est la dernière ville à avoir connu un attentat avant celui de Netanya. Nazareth, grand centre urbain musulman, qui héberge des antennes du Hamas (et du Hezbollah probablement), vient d’annoncer la création d’un « comité pro-syrien » dont la fonction est de défendre les intérêts syriens dans la région. Enfin, des tirs de Kassam, lancées depuis Gaza, tombent depuis la fin de la semaine dernière, d’une manière de plus en plus soutenue, sur le Néguev et Sdérot. Pour conclure cette sinistre liste, rappelons les dernières déclarations provocatrices de l’Iran qui réitère de cette manière la réponse qu’il donne aux initiatives diplomatiques des Etats-Unis et de l’Europe.

Si l’on met face à face ces deux « catalogues » d’informations, on remarque immédiatement une chose : au moment même où une partie de la population arabe - qu’ils soient israéliens ou non - manifeste un début de changement de comportement encourageant, la violence guerrière et terroriste accuse une recrudescence. Pour ce qui est des Arabes palestiniens, réactivation des violences internes (entre groupes armés) et externes (en direction du territoire d’Israël et du Liban). Avec le soutien de la Syrie et de l’Iran. Pour ce qui est des Arabes israéliens, le message se lit très clairement : c’est exactement au moment où certains s’engagent dans le processus électoral israélien, en délaissant les partis politiques arabes enfermés dans leurs revendications régressives, ethniques, conservatrices, communautaires, qu’un attentat vient casser le mouvement. Avec en plus menaces à la clé - et elles ne sont pas en l’air. Car quel sera l’effet de l’attentat de ce matin ? D’une part, il va de nouveau crisper la population juive. On peut s’attendre aux invectives provocatrices de Benjamin Netanyahou qui s’est replié sur un discours schématiquement sécuritaire. D’autre part, face à cette crispation, les Arabes israéliens qui n’auront pas été intimidés par les menaces émanant des partis arabes, mais aussi du Hamas, des Brigades des Martyrs d'Al Aksa, du Djihad islamique, du Hezbollah, seront de nouveau renvoyés à des partis politiques qui empêchent à long terme leur véritable intégration dans l’état. Tout cela n’est pas fait pour travailler à l’unité de la société civile ... Sans doute était-ce le but de l’attentat, qui s’inscrit dans la logique des violences et des provocations de ces derniers jours.

Vendredi 2 Décembre, à New York, l’Assemblée de l’Onu a voté six résolutions contre la politique israélienne. On peut s’interroger sur l’opportunité de ce vote, du message qu’il véhicule, des actions qu’il encourage - directement, ou indirectement. On attend autant de fermeté dans le dossier des organisations terroristes et de l’Iran.

Isabelle Rose
Jérusalem, le 5 décembre 2005

A propos des citoyens arabes d’Israël, lire aussi le compte-rendu de mon interview du 11 septembre avec l’ambassadeur Nissim Zvili (cliquer ici).