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29 novembre 2005

Pierre Lellouche l'avait dit à notre émission : intégration ici et démocratie dans le Monde arabe sont les deux faces d'un même combat

Pierre Lellouche,
député UMP de Paris


Pierre Lellouche avait été invité de "Rencontre" le 4 mai 2003 juste après la chute de Saddam Hussein. Le thème de notre émission était : "La politique arabe de la France, bilan et perspectives". Fin 2005, au delà de virages diplomatiques au Proche-Orient qui nécessiteront d'autres débats, il est clair que cette politique est un échec en matière d'intégration. Mais si les deux sujets étaient liés ? Si en freinant l'évolution de l'autre côté de la Méditerranée, nous avions sapé le pacte républicain chez nous ? Une question taboue et jamais posée. Ci-dessous la transcription d'un extrait de notre interview.

Jean Corcos : Nous arrivons à la fin de cet entretien et j’aimerais vous poser une question générale liée à votre franc parler courageux et à vos prises de position directes. Ce qui me frappe dans nos élites qui sont très brillantes dans leurs spécialités, c’est qu’elles sont incapables de décloisonner leurs compétences. Il est par exemple intéressant de voir que les enjeux de politique intérieure française avec l’intégration des millions de musulmans, et de politique internationale avec tous les problèmes que nous venons d’évoquer, peuvent se rejoindre.
Je me souviens d’une conférence que vous aviez donnée à l’Assemblée Nationale où j’avais été frappé par vos propos et notamment lorsque vous aviez dit : « la mutation de la population française est inévitable, l’immigration y est continue, et il existe un gradient Nord/Sud avec une démographie supérieure des musulmans ». La question que je vous pose est donc existentielle : ne pensez-vous pas que cette jeunesse magrébine désorientée, travaillée par des islamistes, pourra d’autant plus facilement accepter les idéaux républicains de la France que l’état français, par sa politique internationale, encouragera cette évolution démocratique dans le monde arabe, même s’il semble - comme vous le faisiez remarquer en début d’entretien - que cela ne l’intéresse pas au premier chef ?

Pierre Lellouche :Nous pouvons dire que cette question n’intéressait pas la France dans le passé parce que les pouvoirs politiques n’avaient pas pris conscience de cette chance extraordinaire que représente la transition démocratique. Il faut vivre ce qui s’est passé en Irak comme une vraie libération. Je vous rejoins donc entièrement en faisant remarquer que le fond du débat dans cette affaire, qui soulève presque une question pascalienne, est de savoir si l’on pense ou pas que l’islamisme radical est soluble dans la démocratie et dans les valeurs démocratiques. Pensons-nous, nous Français qui sommes avec les Américains les inventeurs de la déclaration des droits de l’Homme, que tous les peuples ont droit à la liberté, y compris ceux de religion musulmane ? Si l’on pense, comme c’est mon cas, que l’islamisme radical est soluble dans la démocratie, et que la démocratie ne pourra exister dans les pays musulmans que par la libération des femmes et par l’instauration d’un état laïc en opérant la séparation de l’église et de l’état, alors le combat pour la reconstruction démocratique de l’Irak est très exactement parallèle au combat de l’intégration laïque en France. Il n’est pas cohérent à la fois de cautionner Saddam Hussein à Bagdad, et de s’effrayer de voir la montée de l’islamisme radical en France.
Dans la mesure où nous sommes pour la démocratie dans le monde arabe et que nous nous battons pour cela, alors nous serons d’autant plus fort pour parler de l’intégration, du foulard islamique, et de rappeler que la religion appartient à la vie privée de l’individu, et qu’elle ne serait se substituer à la loi républicaine. Ce sont les deux faces d’un même combat. J’ai largement l’impression que dans le psyché français et dans la façon de faire de la politique en France, la discussion sur l’intégration est totalement découplée de la soi-disant politique arabe de la France, et qu’au fond nous avons laissé croître une immigration incontrôlée que nous n’avons pas su intégrer. De même, il me semble que nous avons laissé s’appliquer une politique étrangère de facilité avec un certain nombre de pays, parce que nous pensions que nos intérêts politiques traditionnels ou économiques seraient mieux servis en essayant de protéger ici ou là tel ou tel régime autoritaire, sans voir qu’à l’abri de ces régimes autoritaires se développait un islamisme radical extraordinairement violent et anti-occidental depuis 1979, année marquée par la guerre en Afghanistan (...)

Nous avons donc à faire face, dans la bataille pour la démocratisation du monde musulman, à la fois à ce défi considérable de lutter contre l’islamisme qui touche toutes les démocraties, et à un problème national d’intégration. 

J.C